Se reconstruire... pour (re)devenir qui ?

[melcaran]

Bonsoir,

Une interrogation me suit depuis quelques semaines, et ce soir je me dis que peut être avoir vos ressentis, vos retours, vos expériences, m'aiderait sur ce difficile chemin de la reconstruction...

Je lis, j'écoute et je discute de l'épreuve que nous traversons, et je me demande de plus en plus souvent ce qu'il faut entendre derrière cette volonté de "se reconstruire". Est-ce que nous devons chercher à recoller les milles morceaux pour recomposer le "nous" que nous étions ? Pourrions nous réellement redevenir celle (celui) que nous étions avant la perte de nos trésors ? Où s'agit-il de construire autre chose et de devenir un "nouveau nous" ?

Mais alors pour devenir qui ?
Par exemple, aujourd'hui je me sens plus maman qu'auparavant, je ne m'implique plus dans la vie comme je pouvais le faire, je ne suis plus l'optimiste d'avant, je suis beaucoup plus solitaire, ect. Est-ce ce fameux "nouveau moi" ou justes des conséquences de la dépression ?

Et vous, comment ressentez vous cela ? Comment vivez vous cette "reconstruction" ?

Plein de pensées à nos petits trésors partis trop tôt ,
Douce nuit

[Sand100]

Bonjour Melcaran,

Tes interrogations sont intéressantes.
Pr ma part je ne dirai que cette épreuve nous a forcément changé et aura un impact dans la vie.

Il y a des jours avec et des jours sans et c'est incontrôlable. J essaie de continuer de profiter de la vie car j ai une fille de 8 ans qui demande de l attention.
Et je me dis aussi que mon bébé au ciel n aimerait pas voir sa maman triste.

Bonne journée a toi

[Axel&baby4]

Bonjour Melcaran,

Pour moi c’est une reconstruction différente avec mes faiblesses et mes forces. Je ne serai jamais comme avant et ça c’est vrai avec toutes les expériences de la vie et encore plus pour les expériences traumatisantes comme nous avons vécues.
J’ai un ami qui a vécu une expérience traumatique et il a lu des bouquins sur le choc post traumatique et il est plus fort aujourd’hui.
Je pense qu’il faut du temps, que nous parlerons toujours le cœur serré de nos enfants partis trop tôt mais que nous construisons autour notre vie de femme, de maman, de sœur, d’amie,…
Nous sommes plus éprouvées mais nous sommes toujours les mêmes sur une partie de nous.

Tu trouveras qui tu es, qui tu veux être, qui tu seras.

À bientôt,

Marie

[M-M]

Bonjour Melcaran,

La naissance de Maëlle date de presque 8 mois. Mais nous avons pu se préparer à son départ depuis 9 mois environ... Ce délais entre l'annonce des malformations qui ne lui permettaient pas de vivre et l'accouchement en lui même m'ont aider pour le cheminement ensuite.

Je ne serai jamais la personne d'avant Maëlle. D'ailleurs, c'est une expression qu'on utilise souvent avec mon mari "tu sais, avant Maëlle... blablabla" ou "depuis Maëlle...". Elle a clairement mis un tournant dans nos vies. Nous sommes différents.

Je réfléchis à ta question depuis plusieurs jours, pour savoir en quoi je ne suis plus la même... Depuis Maëlle, j'ai des vagues de tristesse qui viennent, comme ça pour rien, sans éléments déclencheurs... Elles sont moins longues qu'au début, moins intenses mais quand même présentes.
J'arrive à prendre du recul sur des petits soucis en me disant que ce n'est pas si grave (j'ai acheté un sac de platre en trop, tant pis...).
Et au contraire, un petit changement, et j'ai du mal à y faire face. Par exemple, j'ai eu un train supprimé pour rentrer, j'ai du attendre 3h le prochain, en soi ce n'était pas grave j'allais rentrer. Mais pendant au moins 20 min j'ai eu des difficultés à passer sur cette contrariété. Alors qu'avant Maëlle, je me serais dit "ok, c'est ultra pénible mais pas le choix donc je vais au restau et faire les boutiques en attendant". La, il m'a fallut du temps pour arriver à la même conclusion...

Je me suis aussi surprise à parfois ne ressentir aucune émotion. Ni positive ni négative. Juste rien à l'annonce de sujet important.

J'ai compris que certaine personne sont dans ma vie plutôt pour les moments positifs, et d'autres pour tout.

