MFIU à 36SA

[Ju0411]

Bonjour,

J'ai 32 ans, je suis maman d'un petit garçon de 4 ans. Mon fils est né très grand prématuré, à 26 SA. Sa naissance a été un grand traumatisme pour mon conjoint et moi. Il a été hospitalisé pendant deux mois et demi, en réa puis en néonat. Il s'est battu et aujourd'hui il ne présente pas de séquelles de sa prématurité. Nous sommes conscients de l'énorme chance que nous avons eu et je remercie la vie chaque jour de m'avoir laissé mon fils. Les raisons de sa naissance n'ont jamais été clairement été identifiées. On m'a trouvé une cloison utérine suite à une IRM, mais cette cloison n'a pas été retrouvée à l'hysteroscopie. De ce fait, les médecins ont conclu que je n'avais pas de malformation, et que la naissance de mon fils était un fait isolé. Je suis restée persuadée que mon utérus n'était pas normal et pendant des années je suis restée dans cette errance.
Fin 2023, après de longs mois de réflexion avec mon conjoint, et avoir reçu le feu vert du CHU, nous nous lançons, non sans peur, dans une nouvelle grossesse. Je tombe enceinte rapidement. La grossesse est, cette fois, très surveillée au vu de mes antécédents. Je passe des échos du col tous les 15 jours jusqu'à 28 SA et mon médecin traitant accepte de m'arrêter à partir du 4ème mois. Mon angoisse augmente au fil des semaines, j'ai tellement peur de perdre mon bébé. A 30 SA, je consulte aux urgences pour des contractions, j'angoisse et j'ai besoin d'être rassurée. La sage femme me confirme un utérus contractile et me conseille de rester très au repos. Je reste donc tranquille à la maison, je ne prends aucun risque et ne sors presque plus. Un monitoring de contrôle une fois par semaine est mis en place. Tout va bien, mais bébé est en position de siège, ce qui finalement me rappelle cette cloison qui n'y serait peut être pas pour rien. Je passe une écho de contrôle de la position à 35SA. Bébé ne s'est pas retourné, malgré les séances d'acupuncture. On me demande de revenir 4 jours plus tard, pour soit envisager une VME ou programmer une césarienne. Un doppler est réalisé pendant l'écho, il est bon. Le rythme cardiaque est parfait. Je suis tellement fière de moi, d'avoir pu tenir aussi longtemps. Dans quelques jours notre bébé sera avec nous. Mon fils l'attend impatiemment. Il embrasse mon ventre dix fois par jour, il est complètement amoureux de "son bébé". On la tient notre revanche, après tout ce qu'on a traversé. Nous avons décidé de garder la surprise du sexe, même si j'espère profondément une petite fille.
Dans la nuit du 16 au 17/11, bébé fait des cabrioles dans mon ventre, au point de me réveiller. Je ne le sais pas encore, mais c'est la dernière fois que je sentirai ses mouvements.
Le matin du 17/11, je ne sens plus bébé bouger. Au fond de moi, je le sais, mais je me rassure, en me disant qu'il a beaucoup bougé cette nuit. La journée passe et toujours rien. Ca m'est déjà arrivé une fois, et en fin de journée les mouvements avaient repris. Je finis par me rendre aux urgences avec mon conjoint. Le trajet est interminable ... Nous sommes pris en charge par une sage femme, qui pose le monitoring. Silence. Je regarde mon conjoint et lui dit que c'est terminé. La sage femme passe la sonde de l'écho, me regarde, soupire et me dit "je suis désolée". Notre monde s'arrête de tourner à ce moment là. Notre petite fille, car nous l'apprenons en même temps, est morte in utero à 36 SA.
L'accouchement a eu lieu le 19/11 et a été long et éprouvant. Comme lors de mon premier accouchement, le placenta ne se détache pas de lui même. J'ai dû subir une délivrance artificielle et souffert le martyr. Le médecin qui a pratiqué le geste me confirme la présence d'une cloison, elle a pu la toucher.
Le prénom était choisi depuis plusieurs années au cas où nous aurions un jour une fille. Nous avons décidé de le lui donner: Salomé. Nous organisons ses obsèques mais n'avons pas la force de convier famille et amis. J'ai honte, je ne supporte pas le regard des autres. Je ne veux plus voir personne.
Les semaines ont passé et la douleur est toujours aussi vive. Mon fils est très perturbé, ne comprend pas pourquoi sa petite soeur est morte, pourquoi on ne lui a pas donné un médicament pour qu'elle guérisse. Il pleure souvent, nous dit "je veux le bébé", se balade avec une petite poupée et nous dit "c'est ma petite soeur". Ca me déchire le coeur, je m'en veux tellement de ne pas avoir pu lui offrir sa petite soeur. Il est très inquiet pour moi, me suit partout, il est en alerte, regarde si je pleure ...
Nous sommes toujours en attente des résultats d'autopsie, même si Salomé a été retrouvée avec le cordon en triple circulaire autour du cou, tellement serré qu'elle en avait la trace sur le torse. Les médecins ont pu nous dire que c'était très probablement la cause de son décès. Est-ce qu'elle a tenté de se retourner ? Si je n'avais pas fait d'acupuncture, est ce que ça aurait changé quelque chose ?
Aujourd'hui nous tentons de nous reconstruire mais j'ai tellement de mal à vivre. J'ai peur de mourir, de laisser mon fils, j'ai peur que lui aussi meurt ou mon conjoint. Je suis dans une grande insécurité.
L'idée de ne plus jamais avoir d'enfant me déchire. Je ne la supporte pas. Et en même temps il m'est totalement inconcevable d'envisager une nouvelle grossesse. Que va-t-il nous arriver cette fois? La maladie, le handicap, ou qu'il m'arrive quelque chose en accouchant ... ? Je ne veux pas refaire vivre tout ça à mon fils. Je ne veux plus le faire souffrir. On ne s'en relèvera pas, cette fois.
Je ne sais pas ce que nous réserve l'avenir, mais je préfère me reconstruire avec l'idée que je n'aurai plus d'enfant. Y a t il des personnes parmi vous qui ont fait ce choix, et qui malgré tout ont réussi à se reconstruire sans nouvel enfant ?
Je vous remercie d'avoir pris le temps de me lire.

