Reprise de la vie avant bébé et sentiment de mal être profond

[Aureli]

Bonjour à toutes,
Je viens écrire ici aujourd'hui car j'ai besoin de poser des mots sur ce que je ressens et de décharger mon mal être.
J'ai perdu ma petite Alba d'une MFIU inexpliquée au terme de ma grossesse en novembre dernier. Après une tres difficile periode, nous reprenons peu à peu le fil de notre vie. J'ai notamment repris le travail en temps partiel thérapeutique depuis 3 semaines, nous resortons, revoyons des amis...
Mais j'ai le sentiment de me sentir de plus en plus mal. Ce retour à la vie normale me donne à l'impression qu'à la fois tout à changer et rien n'a changé depuis un an : rien n'a changé car notre vie est exactement la même qu'avant, notre bébé n'etant pas là et tout a changé car l' état d'esprit n'est plus le meme. Il y a un an, j'apprenais ma grossesse j'étais heureuse, tout allait bien dans nos vies. Là je me sens éteinte, j'essaye de vivre comme avant mais cela me demande un effort considérable, j'ai l'impression de ne plus vivre la meme vie que les gens autour de moi, de vivre par obligation et non par envie.
Mon seul espoir qui me fait avancer est de retomber enceinte mais j'ai aussi beaucoup de mal à y croire. Je dois faire une dernière prise de sang pour la recherche de maladies auto-immunes, un anticorps etant positif sur celle que j'avais faite lors de l'accouchement meme si a priori tout seul ca ne veut pas dire grand chose et ensuite on peut relancer les essais. J'ai peur de plonger encore plus dans le désespoir si je n'arrive pas à retomber enceinte. Mon age me stresse aussi (j'ai 35 ans) meme si je sais que j'ai encore un peu de temps.
Aussi, j'ai l'impression d'être dans l'obligation de retomber enceinte car j'ai un besoin viscéral, ce qui est different de ma première grossesse où j'avais arrêté ma contraception et où on laissait faire les choses sans essayer plus que ça et que la découverte de ma grossesse a été une surprise et une joie. Ici j'imagine que ca serait plutot à la fois un soulagement et une angoisse et je culpabilise d'envisager de concevoir un bébé dans cet état d'esprit.
Bref, je ne sais pas comment retrouver un peu de joie de vivre et comment envisager une future grossesse sans tout cet environnement negatif, meme si je ne suis pas sure que ce soit possible de faire autrement.
Merci à celles qui prendront le temps de me lire. Courage à nous toute

[Clara.]

Bonjour Aurélie,

Je me reconnais évidemment dans tous tes mots. Je pense que c'est normal de passer par une phase de déprime et l'impression d'être à côté de sa vie. Le tout est que ça ne s'installe pas dans le temps. Est-ce qu'il y a quand même des moments où tu te sens mieux ? Est-ce que tu es suivie par une psychologue ? Je voyais la mienne depuis un moment déjà avant la perte de mon bébé (en novembre d'une MFIU à 5 mois de grossesse) mais je continue à la voir depuis, et même plus souvent qu'avant, et je passe presque la totalité de mes séances à parler de mon bébé. C'est vraiment un besoin et ça me fait beaucoup de bien, ça me permet de voir les choses avec un autre éclairage, de prendre du recul et d'avancer dans mon deuil. Il y a toujours des moments plus durs que d'autres mais je sens que j'avance (et puis je recule, mais c'est aussi une façon de passer des étapes).

Je ressens aussi ce grand besoin d'être enceinte à nouveau. C'est à la fois étrange et culpabilisant mais viscéral comme tu dis. Je trouve que c'est une bonne chose, c'est rester du côté de la vie et ne pas sombrer. Ca me stresse aussi beaucoup, je mets énormément d'enjeu dans cette future grossesse, j'ai 37 ans et j'ai peur que ça n'arrive plus ou que ça mette beaucoup de temps. Je pense qu'il faut que je me calme un peu et que j'essaye de vivre tranquillement et normalement. Il n'y a pas de raison que ça n'arrive pas, et cette envie ne doit pas non plus nous empêcher de poursuivre notre deuil. Parce que parfois j'ai l'impression de me voiler la face et de faire un peu comme si tout allait mieux. Tout ça parce que j'ai la croyance qu'il faudrait aller bien pour tomber enceinte à nouveau : à la fois pour le futur bébé, pour qu'il soit dans une bonne ambiance dans mon ventre, mais aussi pour que ça fonctionne, tout simplement. Comme si il fallait être parfaitement heureuse et sans traumatisme pour que ça marche. Mais la nature n'est pas faite ainsi, ça se saurait. Alors je vais essayer de ne pas me mettre la pression, de continuer à avancer dans mon deuil et le bébé viendra quand il viendra.
Et alors, comme tu dis, ça sera un soulagement et une angoisse mais aussi une grande joie.

