Probable T18

[Jace]

Bonjour,

J'ai découvert être enceinte fin août, d'un enfant que je n'attendais pas, qui n'était pas prévu... et si je n'avais aucun doute sur sa place dans ma vie, je doutais de l'avenir de mon couple, très marquée par mes échecs passés. Longue torture mentale, où tout me mène à investir la confiance, l'espoir.
Et le choix d'accueillir ce bébé.
Trois mois enceinte pour enfin me laisser aller à la joie de son arrivée.

Tout se passe bien.
L'écho du 1er trimestre est tout à fait normale, rassurante même.
On annonce donc cette grossesse à mes enfants, et à certains membres de notre entourage...

Le risque de la trisomie ressort à 1/620, et on me préconise le dpni, comme annoncé, mon âge m'ayant fait tombé dans les statistiques à risque.
Jusque là, j'avance sur un chemin qui semble tout à fait cohérent.

Puis...
Douche froide...

Probable trisomie 18 au résultat.

Une semaine qu'on me l'a annoncé, et seulement un rdv d'information prévu après demain pour l'amniocentèse, qui devrait peut-être avoir lieu dans 10 jours.

Plusieurs appels de ma part pour obtenir ces dates.

On m'explique que ce sont les délais, et qu'une img ne devrait être possible que dans trois semaines avec les délais de rendez-vous, réponses et tout le reste...

J'ai pas les mots...
La situation est plus que cauchemardesque, et les interlocuteurs médicaux inhumains.

Un mois à porter mon enfant condamné, à le sentir en moi, et voir mon ventre s'arrondir encore...

Je n'ai pas envie d'aller vivre cette suite qui m'attend.
L'espoir qu'il aille bien, je ne l'ai pas.
J'avais tout agencé dans ma vie pour l'accueillir, et ce quotidien n'a maintenant plus de sens.

Je trouve tout ça injuste et cruel.

Je voulais juste déposer ma peine ici.
Mon cri muet... que je garde à l'intérieur.
Je sais que vous comprenez, que vous l'avez traversé...

J'espère presque que son petit cœur s'arrête avant et que nous n'ayons pas à donner notre consentement à sa mort.

Il n'est certainement pas comme on l'attendait, on l'espérait, en bonne santé... mais pour moi, c'est juste mon enfant, malade ou pas, ça ne change rien.
Je l'aime infiniment et j'aurais tant aimé l'accueillir...

Il me faut accompagner encore cette petite vie, pour apprendre après à la laisser partir...

Merci à vous qui avez pris le temps de me lire et des pensées de compassion et soutien dans votre souffrance.

[petitfaon]

Bonjour Jace,

Je suis infiniment désolée de t'accueillir sur ce forum dans ces circonstances très difficiles.
La période de l'annonce du diagnostic, puis des examens et du délai d'attente avant l'img est particulièrement éprouvante. Je trouve ça très dommage que l'équipe médicale ne t'entoure pas davantage et te semble aussi peu humaine.

Pour ma part aussi j'avais dû attendre 2 semaines entre le résultat du dpni et l'amniocentèse, pour minorer le risque de fausse couche (en dessous d'un certain terme c'est plus risqué).
J'ai pourtant aussi espéré faire une fausse couche pour ne pas avoir à prendre la décision de l'img. Une décision impossible et je me disais que tout serait plus simple si le cœur s'arrêtait de lui-même...

Et puis finalement, le temps de réflexion, d'acceptation de la nouvelle, d'organisation pour l'après IMG, m'a été bénéfique. Je ne vais pas te mentir, j'ai senti mon bébé bouger pendant plusieurs semaines avant l'img alors que j'avais déjà le diagnostic, et c'était très très dur moralement. Mais dans l'après, ce sont ces quelques souvenirs qui m'apaisent également.

Même si ça paraît contre intuitif, il peut être important de créer un lien avec ce bébé, même si il ne pourra malheureusement pas vivre du fait de sa maladie. Mais ça pourra alléger un peu les regrets et la culpabilité qui pourraient survenir ensuite. Ton amour, il le sent déjà, créé toi des souvenirs de vous deux, prends ton temps pour préparer ce que tu souhaites pour votre rencontre. Tant qu'il est dans ton ventre, ton bébé ne souffre pas, sa vie sera certes très courte mais vous pouvez vivre de derniers beaux moments ensemble.

C'est en effet injuste et cruel comme situation. C'est la pire décision à prendre en tant que maman, mais une décision prise par amour. Courage à toi, n'hésite pas à poser toutes les questions que tu souhaites sur ce forum.

