Je m'appelle Élisabeth, et j'ai vécu une img le 29 juillet. Notre petite Amandine est mort-née à 22 SA + 4 jours. Elle était porteuse de trisomie 21, avec un problème cardiaque grave qui aurait nécessité une opération à coeur ouvert avant ses 6 mois...
Nous avons appris sa trisomie le 14 juin, et comme nous ne connaissions rien à ce handicap, nous nous sommes "autorisé" une réflexion sans limite dans le temps, pour rencontrer un maximum de professionnels, pouvoir en parler, lire des choses, pour être le mieux informés possible avant de prendre notre décision...
L'annonce de la trisomie a été terrible, une vraie chute, un effondrement. Mais le fait d'avoir réfléchi aussi longtemps (un mois et demi) avant de nous décider a fait que notre vie a tout de même assez vite repris son rythme normal, sans pression, entre plaisirs de l'été et angoisse de devoir choisir.
Finalement, nous nous sommes décidés (guidés par notre raison et non par nos coeurs, car elle faisait déjà partie de la famille...) pour une img.
La semaine précédent l'acte a été particulière, je pense que je ne réalisais pas tout à fait. J'étais partagée entre tristesse, larmes, désespoir de "faire ça" à mon bébé. Et amour pour elle et soulagement qu'une décision ait finalement été prise...
Le jour J : ça a été atroce. L'équipe de la maternité était ultra présente et douce, l'accouchement a été rapide et sans douleur, mais j'ai ressenti un tel élan d'amour animal pour mon bébé en le voyant, que j'ai cru sombrer et ne jamais remonter. J'ai même pensé qu'elle dormait probablement (elle ne pouvait pas être morte, je ne pouvais pas lui avoir donné la mort (je l'ai sentie bouger en entrant dans la salle de "naissance", ce détail me brise le coeur...)) - puis j'ai envisagé de m'enfuir avec elle - l'idée de quitter l'hôpital sans elle était intolérable...
Autant dire que les deux jours suivant ont été terribles.
Et puis... et puis ? Incompréhensible : depuis jeudi ou vendredi dernier, je vais bien mieux. Comme ça, sans prévenir. Alors qu'il me semblait avoir touché le fond le jour J. Alors qu'en rentrant chez moi "après", je l'ai cherchée partout chez moi, ou un souvenir d'elle, un reste d'elle, comme un animal perdu qui cherche l'odeur de son bébé. Alors que je pense vraiment avoir été traumatisée d'avoir dû choisir, d'avoir fait ce choix (même si je ne le regrette pas, non plus - mais juste après l'accouchement, et le lendemain, je l'ai regretté - c'était elle que je voulais, pas un autre bébé, et elle était là, inanimée...), traumatisée de la violence de porter dans ses bras son bébé mort, traumatisée de partir si vite de l'hôpital, et sans elle... traumatisée de la laisser là, loin du confort de mon ventre... J'espère n'avoir jamais à revivre quelque chose d'aussi dur...
Alors je ne me comprends pas. C'est comme si en 9 jours, j'étais complètement passée à autre chose ! Ce qu'il s'est passé me semble irréel, je l'occulte, presque je n'arrive plus à me souvenir exactement de ce que j'ai ressenti pendant mon accouchement. Je me sens distante de tout ça, et ça me travaille beaucoup ! Je suis quelqu'un d'assez sensible et émotive en règle générale ! Et je suis assez mère poule (j'ai un garçon de 5 ans, je vois bien que je suis mère-poule avec lui

Ça m'inquiète, j'ai peur de faire un déni, ou quelque chose du genre...
Cet après-midi, une vendeuse m'a demandé joyeusement "tiens, vous avez accouché ?" et je me suis entendu lui répondre "oui, mais mon bébé n'était pas en bonne santé, il est mort", puis, face à sa gêne, je me suis senti sourire et lui dire "ce n'est pas grave, vous ne pouviez pas savoir" sans pleurer ni ressentir de tristesse, ni rien... Que m'arrive-t-il ?
Merci pour ce forum très riche, qui fait du bien...
Bonne soirée !
PS : j'espère que ce message ne blesse personne - c'est vraiment un sujet d'inquiétude pour moi, de savoir comment mon cerveau peut réagir comme ça à un événement aussi frais et aussi atroce...