Je te souhaite de te sentir mieux, de reprendre goût à la vie quand ce temps-là sera arrivé. Ne te mets pas la pression, c'est normal d'être triste après ce que tu as vécu, ce serait même plutôt inquiétant si tu ne l'étais pas. J'espère que tu es bien entourée et que tu peux te confier à des proches. Ce forum fait aussi beaucoup de bien je trouve.

PS : es-tu allée à la fête que tu voulais éviter où il y avait un bébé de 5 mois ?

[Aureli]

Bonjour Clara,

Merci pour ta reponse. Ça fait (malheureusement vu nos situations) toujours un peu de bien de savoir que quelqu'un ressent la même chose.
Oui il y a des moments mieux que d'autres mais j'ai beaucoup plus de bas en ce moment. Je pense que c'est le retour au quotidien qui m'affecte, l'impression de revenir un an en arrière. Je vois la psychologue de la maternité mais le suivi va se terminer à fin du mois. Je pense que je continuerai mais je ne sais pas encore si je continue avec la même à son cabinet libéral ou avec quelqu'un d'autre.
Pour la fête, je n'y suis pas allée. C'etait trop dur pour le moment. J'ai toujours beaucoup de mal avec les bébés des autres. Et toi comment tu te sens par rapport à ça ?

Je me reconnais dans tout ce que tu dis pour la future grossesse, cette croyance qu'il faudrait être bien pour que ça marche. J'aimerais comme toi reussir à ne pas me mettre la pression, lacher-prise...
J'espère que la nature sera plus clémente avec nous cette fois-ci...

[Clara.]

Fais comme tu le sens pour la psychologue. Moi je n’avais pas du tout accroché avec celle de la maternité, alors je l’ai vue deux fois et j’ai arrêté, puisque de toute façon j’avais déjà ma psy en libéral avec qui ça se passe très bien. C’est important de trouver quelqu’un avec qui on est à l’aise de confier tout ce qui nous passe par la tête.
Tu habites quelle ville ? Moi je suis de Lyon.

Tu me demandais comment je me sens par rapport aux bébés des autres et en fait j’ai pris la décision de prendre de la distance avec mes amies qui ont des bébés, pour le moment. Ça me soulage beaucoup même si elles me manquent. C’était trop difficile de voir leurs bébés.
Par contre avec les mamans que je suis obligée de voir, comme à l’école, je reste toujours aussi distante et  « impolie », je ne pose aucune question, je fais comme si le bébé n’était pas dans leurs bras pendant que je leur parle.
Ça me convient pour le moment. J’ai pas beaucoup avancé sur ce sujet quoi, toujours envieuse des femmes enceintes et des poussettes de nouveaux-nés dans la rue.

On va à notre rythme, c’est important de s’écouter et de ne pas brusquer les étapes. Et puis le deuil n’est pas linéaire, ça va ça vient, je tente de me laisser voguer sans trop résister à ce qui vient.
Courage !

[Ju0411]

Bonjour Aurelie,
Comme toi j’ai perdu ma fille d’une MFIU en novembre, quasiment à terme.
Je me retrouve également dans ce que tu dis. La vie n’est et ne sera plus jamais la même après cette épreuve. J’ai perdu le goût de vivre, je ne sais pas si la joie reviendra et ça me fait tres peur de me dire que je vais peut être devoir vivre le restant de mes jours dans cet état. Je n’arrive plus a me projeter, pour moi l’avenir ne pourra m’apporter que des malheurs. J’ai débuté un suivi psy qui pour l’instant ne m’aide absolument pas. L’ordonnance d’anti dépresseurs est prête mais je résiste encore, j’ai très peur de ne plus jamais pouvoir m’en passer.
Je me sens très étrangère aux autres aussi. Très rapidement je me sens mal avec amis ou familles qui, aussi soutenants qu’ils puissent être, ne partagent pas ma douleur. Quant à mon conjoint, il est beaucoup plus en avance que moi dans le deuil.
Je dois reprendre très prochainement le travail. J étais plutôt sereine et me disais que ça allait me changer les idées et que peut être mon état d’esprit allait progressivement évoluer. Mais c’était sans compter sur des collègues mal intentionnées qui m’enfoncent déjà alors que je ne suis pas encore revenue. Alors on verra bien…
Ce que nous traversons est un traumatisme sans égal et je pense qu’effectivement il faut du temps. J’admire la force de vous toutes qui se lancent dans une nouvelle grossesse. Pour ma part je ne suis pas prête et je ne sais pas si je le serai un jour, pour mon plus grand regret.
J’espère que ton projet pourra aboutir rapidement et t’envoie force et courage.