Au travail, j'ai eu des moments, où je trouvais que mes missions n'étaient pas si importantes... Et que rien n'étaient si urgent... Je commence à m'y remettre, même si j'ai toujours le même avis sur l'urgence des choses .

Depuis Maëlle, je ne demande plus à personne s'ils ont des enfants. J'ai aussi appris à parler d'elle sans appréhender la réaction des gens. Mon mari est encore plus "fort" sur cette question. On lui demande s'il a des enfants au moins 2 fois par mois... A chaque fois il répond "oui, mais elle n'est plus la pour des raisons médicales" évidemment en face les gens s’excusent il leur répond "c'est comme ça c'est notre vie (ou notre histoire)".
Personnellement je m'en tiens au "j'ai une fille qui est décédée le jour de sa naissance" je n'assume toujours pas l'IMG...

J'ai encore écrit un pavé... J'espère que j'ai fait le tour mais j'en suis même pas sure

Douce journée et de grosses pensées à Gabriel

[Axel&baby4]

Bonjour,

M-M je me retrouve dans certains points que tu évoques, les vagues de tristesse (qui sont moins violentes que les tsunamis du début), les contrariétés d’un côté et le relativisme de l’autre, l’analyse des personnes importantes pour toute la vie ou seulement dans les moments positifs.

J’ai du mal à répondre oui à la question banale « ça va ». Ça c’est vraiment quelque chose qui me perturbe sachant que n’importe qui pose cette question.

Le point qui me fait réfléchir dans ce que tu dis c’est : pas d’émotion à l’annonce de chose importante. C’est assez vrai pour moi aussi et je ne l’avais pas analysé. Je pense que ça va avec le fait de relativiser et de remettre les vraies priorités au centre de sa vie.

En tout cas, merci Melcaran d’avoir lancé le sujet et merci M-M pour ta réflexion.

Bonne journée à vous

[M-M]

Bonjour Marie,

Pour la question du "ça va", pour moi elle va avec les personnes qui la pose. Pour ceux qui la pose par automatisme et qui n'écoute pas la réponse je dis oui. Parfois, si je ne me sens pas de dire oui, je réponds que je suis fatiguée. La grossesse et le deuil m'ont mis dans un état de fatigue assez intense alors la réponse est juste ^^. Ces gens la ne cherchent pas a aller plus loin... De toute façon un coup sur 2, ils n'ont pas écouté la réponse

Pour les gens qui se soucis vraiment de moi et où je traduis le "ça va" par "comment te sens tu aujourd'hui", je dis la vérité.

Puis il y a les jours, où je dis la vérité même si en face la personne s'en fout...

Je pense qu'il faut réussir à trouver un compromis pour être le plus possible en phase avec soi même...

Je me dis également, que nos réponses au sujet de nos enfants peuvent "choquer", ou plutôt gêner les personnes en face. Mais la gêne est de courte durée, quelques heures après elle n'y pensera plus. Nous, nous vivrons toute notre vie avec le manque de nos enfants, donc si ça nous fait du bien, on est gagnants

[Meryl]

Bonjour,

Je me pose aussi cette question de qui je suis désormais. Et je me retrouve beaucoup dans tout ce que vous écrivez. Je suis différente depuis la naissance de Chloé. J'ai basculé dans un autre monde. Celui où les femmes enceintes me blessent, celui où les photos de nouveaux nés me font pleurer, celui où les soirées entre potes me plongent dans une solitude alors qu'il y a 30 personnes autour de moi... Mais heureusement ce n'est pas chaque jour que je ressens tout cela. Il y a eu un temps où la douleur, la souffrance, la peine étaient insupportables. Et maintenant, 9 mois après, j'arrive à naviguer en eaux troubles (avec plus ou moins de succès).
Je suis toute de même fière de ces petits progrès. Je me dis que j'arrive à vivre avec l'absence de ma fille, à penser à elle sans m'écrouler à chaque fois, à me souvenir de ma grossesse avec douceur.
Le quotidien n'est pas toujours simple, j'ai ma collègue que j'adore qui est enceinte de 5 mois et ça fait 5 mois que je sers les dents à chaque "j'ai mal au dos", "ça me tire là", "j'ai droit de prendre du ***** tu crois ?" et chaque collègue qui y va de son "oh ça pousse !", "pas trop fatiguée", "c'est bientôt ton congés mat !". Et moi je suis là, à côté, même pas un petit "ça va ?" parce qu'ils s'en foutent de la réponse...
Ma collègue est très stressée de l'écho T2 car c'est à ce moment que j'ai appris le pire. On en parle beaucoup et je la rassure. Cette complicité me fait du bien et je crois qu'au final voir son ventre, parler de la grossesse, ça me fait avancer.
J'ai encore beaucoup de mal à dire que ça ne va pas. Surtout au travail. Et quand je le fais, les gens ne savent pas quoi faire. Du coup, je ne le fais plus trop. ça me pèse car j'ai le sentiment d'être très seule. A part ici bien sûr, où je sais que je peux me confier et avoir énormément de soutien.
Merci d'être là
Pensées à toutes et tous, et à nos petits.