[Pépin]

Bonsoir Ju0411,

Je suis sincèrement désolée de t'accueillir sur ce forum. Ton témoignage est particulièrement bouleversant et m'a serré le cœur.

Tes deux grossesses ont été traumatisantes. Il est normal de vouloir te préserver et de souhaiter te reconstruire sans passer par une nouvelle grossesse. Il est normal aussi d'avoir peur que la mort frappe de nouveau autour de toi, même si rationnellement parlant, il n'y a pas de raison que cela arrive.

Je n'ai pas d'expérience personnelle à partager sur le sujet, mais je souhaitais t'envoyer tout mon soutien.

Si ce n'est pas le cas, je pense qu'il serait intéressant de te faire accompagner par le corps médical (une psychologue spécialisée) afin de voir quel chemin de reconstruction tu pourrais emprunter après ces deux épreuves.

Je sais que l'EMDR peut énormément aider pour faire face aux épreuves traumatisantes, calmer tes angoisses et trouver un peu plus de sérénité pour avancer.

J'avais lu le livre de Marie-José Soubieux ("Le berceau vide"). Elle traitait notamment des angoisses liées au deuil périnatal. Cette lecture m'avait beaucoup aidée de mon côté.

J'espère que des personnes de ce forum pourront t'apporter leurs témoignages.

Je pense fort à ta petite Salomé.

[MeredIroise44]

Bonjour, je te présente toutes mes condoléances pour la perte de ta petite Salomé.