[Pépin]

Bonsoir Jace,

Je suis sincèrement désolée de t'accueillir sur ce forum et que tu doives passer par cette épreuve.

J'ai subi une IMG pour trisomie 21 en mars. Dans mon cas, nous avons appris le diagnostic via le DPNI qui est réalisé systématiquement pour chaque grossesse en Belgique.

Les résultats étant arrivés à presque 16SA, j'ai eu mon amniocentèse le lendemain de l'annonce. Je n'ai pas vécu une longue attente.

Quand j'ai appris les résultats du DPNI, j'ai senti notre univers basculer. J'étais dans un état intense de choc et de sidération. On m'a appris qu'il fallait passer l'amniocentèse le lendemain, même s'il n'y avait qu'un pourcent de chance de faux positif. On m'a aussi annoncé qu'il y avait un délai minimum d'une semaine entre l'annonce des résultats et l'interruption médicale de grossesse.

Sur le moment, j'ai trouvé complètement inhumain de me laisser au minimum une semaine avec mon bébé condamné. Pendant 24h, j'ai été incapable de toucher mon ventre et de parler à notre fille.

Et puis, j'ai compris l'importance des derniers moments pour que nous puissions être certains de notre choix, nous préparer et accompagner notre bébé. Nous avons parlé à notre fille, nous lui avons écrit une lettre. Nous avons pu prendre des décisions (décider de la voir et de la prendre dans nos bras ; faire des photos ; décider de ce que nous voulions faire de son corps ; choisir des doudous pour l'accompagner ; planter un petit poirier pour elle dans notre jardin ; ...). Nous avons pu créer des souvenirs avec elle et ça nous a apaisés.

Dans mon cas, il s'agissait de ma première grossesse et donc de mon premier accouchement. J'ai également pu me renseigner et trouver du soutien sur ce forum.

Quelques jours après les résultats du DPNI, je l'ai sentie bouger pour la première fois. C'était bouleversant. Mais avec le recul, je suis heureuse d'avoir pu la sentir.

Je suis sincèrement désolée que l'accompagnement du corps médical soit si froid. Avez-vous la possibilité de voir une psychologue pour vous accompagner dans ces moments difficiles ? Vos proches sont-ils au courant ?

Je suis persuadée que ton bébé ressent déjà tout ton amour. Comme Petitfaon l'a si bien dit : dans ton ventre, ton bébé ne souffre pas. Finalement, il ne connait que la chaleur et le confort de ton ventre.

Si ce diagnostic se confirme (la fiabilité du DPNI pour la trisomie 18 est d'environ 97-98%) et que vous devez passer par l'IMG, soyez bien conscients que c'est un non-choix. Vous prendrez cette décision par amour pour votre enfant. Vous ne la prendrez également pas seuls, mais avec le corps médical.

Je t'envoie tout mon soutien pour ces semaines difficiles.

[Jace]

Merci pour vos réponses, votre compassion et le partage de vos histoires qui me touchent sincèrement, et qui résonne d'une manière bien particulière.

J'en ai parlé à mon entourage, qui me paraît autant en souffrance et démuni que moi... alors je limite mes échanges sur ce sujet. Ce que ça me renvoit est trop dur pour l'instant.

J'essaie de prendre des rdv psys, thérapeutes... et pour la première fois de ma vie, je n'obtiens même pas de retour.
Je vais malgré tout continuer...

Je serais preneuse de tous les conseils qui pourraient adoucir nos derniers temps ensemble, notre rencontre, et notre au revoir.

Ça reste une histoire d'amour et j'aimerais qu'elle garde de sa pureté et de sa beauté autant que possible...

J'appréhende aussi tout ça et notre séparation à venir...

Merci encore à vous.

[petitfaon]

Oui l'entourage est souvent maladroit ou démuni, et je comprends que tu préfères t'isoler un peu.

Concernant les conseils que je pourrais te donner pour vivre ces derniers moments ensemble, j'ai beaucoup regretté de de ne pas lui avoir parlé davantage, de ne pas avoir touché mon ventre. J'étais en mode "protection" pour éviter de m'attacher davantage, et outre le fait que ça ne m'a protégée de rien, ça engendre des regrets.

