Juliette76 a écrit : ↑17 mai 2025, 22:51
Bonsoir à toutes,
Je me lance enfin à vous écrire, après des dizaines d’allers retours sur le forum depuis le 11 mars dernier. Cette date me paraît si loin ce soir… Le temps me semble suspendu depuis mars.
Après avoir simplement écrit « gros reins hyperéchogènes et manque de liquide amniotique », c’est bien ici que la vérité m’a sauté aux yeux quand j’ai lu le verdict sans appel : « IMG ». La première fois que j’ai atterri ici, j’ai découvert cette maladie, la « polykystose » et depuis j’ai l’impression de n’avoir que ce terme en tête.
Pour revenir un peu sur mon histoire, j'ai 32 ans, j’ai passé une très belle (première) grossesse de septembre 2024 à début mars 2025, l’impression d’être sur un petit nuage de bonheur avec mon compagnon. J’y repense forcément avec une grande nostalgie, avec le sentiment que l’on m’a volé mon innocence à tout jamais et surtout notre bonheur.
Dans la nuit du 10 au 11 mars, j’ai ressenti des sensations bizarres dans le ventre, je sentais mon bébé bouger mais d’une manière qui était bizarre et pas très agréable, au point où j’ai commencé à « angoisser » dans la nuit (j’ai même fait un cauchemar qu’il allait mal) et j’ai fini chez le gynéco le 11 mars au matin : « col OK mais plus de liquide amniotique ». Il m’envoie aux urgences maternité pour vérifier que je n’ai pas perdu les eaux. Une gynéco m’ausculte, on fait une écho, elle nous dit que les reins sont « très » gros, qu’il n’y a pas d’urine dans sa vessie et que je n’ai plus de liquide amniotique. Elle nous renvoie chez nous en fixant une autre écho 3 jours plus tard avec « la gynéco de référence » (déjà là on sent que ça craint et que l’effondrement est proche). C’est pendant cette attente des 3 jours que j’ai découvert ce forum, où j’ai compris que c’était grave et que j’allais perdre mon bébé. A la fois c’était violent de lire toutes ces histoires et en même temps cela m’a « préparé » à ce qu’il allait suivre. Dans leur « protocole » médical, les choses prennent du temps pour peser les mots et les diagnostics, mais j’étais trop impatiente et je voulais savoir le dénouement, si atroce soit-il. Je pense que cela m’a aidé à me « préparer » (je mets des guillemets parce qu’évidemment que l’on n’est jamais prêt à ce qui arrive).
Confirmation sur les reins, insuffisance rénale, potentiellement la polykystose rénale.
J’ai lu sur le forum les inquiétudes de certaines sur la journée d’IMG en tant que telle, pour celles qui me liront, je peux vous dire que j’ai passé « une belle journée », avec un personnel aux petits soins, avec peu de douleurs (merci la péri).
Notre bébé, Raphaël, est né sans vie le 31/03/2025. Quel bonheur de le rencontrer enfin et de profiter de lui pendant 3 heures. On se sent forts d’avoir réussi à affronter cette journée, trop heureux de rencontrer son bébé et bouleversés qu’une foutue maladie rénale nous l’enlève. Pour nous, il n’y avait pas d’autres options, nous ne pouvions pas imaginer sa vie avec une insuffisance rénale et le voir souffrir… Les conséquences concrètes à sa naissance ne sont pas déterminées clairement mais on comprend que l’on ne lui souhaite pas de vivre cela et à nous non plus. Je ne pouvais m’imaginer attendre sa mort.
Après l’IMG, on passe en mode survie, prendre soin de soi, de son conjoint, de son couple, on se reclus pour « digérer », essayer de s’apaiser. Le monde extérieur nous parait une autre planète. Après avoir écouté beaucoup de podcasts, pas mal de couples se coupent le temps post-IMG, ce temps est nécessaire je crois… Les « autres » demandent trop d’énergie. On nous dit que cela reviendra (c’est vrai). En même temps, on a besoin de ce soutien, même invisible (des petits messages qui n’attendent pas de retour ou même juste des émoji – moi je ne supportais/supporte plus la question « ça va ? comment tu te sens ? » c’est gentil mais que dire… c’est tellement complexe et changeant d'un jour sur l'autre; les gens sont dépourvus de mots et on les comprend...).
Me concernant, l’IMG est arrivée à 33 SA + 3j (soit 3 semaines après la première consultation où l’on a vu le problème des reins). Nous étions (et le sommes toujours un peu aujourd’hui) en colère d’avoir appris si tardivement ce problème. On était à 10 jours de l’écho du troisième trimestre, où on l’aurait forcément appris. J’aime me dire que notre petit bébé a voulu me prévenir avant et que l'on s’est connecté.
Les premiers mois, on pense aux fausses couches, puis première écho, dépistage trisomie et 2ème écho. Pour moi, naïvement, après c’était l’autoroute vers la fin de grossesse, mais non, on se prend un mur à 200 km/h et faut se relever.
Mon compagnon a repris le travail début mai. Je suis en congé « maternité » (beaucoup de guillemets dans mon post) jusqu’à fin juillet, je prends le temps pour retrouver ensuite « ma vie » (en fait mon travail). On essaye d’avancer, des moments où « ça va » et d’autres où la douleur de la perte et l’injustice serrent le cœur et où les larmes coulent. A ces moments-là, j’ai l’impression que je ne m’en remettrai jamais, d’être engloutie dans quelque chose de plus grand que tout, comment faire quand on a l’impression qu’une partie de soi s’est envolée ? Clairement, les personnes confrontées à une IMG et au deuil périnatal changent forcément, et cela peut être beau aussi. Avec mon compagnon, on est des personnes assez positives et optimistes mais putain faut être costaud pour s’accrocher quand les vagues de tristesse nous secouent. Et le lendemain on ressent une énergie, l'envie d'aller de l'avant, d'y croire, d'oser y croire surtout... et puis rebelotte d'un coup la peur de l'avenir et notre petit bout qui nous manque, qui devait être là et donner sens à nos vies.