Ton témoignage m’a bouleversée. Je suis si triste avec toi de cette terrible issue pour toi et ta famille.
J’ai également connu la MFIU cette plongée en horreur tellement violente et incompréhensible. Je l’ai connue deux fois de suite à un an d’intervalle, à des stades moins avancés de la grossesse mais j’ai aussi reçu ce choc de l’annonce que tout est fini, à deux reprises. Un cauchemar absolu.
Il arrive que la grossesse « arc-en-ciel » se termine aussi dans les larmes. C’est rare, je pense, mais moi cela m’est arrivé et j’en suis encore profondément meurtrie.
La douleur et le chagrin de la perte ne s’en vont pas, ai-je cru comprendre, mais c’est la vie qui grandit autour, alors on parvient à se sentir un peu plus apaisée, au fil du temps, il reste la tendresse et l’amour qu’on aurait voulu donner à nos bébés et qui doit se tourner vers d’autres objets, à commencer par nous.
Le temps peut paraître long, interminable, infini. C’est que notre amour pour nos enfants est infini lui aussi.
Apparemment, ça prend du temps de retrouver la joie l’espoir et la confiance, et ça n’est pas linéaire, il faut compter avec des petits hauts et de grands bas. Tout dépend aussi de comment on est entouré. Il faut donc savoir s’entourer et se protéger des personnes peu délicates. Les gens sont désemparés face à notre deuil, invisible pour les yeux, il faut soit réussir à leur pardonner leurs maladresses soit attendre d’en être capable, soit décider que ça ne sera pas possible. Donne-toi la priorité et écoute tes besoins, ton cœur saura ce qui est à même de le soulager un peu. Pour ma part, écrire et lire ici les témoignages de mes sœurs de souffrance est un havre de partage.
Réapprivoiser le quotidien avec cette nouvelle personne que nous devenons, en partie amputée de nous-même, apprendre à dompter la douleur, s’entraider ici ou ailleurs entre parents endeuillés afin de se sentir compris et moins seul-s. Voilà par quoi je passe actuellement.
C’est un chemin difficile mais il va me falloir accepter que c’est mon chemin de vie et qu’il n’y aura pas de grossesse d’après avec une fin heureuse. J’ai de nouveau vécu une troisième déception en décembre avec une grossesse qui s’est à nouveau arrêtée mais cette fois à 9-10 SA.
Mon cœur dit continue quand même, qui sait les miracles existent, ma tête et mon corps disent c’est terminé tu dois accepter le verdict de la nature et de la vie, et penser aux vivants.
Je suis de tout cœur avec toi dans cette effroyable épreuve de vie. Tu as de la force en toi, ton fils t’en donnera aussi et te ramènera doucement vers la vie. Courage, tu n’es pas seule.

[Clara.]

Bonjour,

Je suis très touchée par ton histoire de maman et par ta peine. J'ai vécu une MFIU le 18 novembre et j'ai accouché le 20 novembre. On a donc vécu l'horreur au même moment.
Environ trois ans plus tôt, mon premier garçon Oscar naissait mais tout ne s'était pas bien passé et il a dû être conduit en réanimation néonatale où on a bien pensé perdre notre enfant ou avoir un bébé très handicapé. Heureusement, il n'y est resté que 8 jours et l'histoire se termine très bien puisqu'il est en pleine forme aujourd'hui.
J'ai l'impression que tu as vécu un peu les mêmes choses que nous mais encore plus fort. Je comprends donc tes questionnements.

Pour ton fils, je te conseille la lecture de "Le livre de Léa" qu'on trouve gratuitement et facilement en pdf sur internet. Ca m'avait aidée à ouvrir le dialogue avec Oscar. Il m'a bien fallu 2 semaines pour prononcer la phrase "le bébé est mort". Je n'arrivais pas à lui dire mieux que "le bébé est parti". Et lui n'arrêtait pas de me demander où il était parti. C'était horrible de ne pas réussir à lui répondre mais quand j'ai pu enfin lui dire, on en a beaucoup parlé. Souvent le soir après l'école, il me disait : "maman, on peut parler du bébé ? Mais c'est toi qui parles". En fait il voulait que je raconte et ce n'était pas une demande qu'il faisait à mon conjoint, qui avait moins besoin d'en parler que moi. Mon fils voulait que la parole ne soit pas bloquée, et ça nous a fait beaucoup de bien à tous les deux, ces moments où on pouvait parler librement du bébé, se dire où on l'imaginait, ce qui nous rendait triste ou ce qui nous faisait plaisir quand on pensait à ce petit frère.