[melcaran]

Bonjour,

Merci à chacune d'entre vous pour les partages de vos ressentis et de vos expériences. Vous lire m'aide beaucoup, étape par étape...

Effectivement, je me suis rendu compte en vous lisant que la question "ça va" m'est toujours très difficile et que je ne répond plus que "Et toi" sans répondre à la question ( personne ne m'a fait de remarque, comme quoi il s'agit vraiment que d'une obligation sociale ).
Puis vos retours me font comprendre que c'est sans doute par ce que je relativise encore plus qu'auparavant que j'ai cette impression de ne plus m'impliquer dans la vie voire de ne plus "ressentir" les aléas du quotidien.

Savoir que l'on partage ces ressentis me rassure, merci beaucoup.
Plein de courage

[Deydey]

Bonjour à toutes et merci Melcaran d'avoir lancé le sujet. Je me demande moi aussi qui suis je maintenant. Si cette perte a une signification, si mon petit ange est passé pour me dire quelque chose. J'ai peur de ne pas avoir tout compris, cela viendra sans doute plus tard. J'ai déjà plus conscience que le temps est précieux, qu'il faut profiter de ses proches au maximum et du moment présent. Comme vous je me suis rendu compte que certaines personnes n'était là que pour le bon côté, d'autres tout le temps, certaines se sont révélées être de vrais soutien même si nous nous connaissions peu.
La question" ça va " me dérange énormément aussi, cette obligation sociale que personne n'écoute vraiment. Je me suis mis à éviter les connaissances pour éviter la question. Mais ce n'est pas une solution à long terme, c'est évident. Merci pour vos partages d'expérience à ce propos.
Moi aussi les nouveaux nés et les femmes enceintes m'attristent énormément. La tristesse peut me prendre par surprise au milieu d'un moment calme. Je pense qu'il faudra du temps.
Merci à toutes pour vos partages.
Pensée pour tous nos petits partis trop tôt.

[Shade]

Bonsoir à toutes,

Excellent sujet Melcran,

Qui suis je?
Grossièrement je te dirai que je suis la femme, la mère qui a dû interrompre sa grossesse car sa fille était malade ( c’est d ailleurs comme ça que j’en parle).

Je pense que cette triste expérience a définitivement changé ma vie, le moi d’avant, car je ne supporte vraiment pas ce lourd « choix » que la vie m’a imposé.

Je me sens différente lorsque j’en parle autour de moi car je suis la seule personne à avoir vécu cette douloureuse expérience. Je sens constamment cette pitié dans le regard… Ça devient même un peu gênant.

Je suis différente car je sais maintenant que je peux aussi accoucher d’un bébé malade,

Je suis différente car je sais encore plus que rien est acquis,

Je suis différente car j’ai porté un enfant dans mon ventre et que je ne connaîtrai jamais cet enfant

Je suis différente car je suis réduite à envier de manière positive les femmes qui ont plusieurs enfants, spécialement celles qui ont plusieurs filles et surtout parce que je suis consciente que cela ne m’arrivera jamais.

Je suis différente car une partie de moi veut croire que l’img n’a jamais eu lieu et que je me bats contre moi même au quotidien pour accepter cette triste expérience.

Je me sens différente car j’ai un goût amer de « quelque chose » d’inachevé,

Quelque chose en moi s’est brisé lorsque j’ai appris que mon bébé était malade. Je n’ai jamais réussi a recoller les morceaux. Je pleurs quasiment plus mais j’ai la gorge serrée à chaque fois que j’évoque la brève existence de Elsa.

La seule pensée positive qui ressort de toute cette triste expérience, c’est que je me suis rendue compte que j’ai la chance d’avoir une merveille fille de 9 ans, en bonne santé et pleine de vie ( car parfois ça peut être la descente aux enfers). C’est un peu réconfortant mais ce « quelque chose » d’inachevé ne me quittera jamais.

J’ai donc définitivement changé. L’ancien moi est mort avec ma petite Elsa et un nouveau moi est en train de naître avec ses forces et ses faiblesses.