Pour la rencontre, j'avais préparé deux petits doudous identiques, un pour lui et l'autre pour nous. J'ai dormi avec pendant plusieurs jours avant l'accouchement. Tu peux aussi prévoir de lui écrire une lettre par exemple, qui restera avec lui.
Sais tu déjà si tu souhaites le voir ?
Tu peux contacter l'association Souvenange, qui fait des photos en maternité et te permet d'avoir des photos de bonne qualité. Ce sont des moments où on n'a pas forcément la tête à ça, et pourtant c'est important d'avoir des souvenirs. La maternité peut aussi te faire les empreintes de ses pieds par exemple.

[lau_]

Bonjour Jace,

Je suis sincèrement désolée de t'accueillir sur le forum dans ce contexte difficile et avant tout je te souhaite plein de courage pour ces prochains jours.

Mon img est relativement récente puisque ça date de septembre et j'ai encore tout en mémoire. Je comprends bien que tu aimerais que ça aille plus vite et qu'attendre trois longues semaines tout en sachant l'issue ne t'enchante pas, j'ai attendue environ 2 semaines et demi entre l'annonce des soucis et l'img et cela m'a paru à la fois long et court. C'était long parce qu'éprouvant psychiquement et qu'on se pose sans cesse les mêmes questions en boucle sans avoir forcément de réponse mais en même temps c'était court parce qu'avec les rdv qui se sont enchaînés je n'ai pas vraiment eu le temps de me poser véritablement.

Comme l'ont dit Petitfaon et Pépin, un suivi pourrait te faire du bien, ne serais-ce que pour verbaliser ce qui t'arrive d'autant plus si tu n'en parles pas spécialement avec tes proches. L'hôpital où j'ai été suivi propose ce suivi de manière systématique avant l'img et le lendemain mais on peut aussi contacter la psychologue pour d'autres rdv si l'on veut. Je te conseillerais de contacter le service qui te suit pour avoir les coordonnées d'une psychologue, si elle dépend du service elle est habituée à ces problématiques et aura sûrement des conseils à te donner.

Enfin pour le lien que tu peux tisser avec ton bébé je ne peux que te conseiller de lui "parler", j'ai le souvenir de l'avoir fait en lui demandant pardon mais qu'on n'avait pas le choix et que c'était la meilleure solution pour ne pas qu'il souffre. Avant sa naissance je n'avais rien fait d'autres mais l'hôpital nous a fait ses empreintes (malheureusement ils n'ont pu que des pieds) et nous avons pu prendre des photos quand on l'a vu (que ce soit dans le service ou dans la chambre mortuaire) et je lui avait écrit une lettre qui a pu partir avec lui. Et à la maison on a fait une boîte à souvenir en mettant les clichés échographiques, une peluche qui lui été destiné, ses petits "vêtements" et des dessins que ma grande fille lui a fait également. Et enfin j'ai aussi écrit son histoire à partir du moment où j'ai su que j'étais enceinte jusqu'à mon retour de l'hôpital, ça a été dur mais ça m'a permis de verbaliser de manière factuelle tout ce qui m'était arrivée et de rendre vraiment tangible son existence même si cela a été vraiment bref, je pense que d'ici quelques temps je serais contente de pouvoir relire tout ça de manière plus posée.

Je te souhaite plein de courage pour ces prochains jours et pense à toi et à ton bébé

[Pépin]

Bonjour Jace,

Les proches sont tout aussi démunis que les parents quand un diagnostic tel que celui-là tombe. Après, la présence et la disponibilité de certaines personnes peuvent adoucir un peu l'épreuve.

Je suis vraiment révoltée de voir qu'il est à ce point difficile pour toi de pouvoir être accompagnée correctement par le corps médical. Je ne comprends pas le manque de suivi de l'hôpital.

Pour ma part, j'ai directement eu un entretien avec la psychologue qui se tenait disponible si nous en ressentions le besoin. Pour être tout à fait honnête, nous n'avons pas du tout apprécier son approche et n'avons pas souhaité la revoir... Mais nous avons quand même été suivis.

Nous avons trouvé bien plus d'empathie et d'humanité chez l'assistante sociale qui nous a aidés et soutenus pour réaliser les choix liés au devenir du corps de notre fille.

Mon conseil, c'est de faire vraiment tout ce qui te fait du bien et tout ce que tu souhaites. Par exemple : réfléchir et te préparer si tu souhaites voir ton bébé après l'accouchement ; penser à des choses que tu souhaiterais mettre avec lui pour l'accompagner ; créer une boîte à souvenirs avec les échographies ou les choses qui te font penser à lui ; ...

Et bien entendu, parler à ton bébé.

Courage.