Un jour ce cycle s'arrêtera, je l'espère ? Nous ne sommes "que" 2 mois plus tard après tout...
A cela s’ajoute le résultat concret de notre situation : il s’agissait bien d’une polykystose rénale récessive (nous sommes tous les deux porteurs sains). Autre coup de massue de se dire que le risque sur 4 sera toujours bien là. J’ai lu ici le sentiment de jouer à la roulette russe, clairement…
Comme beaucoup de femmes, je n’ai qu’une envie (que j’essaye de contrôler pour ne pas en faire une obsession) c’est de retomber enceinte (j’ai eu le retour de couches cette semaine et ça m’a mise en joie de me dire que mon corps fonctionnait toujours !! On se contente de ça...). Mais évidemment dans notre situation le stress sera toujours présent. Certains post ici remontent à 2017 (triste de se dire qu’en 2025 cette mauvaise combinaison génétique perdure), avez-vous réussi à tomber sur les 75% de chance d’avoir un bébé en bonne santé ???? Dites moi que c'est possible... J’essaye de relativiser en me disant qu’en soi il y a toujours un risque de n’importe quoi pour n’importe quelle grossesse, c’est juste que les personnes ne sont pas au courant… Nous on se prend le truc en pleine face et on est bien consciente que la vie ne tient qu'à un fil.
Ce que nous avons découvert avec le rdv génétique c’est que nous pouvons faire un « prélèvement d’exclusion » à 10 SA dans le sang maternel (voir s’il y a la mutation paternelle). S’il n’y a pas de mutation paternelle = rassuré, on continue la grossesse. Sinon, à 12 SA prélèvement du trophoblaste. Dans tout ça, je me dis que nous avons de la chance que la médecine existe et de pouvoir anticiper ce foutu gêne et en fonction de continuer ou non la grossesse…
Ils nous ont aussi présenté le parcours DPI FIV… Cela m’a complètement dépitée d’entendre qu’il y avait 18 mois d’attente… alors oui je me dis « qu’il faut s’inscrire » pour ne pas regretter de ne pas l’avoir fait, et que de manière « ironique », je n’ai pas envie de regretter si je suis à ma 15ème IMG (humour noir). Je ne sais pas si j’ai l’énergie de tous ces rdv en amont… Est-ce que vous savez à partir du moment où l’on demande à s’inscrire si on est plongé directement dans tout ça ou s’il y a justement une attente dans la prise en charge concrète ?
Mon rêve secret, comme d'autres je suppose, c'est que la roulette russe fonctionne et d'abandonner le projet DPI FIV...
Dans mon cerveau, se mêle : le deuil de Raphaël, la folle envie de retomber enceinte, la peur de revivre une IMG/IVG, la peur de ne jamais être maman d’un enfant sur Terre.
J’ai l’impression que ma vie est arrêtée en ce moment et qu’elle ne reprendra vraiment que si l’on me dit que mon bébé n’est pas malade à 10 ou 12 SA, et en attendant j’ai envie de me reclure dans un terrier. Je m’en veux de penser comme ça, je veux qu’on continue à être heureux entre temps et me dire qu’une grossesse n’est pas l’alpha ou l’oméga du bonheur mais bon…
Pourquoi écrire ce soir ? Parce que forcément parfois on se sent seule dans notre malheur. Notre compagnon ne réagit pas toujours comme nous, le monde continue à vivre et une part de moi a envie de parler à des femmes qui peuvent vraiment me comprendre. C’est un drame et je sais que l’on peut s’en sortir, même si cela restera marquée en nous.
Je me répète que nos petits anges ont préparé la petite maison, le petit nid, pour leurs petits frères et sœurs, pour qu’ils ne soient jamais malades et que leurs reins soient bien opérationnels.
Dans notre malheur, on a la « chance » de pouvoir anticiper cette maladie génétique (ce n’est pas le cas de toute les maladies génétiques qui se découvrent à la naissance ou plus tard). Après ça reste une sacrée couleuvre à avaler et ça remet les choses en perspectives.
J’ai envie de me dire qu’on en sortira plus fortes que jamais, avec tout l’amour infini pour nos petits anges.
Il faut aussi se détacher du regard des autres « olala la pauvre elle a perdu son bébé », ce n’est pas facile, même si le monde ne tourne pas autour de nous… Est-ce que vous avez parlé de la maladie génétique facilement ? Nous pensons le dire qu’aux personnes très proches, pour ne pas ajouter la dimension « olala les pauvres ils ont 25% de risque que cela se reproduise ». Et en même temps j’ai envie d’assumer et je ne veux pas nier la maladie exacte de notre fils. Enfin sur ce point je ne sais pas trop comment appréhender les choses. Peut être aussi une part de "honte" d'avoir donné les mauvais gènes à notre enfant, alors que l'on est si fière de porter la vie...
Le terme était prévu le 23 mai, une autre étape la semaine prochaine.
Merci d’avoir pris le temps de me lire.
Je vous remercie en retour pour tous vos témoignages, je me sens moins seule.
Toutes mes pensées à celles qui partagent cette douleur et cette force transmise par nos petits bébés.
Ce qui est certain c'est que depuis le 31/03/2025, Raphaël m'a donné toute sa force pour affronter les défis de la vie. C'est pour toi que je vis mon bébé, ta petite bouille apaisée, sans jamais aucune souffrance, est pour moi le meilleur moteur.
Juliette