C'est la première fois que je me confie sur un forum, mais cela fait quelques temps que je vous lis et je me décide à partager notre histoire. Je crois que j'ai besoin de partager ces moments avec vous qui connaissez les épreuves par lesquelles nous passons.
J'ai 35 ans et j'ai rencontré mon Homme il y a 3 ans. L'année dernière, nous décidons d'avoir un bébé. Je tombe enceinte assez rapidement au bout de 3 mois, tout va bien. Mais le 22 mars 2017, à 10 SA, une échographie de contrôle nous apprend que c'est un œuf clair. J'ai l'impression que le ciel me tombe sur la tête. Il parait que c'est rare. Il faut provoquer la fausse couche. Je prends du *****, cela "fonctionne" mais seulement en partie, il faut reprendre ces foutus comprimés. Encore une fois, tout n'est pas parti, il faut attendre les prochaines règles, je fais une infection, je prends des antibiotiques, on attend encore les prochaines règles. Tout cela m'a paru interminable et tellement douloureux moralement (je ne savais pas encore que j'étais loin de vivre le pire...).
En juin, nous avons enfin le droit de reprendre les essais. Une nouvelle fois, je tombe enceinte assez rapidement. Le 1er septembre 2017, je fais un test comme ça, juste pour savoir si je pourrai boire un verre avec des amis avec lesquels nous partons pour le week-end. A notre grande surprise, le test est positif, quelle joie!! Mais ne crions pas victoire trop vite. Nous avons peur d'une nouvelle désillusion. Mon Homme est sur ses gardes, il ne veut pas trop y croire au début. Il préfère attendre de le voir à l'échographie. Cette fameuse 1ère échographie.. Elle arrive le 31 octobre, nous touchons au but. Nous retenons notre souffle, l'écran s'allume. Nous voyons un petit embryon, 1er ouf, la poche n'est pas vide.. Est-ce que son cœur bat? Il ne bouge pas. Et là, il nous fait une hola dont je me rappellerai tout ma vie. Il a bougé!! Il va bien! Le médecin nous confirme que tout va bien. Nous soufflons pour de bon. Nous allons enfin avoir droit au bonheur nous aussi.
Les semaines filent, mon ventre s'arrondi, je sens les tous premiers coups de pieds au 4e mois, mon Homme les sens 2 semaines plus tard. On se dit alors que ce petit bébé est un costaud pour le sentir si tôt pour une 1ère grossesse. Nous profitons. Le 8 janvier 2018 arrive la 2ème échographie. Nous sommes sereins, nous pensions avoir fait le plus dur et y allons juste pour connaitre le sexe. C'est un garçon!! Quel bonheur! Tout va bien. On nous annonce "simplement" que l'image révèle un intestin hyperéchogène de grade 2 et que la vésicule biliaire n'est pas visible, "mais ça peut arriver" nous dit-on. La sage-femme nous explique que cette image peut être, dans de rares cas, le signe d'une trisomie (le tri-test et la clarté nucale étaient très bons, nous ne nous inquiétons pas), d'une mucoviscidose (nous n'en avons jamais entendu parlé dans nos deux familles, nous ne nous inquiétons pas) ou d'une malformation, mais dans la plupart des cas, ce n'est rien du tout. Elle nous dit que jusqu'à preuve du contraire, tout va bien. RDV est pris pour une échographie de contrôle 3 semaines plus tard avec un médecin de l'hôpital.
En attendant on nous explique qu'il faut aller voir un généticien pour écarter toute maladie génétique ou chromosomique. Nous le rencontrons 3 jours plus tard. Il nous explique que compte tenu des résultats de l'échographie et de nos antécédents familiaux, nous avons 97% de chance que tout aille bien pour notre petit bout. Nous faisons des prises de sang pour la recherche de mucoviscidose, la CMV et un DPNI (juste pour être sûr, ce serait bête de garder un doute).
Nous vivons les 3 semaines qui suivent plutôt sereinement, 97% de chance que tout aille bien, il n'y a pas de raison.. Nous achetons son lit, faisons le tri des vêtements qu'on nous a donné, nous choisissons son prénom. Tu t'appelleras Tom. Le 25 janvier, l'échographie de contrôle montre que rien n'a changé, son intestin est toujours hyperéchogène, le médecin voit en plus une anse intestinale dilatée. Pas très bon, mais notre petit bonhomme a déjà tellement grandit et semble aller bien. Pourquoi il aurait la mucoviscidose, il n'y a jamais eu aucun cas dans nos familles.. Nous y croyons encore.
Et pourtant, le 31 janvier, le généticien nous appelle et nous apprend que nous sommes porteurs tous les 2, mon Homme et moi, de cette fameuse mucoviscidose. Compte tenu des images à l'échographie et de ce résultat, nos espoirs s'envolent. Nous devons faire une amniocentèse pour confirmer le diagnostique et les médecins commencent à parler d'IMG.
Je ne comprends pas.