Je comprends aussi terriblement tes inquiétudes sur la mort. Quand il nous arrive de grands malheurs comme ça, on réalise que ça n'arrive pas qu'aux autres et on se dit que tout peut arriver. Et après il y aura quoi ? Mon premier enfant a failli y passer, mon deuxième enfant est mort in utero, et après c'est quoi le pire ?
Ce qui m'aide, c'est de voir les choses comme ça : soit on est traumatisés et on ne s'en remet pas, soit on se dit qu'on ne contrôle rien et que donc il faut lâcher prise et vivre. Ce qui doit arriver arrivera. Mais il y a de fortes chances que nous ayons déjà vécu les plus grands malheurs de notre vie avec la perte de nos bébés.
Il y a un poème qui me fait énormément de bien depuis que je l'ai connu sur ce forum. C'est un poème de Jacques Prévert qui commence comme ça :
"Le bonheur, en partant, m'a dit qu'il reviendrait". C'est magnifique et j'espère qu'il te parlera autant qu'à moi.

Aussi j'ai écouté beaucoup de podcasts dont celui d'une fille qui s'appelle Anna sur Bliss. Elle a vécu une MFIU autour de 22 ou 23 SA je crois et elle avait également une cloison au niveau utérin, mais elle avait été opérée de ça avant sa grossesse. Elle est retombée enceinte rapidement car elle en avait très envie et elle a eu une grossesse très surveillée mais le bébé est né en pleine forme. Je te copie le lien si tu as envie de l'écouter : https://bliss-stories.fr/pages/60-anna- ... -apres-img

Tu n'es pas obligée de faire un autre enfant, tu n'es pas non plus destinée à ne pas avoir d'autre enfant. C'est normal de se poser la question mais on n'a pas toujours les réponses maintenant. Prends le temps de te poser cette question sans lui apporter de réponse.

Plein de courage.

[Juju34]

Bonsoir Ju0411,

Oui tu as du mal à vivre,
Oui tu as peur de mourir,
Oui tu as peur que ton fils meure,
Oui tu as peur que ton conjoint meure.
Et c'est bien normal avec tout ce que tu traverses,

Oui ça va être long,
Oui ça va être douloureux.
Oui la colère, l'angoisse, la culpabilité, les "et si...", les "plus jamais..." vont te submerger...

Non tu n'iras pas mieux demain, ni après demain,ni même les mois prochains...
Non plus rien ne sera jamais comme avant.
Non on ne peut pas remonter le temps
Non on ne peut pas réécrire l'histoire.

Mais un jour,
Un jour que tu ne peux pas envisager aujourd'hui,
Un jour dont tu ne soupçonnes même pas l'existence,
Un jour, ça ira.

Ça je te le promets.

Douces pensées pour nos bébés

[Ju0411]

Bonjour,

Merci à toutes pour vos retours qui m’ont beaucoup touchée. On ne se connaît pas et pourtant vos messages m’aident tellement plus que mon entourage. Il y a encore un espoir en moi, tout au fond, et si faible. Mais il est bien là.

Je vous envoie tout mon soutien en retour et vous souhaite le meilleur.

[emilie50]

Bonjour

Ton histoire fait écho à la mienne avec des années de décalage.
Notre aîné est né prématuré à 33sa tout pile. J'ai été très stressée lors de ma 2e grossesse, par peur de revivre cela. Elmina était également en siège, et est née avec une quintuple circulaire de cordon, un cas extrêmement rare.
Il nous a fallu du temps, beaucoup de communication, et de l'aide, pour envisager une 3e grossesse. Après une FC, notre arc-en-ciel s'est accrochée, et Lola a rejoint notre famille il y a 9 ans bientôt, avec son lot de complications elle aussi (pb cardiaque), quand on n'a pas de bol... Mais elle va bien, vient de subir une valvuloplastie, et a une vie normale.

Le temps apaise la douleur, même si c'est difficile à croire. Cela fera 11 ans le 2 mai que notre princesse a rejoint les étoiles. Pas un jour ne passe sans que je pense à elle. Elle fait partie de notre vie, de notre famille.

Si vous avez besoin d'échanger, je suis dispo.
Douces pensées