L’annonce aux aînés

Anne75
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L’annonce aux aînés

Message par Anne75 »

Bonjour,

Je suis enceinte de 13 SA +3 et j’ai appris jeudi à l’écho du T1 que notre bébé souffrait d’un syndrome polymalformatif.
Nous avons eu RDV hier dans un CPDPN et avons pris la décision de pratiquer une IMG.
Ce bébé est issu d’une PMA, après une FC précoce à 6SA en octobre 2020. Notre peine est immense.

Nous avons deux enfants de 7 et 5 ans, ils rentrent de vacances ce soir et nous allons devoir leur annoncer. Ils étaient au courant de cette grossesse; j’avais des nausées incessantes et bcp de vomissements donc nous avions dû leur annoncer pour les rassurer, vers 7SA, quand vraiment j’ai commencé à être très malade, juste après une échographie rassurante.

Hier nous avons eu au téléphone la psy de mon fils pour savoir quels mots employer, je ne me suis pas sentie très en phase avec ce qu’elle disait. Elle conseille de « positiver » la chose, en disant que la nature est bien faite et que si le bébé n’est pas en bonne santé, alors la grossesse s’arrête. Cette phrase « la nature est bien faite »...je ne peux pas la prononcer. Après 3 grossesses obtenues par PMA (mon fils est un bb PMA ainsi que le bb de la FC précoce et ce bb que je porte), je ne peux pas dire que la nature soit bien faite.

Je me sens « coincée » car mon fils pose énormément de questions en général et je sais que s’il m’interroge sur les problèmes dont souffre ce bb je ne vais pas pouvoir lui répondre la vérité brute car c’est trop violent et surtout trop « représentable » pour lui. (Le bébé, outre une clarté nucale épaisse, une biométrie trop petite, a plusieurs organes extériorisés et un membre en moins= on peut facilement imaginer la chose dans sa tête).

J’ai toujours dit la vérité à mes enfants sur tout, y compris sur des choses « crues », mais là c’est impossible. On ne veut pas non plus leur dire que c’est nous qui décidons d’interrompre la grossesse ( sur ce point je suis moins embêtée car de toutes façons le syndrome de notre bb est tel qu’il serait probablement décédé in utero).

Par ailleurs, j’avais parlé à mes enfants quand j’ai fait la FC en octobre; ils s’inquiétaient de me voir aller régulièrement chez le médecin, je leur avais annoncé la FC et la grossesse en même temps en leur expliquant que le bébé était tout tout petit, pas plus gros qu’une miette, et qu’il n’avait pas pu grandir pour une raison qu’on ne connaît pas, et qu’il allait sortir tout seul de mon corps.

Mes enfants ont été confrontés aussi de très près au deuil périnatal il y a un an, après que ma belle-sœur a perdu son bébé à 7j de vie, né prématuré extrême (RCIU). On leur avait expliqué à ce moment-là que le bébé était trop petit, que les docteurs l’avaient fait naître pour qu’il grandisse mieux dehors, mais qu’il était trop fragile.
C’est donc leur 3ème experience de deuil périnatal en un an, avec 3 situations bien différentes.

Comment faire pour que tout ne s’embrouille pas dans leur tête, qu’ils restent persuadés que la majorité des grossesses se termine généralement bien? La psy que j’ai eue au téléphone disait que c’est plus l’état d’esprit des parents qui compte que les mots utilisés; si les parents le vivent « bien », alors les enfants ne le vivront pas comme un traumatisme.
Je ne peux pas dire que je le vive « bien », mais je pense que devant mes enfants j’arriverai à ne pas éclater en sanglots même si les larmes couleront sans doute.
Le médecin du CPDPN m’a dit qu’elle conseillait de ne pas dire « le bébé est malade » car les enfants pouvaient penser à un rhume, ou des maladies bénignes, semant la confusion dans l’esprit des enfants. Elle conseille plutôt de parler de « problème de fabrication », mais avec ça je vois déjà mon fils arriver avec ses questions auxquelles je ne pourrai pas apporter de réponses car je ne veux pas lui dire de quels problèmes de « fabrication » souffre le bébé.

Autre question: j’ai choisi de subir une IMG par aspiration, et je sais que mon fils va me poser des questions très concrètes sur le déroulé du geste. Franchement, je ne vois pas quels mots employer pour lui expliquer ça sans le traumatiser. Ma fille, elle, se contente généralement des explications qu’on donne en première intention, mais mon fils est redoutable :-)

Si certain(e)s d’entre vous ont été confrontés à cette annonce à des enfants déjà un peu grands, merci pour vos conseils/idées.
Urbanie
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Re: L’annonce aux aînés

Message par Urbanie »

Bonjour Anne,

Pour avoir vécu les deux situations - les commentaires désagréables de certains psy, et l'annonce à un enfant en âge de comprendre, je vais essayer de te donner les pistes qui m'ont personnellement aidée.