Comment est-ce possible ? Comment pouvons nous faire parti de ces 3% ? Comment notre petit Tom peut-il être malade, il a l'air tellement fort ? Et surtout pourquoi nous parle t'on d'interruption de grossesse ? La mucoviscidose, nous en avons entendu parlé comme tout le monde, des personnes vivent avec cette maladie. Alors je ne comprends pas. Et puis nous rencontrons des médecins et des spécialistes qui nous expliquent quelle sera sa vie, son quotidien, ce que nous pouvons espérer pour notre petit Tom. On nous parle de médicaments réguliers, de séances de kiné journalières, d'antibiotiques, de séjours à l'hôpital, de transplantation pulmonaire, ... C'est là que je prends conscience de la gravité de cette maladie. Oui des personnes vivent avec, mais à quel prix..
Les résultats de l'amniocentèse sont tombés le 15 février et après beaucoup de discussions, nous prenons la trop difficile décision que nous ne voulons pas imposer cette vie à notre fils. Pourquoi lui donner la vie, si c'est pas pour lui donner cette vie-là... Je suis aujourd'hui à 30 SA, nous étions si près d'avoir notre famille. Et le pire c'est qu'en vous racontant tout ça, je sens mon petit Tom se retourner dans mon ventre, je sens ses pieds. Il est tellement vivant. Je suis si triste, je ne sais pas comment nous allons pouvoir faire ça..
Nous rentrons à l'hôpital mercredi prochain pour préparer mon corps à l'accouchement, le déclenchement est prévu pour jeudi 1er mars. Nous tentons de nous "préparer" à cette épreuve. Nous profitons de chaque moment, de chaque coup de pied. Nous essayons de nous créer plein de souvenirs, puisque notre petit Tom ne connaîtra qu'une courte vie dans mon ventre. Nous lui avons acheté un pyjama et trouvé un bonnet pour qu'il parte dans des vêtements que nous lui avons choisi, nous lui avons aussi trouvé un doudou pour qu'il ne parte pas tout seul. Nous avons décidé de laisser faire l'hôpital et de ne pas organiser d'obsèques, ce serait trop difficile à vivre et mon Homme ne supporte pas l'idée de voir un si petit cercueil. J'étais d'accord si l'hôpital proposait une alternative et tant qu'on ne me disait pas que mon bébé serait jeté avec des déchets (ça parait peut être ridicule, mais c'est l'image qui m'a fait peur). Mais j'aime l'idée que notre petit Tom soit incinéré avec des objets que nous avons choisis pour lui (l'hôpital nous a donné une petite boîte, dans laquelle nous pouvons mettre ce que nous voulons, nous y mettrons son doudou, des photos, ...) et que ses cendres soient dispersées dans un "jardin du souvenir" près de chez nous. J'ai lu le témoignage d'un papa qui disait que son bébé n'avait connu qu'une vie enfermée dans le ventre de sa maman et que disperser ses cendres lui rendait sa liberté, il ne voulait pas l'enfermer à nouveau dans une boîte. Son témoignage m'a énormément touché et m'a conforté dans notre choix.
Il me reste beaucoup de peurs. Comment vais-je supporter le moment où les médecins piqueront mon ventre puis son cordon pour l'endormir et arrêter son cœur.. Pourvu qu'il ne bouge pas et qu'il ne souffre pas surtout. On m'a expliqué que l'anesthésiste pouvait me donner un médicament pour que "je sois ailleurs", mais je ne veux pas être ailleurs, je veux être consciente et vivre chaque instant, même si je ne sais pas encore comment je vais y arriver. J'ai besoin d'assumer cette décision. Je ne sais pas non plus comment je vais pouvoir lâcher notre fils quand je l'aurai dans mes bras contre moi et qu'il sera temps de retourner dans notre chambre, comment je vais pouvoir quitter l'hôpital en le laissant là. Tous ces moments me terrifient.
Il me reste aussi une grande interrogation. A quel moment lui dire au revoir ? On nous a dit qu'à l'hôpital nous pourrions demander à tout moment de le voir, qu'on nous l'apporterait ou que nous pourrions aller dans la chambre mortuaire. Mais mon Homme ne souhaite pas le revoir après leur rencontre en salle d'accouchement, il n'a pas envie de recommencer et recommencer encore et je comprends ce qu'il ressent. Mais je ne suis pas certaine d'être capable de ne pas retourner le voir avant de quitter l'hôpital, j'ai peur d'avoir le sentiment de l'abandonner. Mais j'ai peur qu'il change, qu'il soit froid, ... Je ne sais pas si je ne dois pas garder de lui une belle image. Pouvez-vous me donner vos témoignages à ce sujet ?
Mon récit est long, j'en suis désolée, mais il me sert aussi un peu d’exutoire. J'ai le sentiment que mettre tout par écrit m'aidera à avancer. Mon Homme a eu un peu la même idée et envisage d'écrire une nouvelle, peut être plus tard. Heureusement nous sommes soudés dans cette épreuve, j'espère de tout cœur que cela continuera, même si notre travail de deuil n'avancera probablement pas à la même vitesse..
Je remercie infiniment celles qui auront eu la patience de me lire jusqu'au bout.
Tom, mon petit cœur, je t'aime tellement fort