[Jule]

Bonjour Aurélie,

Tout d'abord, je suis désolée pour la perte de ta petite Alba.

J'ai perdu ma fille, Céleste, à 35 semaines en avril dernier. Ce n'était pas une MFIU mais une IMG, les anomalies ont été découvertes à peine 10 jours avant. J'avais accouché de mon ainé à 37 semaines, donc autant dire que je m'apprêtais également à l'accueillir. Comme toi, je l'ai perdue après une grossesse parfaite.

Je ressens également ce besoin viscéral de retomber enceinte. Je pense d'abord qu'il s'agit d'un instinct de survie, pour ne pas sombrer. Au-delà de ça, je pense avoir eu ce désir de retomber enceinte très vite pour ne pas avoir à faire le deuil de la famille que j'avais imaginée (notamment sur l'écart d'âge avec mon fils), en plus du deuil de ma fille. Je suis d'accord avec Clara, c'est aussi rester du côté de la vie. S'accrocher à cet espoir pour ne pas sombrer.

Le sentiment de décalage que tu décris, je l'ai également ressenti à ma reprise du travail en septembre. La vie continuait pour les autres alors qu'elle s'était arrêtée pour moi. J'ai aussi dû affronter tous les messages de félicitations, car beaucoup de mes clients et des relations de travail n'étaient pas au courant.
J'ai laissé les mois passer et en réalité ça n'allait pas mieux. J'ai fini par complètement perdre pieds lorsque mon associée m'a annoncé sa grossesse (nous travaillons à trois). Ce qui m'a aidé, c'est de débuter un nouveau suivi psy et notamment de faire de l'EMDR. Pour moi en tout cas ça a fonctionné, je me sens mieux depuis, et je ne regrette pas d'avoir essayé. C'est peut-être une piste également pour toi ?

Tu a vécu quelque chose de très violent et traumatique. Il y a ici plusieurs témoignages de personne qui aujourd'hui vont mieux. Personnellement, c'est à ça que je m'accroche. Le chemin est long mais ça devrait être moins douloureux dans quelques temps. Aujourd'hui, je ne vais pas te mentir, ce sont encore les montagnes russes mais il y a réellement des moments où ça va mieux.

Quant aux bébé des autres, il faut prendre avant tout soin de toi. En lisant les pages du forum, je me suis rendu compte que l'on est très nombreuses à ressentir cela et ça m'a beaucoup rassurée. Je culpabilisais alors que c'est parfaitement normal. Ne te force pas et protège toi. Me concernant, j'ai beaucoup de bébés et de femmes enceintes dans mon entourage. Ma nièce est née le jour des obsèques de ma fille car nous étions enceinte en même temps avec ma sœur. Je ne prends aucune nouvelle d'elle et ne la vois presque jamais. Mon associée et très bonne amie est enceinte, je ne lui pose aucune question sur sa grossesse alors que je la vois tous les jours. Un jour aussi peut-être que ça reviendra.

Courage à toi.

[Aureli]

Merci pour vos messages.
Je suis également désolée pour la perte de vos bébés et leurs envoie plein de douces pensées.
C'est tellement triste ce qui nous arrive...

Clara,
J'habite à Annecy. On m'a donné le contact de deux autres personnes spécialisées en deuil périnatal. Je vais réfléchir si j'essaye avec quelqu'un d'autre. Merci pour ton retour pour les bébés, je me sens moins seule à les éviter.

Ju0411
Je me retrouve complètement dans tes mots. Je suis triste que tu sois dans un tel contexte pour ta reprise du travail. J'ai personnellement repris dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique à 50% pour le moment. Ca peut etre une piste pour une reprise plus douce. Moi ça m'a rassuré de reprendre dans ces conditions. Sinon ne pas hésiter à prolonger ton arret je pense si ca se passe mal. J'imagine que tes médecins seraient d'accord. Moi ils me l'avaient proposé.

Jule
Merci également pour ton partage. Je t'admire d'évoluer au quotidien dans ce contexte avec femme enceinte et bébé dans ton entourage proche. C'est deja difficile avec des personnes plus ou moins proches mais avec des personnes que l'on voit quotidiennement ou dans sa famille, ca doit etre tellement douloureux.
Ça me rassure de voir que l'on evolue mais que la tristesse peut revenir et que c'est comme ça il faut l'accepter.