Sur les commentaires de psy: j'y ai eu droit, et pas qu'une fois. "Dans le couple, c'est la femme qui souffre, pas l'homme"; "vous avez provoqué la maladie de vos bébés parce que vous ne vous sentiez pas capable d'être mère"; "vous n'avez pas vraiment accouché". La leçon que j'en ai tirée, c'est qu'un.e psychologue ou psychiatre mal formé.e sur le deuil périnatal dira tout autant de bêtises qu'un autre individu lambda, malgré sa formation de thérapeute ou de médecin. Ce qui est blessant, c'est qu'on les consulte parce qu'on aimerait qu'ils "sachent" comment nous aider à aller mieux, et nous sommes dans une grande position de vulnérabilité face à eux, en tant que mamans endeuillées, mais aussi en tant que patientes. Je ne peux que te conseiller de consulter une autre personne, et surtout, de ne pas prendre pour argent comptant ce que cette psychologue t'a dit (en croyant sans doute bien faire!).

Sur les questions: suite à ma fausse-couche tardive l'année dernière, ma fille avait déjà 5 ans et m'a posé énormément de questions. Il y avait eu deux IMG précédemment, mais elle était alors trop petite. Sur les conseils d'un pédopsychiatre, je lui ai tout simplement expliqué ce qui se passait à hauteur de son âge ("le bébé était trop fragile dans mon ventre et il est mort" - pour mes IMG je lui avais expliqué que mes bébés étaient trop malades dans mon ventre, mais que ce n'était pas une maladie qui s'attrapait, et que je n'étais pas malade, ni son papa, et je ne suis pas entrée dans les détails de leur mort). Elle m'a en effet posé beaucoup de questions "pratiques": mais par où le bébé est sorti? Comment tu savais qu'il est mort? Je n'ai répondu que par des réponses "simples" et sans détail. Par exemple, le jour où elle a soulevé mon tee shirt pour voir s'il y avait une cicatrice (elle pensait qu'on m'avait ouvert le ventre), je lui ai expliqué que le bébé était sorti par un endroit spécial pour les bébés, et que personne ne m'avait fait de mal, que je n'avais pas été opérée. Les enfants ont parfois soif de réponses, mais leurs questions sont souvent très factuelles. Par contre je suis d'accord que leur imagination galopante peut les amener à tirer des conclusions ou à faire des suppositions qui pourraient être angoissantes. Et je sais à quel point on peut se sentir démunie face à leurs questions.

J'espère que ma réponse t'aidera un peu, prends bien soin de toi.
Urbanie
Equipe de modération de Petite Emilie
Laure77
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Re: L’annonce aux aînés

Message par Laure77 »

Bonjour,

J'étais moi aussi très inquiète pour ma fille (4ans) avec cette annonce horrible, d'autant plus que nous avons nous même nos questions et notre état à gérer.
C'est pourquoi je vais te parler de mon expérience, en espérant t'aider.

Un pédiatre de l'hôpital nous avait dit qu'il n'y avait pas de bons mots mais que le plus important était de dire la vérité. "il est mort" et éviter de dire "il est au ciel".

Comment bien le vivre ??? C'est très culpabilisant ce que te dit le psy. Au contraire, une psy m' avait dit de ne pas culpabiliser de mon état, mais de toujours dire "je pleure parce que je suis triste, mais tu n'y es pour rien, ce n'est pas de ta faute" car les enfants prennent beaucoup de choses pour eux. J'ai toujours précisé aussi que cela passera, je vais aller mieux. Ce qui m'a aussi aidé moi même. Aujourd'hui, je suis plus apaisée, j'en parle facilement même si la peine est toujours là évidemment.

Lorsque ses questions étaient difficiles pour moi, je lui disais je vais prendre le temps de réfléchir et nous en reparlerons. J'ai eu du mal par exemple à lui expliquer l'incinération. Mais elle demandait sans cesse où était son petit frère. Par contre, j'ai toujours veillé à y répondre. Et lui dire, si tu as d'autres questions, reviens vers nous, nous y répondons. Il est difficile de dire les choses, dire la vérité, sans tout justifier et donner des détails qu'ils n'ont pas besoin de savoir. C'est je pense la difficulté à laquelle tu vas être confronté avec ton fils.

Moi non plus je ne pouvais pas dire la nature est bien faite. Je lui disais c'est sans doute mieux pour lui. Il n'aurait pas pu vivre ainsi. Cela n'empêche pas notre peine, mais c'est mieux pour lui.

Elle avait aussi sa peine, et je pense que c'est important de la reconnaître. Elle a d'ailleurs apporté un doudou sur la stèle du jardin du souvenir, et cela lui a fait beaucoup de bien. Elle l'avait demandé et je redoutais ce moment. Mais nous avons bien fait de l'écouter. Elle a pris sa place de grande sœur.

Aujourd'hui, elle va bien. Elle parle moins de son petit frère. Elle sait que la vie est fragile, elle en profite pleinement. Elle sait aussi que la mort fait partie de la vie. Les émotions ont aussi une large place.

Évidemment, j'aurais préféré qu'elle soit épargnée de ce deuil mais contrairement à mes craintes, je ne pense pas qu'elle soit traumatisée.

J'espère t'avoir aidé, n'hésite pas à revenir si tu as des questions.
Je te souhaite bon courage pour ces moments tellement difficiles.
Laure, maman de Flavie, Février 2016.
De Angelo, né sans vie, mai 2020. MFIU, 25 sa. Le 22 Mai 2020. RSCIU Pré eclampsie sévère et précoce.
De Livio né en janvier 2022.
Anne75
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Re: L’annonce aux aînés

Message par Anne75 »

Merci à vous deux pour vos messages et vos expériences.

Effectivement, cette psy qui aide beaucoup mon fils pourtant m’a tenu un discours qui ne m’a pas paru adapté à mon ressenti, à ma façon de voir les choses et j’ai aussi trouvé très culpabilisant son discours sur le « vivre bien ».

Bref, l’essentiel est de trouver les mots qui sont en accord avec notre cœur. Avec mon mari on s’est disputé vivement ce matin au sujet de cette annonce, je pense que c’est plus notre colère face à cette situation injuste qui éclate que véritablement une différence de façon de voir les choses.

On s’est mis d’accord sur ce qu’on dira aux enfants demain, et espérons que les questions ne soient pas trop casse-tête... sinon on différera notre réponse pour se laisser le temps d’adapter les informations qu’on donne à leur niveau de compréhension.

Merci encore à vous deux.
MariEve
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Re: L’annonce aux aînés

Message par MariEve »

Bonjour Anne,

Je ne suis pas d'accord avec ce que t'as dit la psy.
Il n'est pas question "de vivre bien" cette épreuve, c'est une énorme maladresse de sa part. Je reste convaincue qu'il y a le droit de pleurer et trouver tout ceci difficile, sans que ça ne crée un traumatisme surajouté pour les ainés. Effectivement, pour avoir vécu les émotions débordantes de ma maman quand j'étais enfant (j'ai perdu ma grande soeur alors que j'avais 10 ans), j'ai préféré m'isoler pour les grosses larmes et les débordements de colère au plus fort de mes emotions, pour autant mon fils en a vu et quand j'ai pu j'ai mis les mots dessus.
Donc ne te mets pas la pression sur "ton état", ton vécu, ça vient comme ça peut et c'est naturel, si tu vois que tes émotions impressionnent tes enfants, rappelle leur que c'est ton vécu à toi et que ce n'est pas de leur faute, que c'est naturel et bénéfique de pleurer quand ça nous vient. Ca leur montre que c'est autorisé et ainsi tu peux leur dire que eux aussi peuvent extérioriser leurs emotions, qu'ils ont le droit de le vivre différemment de toi/de vous.

Après sur les termes que tu crains, effectivement il est pas mal de simplifier et factualiser. N'oublies pas que si es prise de cours, tu peux toujours décaler ta réponse, du genre "c'est une bonne question que tu me poses, je/on va réflechir à comment te l'expliquer correctement" et tu réponds plus tard en ayant pesé tes mots.

Voici comment on avait présenté les choses à notre petit bonhomme (3 ans a l'epoque) :

"Bébé qui est dans le ventre de maman s'est mal fabriqué" (et non pas "on l'a mal fabriqué" qui vous culpabilise inutilement)

A son "pourquoi ?" On lui a dit "c'est comme ça, la nature ne fait pas tout très bien et ça peut arriver que des bébés ne se fabriquent pas bien ou pas entièrement, meme si la plupart du temps ils vont très bien.. exemple nous les parents, vous les enfants et tous vos copains, tout le monde qu'on connait sont des bebes qui ont bien grandi"

"Les medecins nous ont dit qu'il ne pourrait pas vivre" (pas besoin de dire quand et comment se fait la fin de sa vie)

"On va aller à la maternité pour que les medecins l'aide à sortir de mon ventre"

Tu crains le comment a ce sujet et je comprends.
Tu peux lui demander ce qu'il imagine, ce qu'il craint éventuellement et rajuster en fonction.
Après, il a peut être juste besoin de savoir que l'equipe medicale sait comment faire et que vous leur faites confiance, que ca ressemblera à la fausse couche parce que c'est encore un tout tout petit bebe. Il aura peut être juste besoin d'etre rassuré sur le fait que ca ne te fera pas mal et pas de cicatrice, qu'il faudra juste que tu te reposes ensuite.

Je vous envoie plein de force et de courage a toute la famille.
Maman de 3 petits garçons et 1 petite fille :
Jules né le 19/01/16
Nolan né sans vie le 14/09/17 (IMG à 13SA)
Paul né sans vie le 25/10/18 (IMG à 36SA)
Léonie née le 09/06/2021
Anne75
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Re: L’annonce aux aînés

Message par Anne75 »

Merci pour tes mots, qui me parlent vraiment à 100%. C’est exactement ce qu’on avait prévu de dire aux enfants, et ça me conforte dans le fait que ce sont ces mots-là qui me paraissent appropriés.
Je vois dans ta signature que tu as donné un prénom à ton bb perdu à 13 SA. C’est un prénom que vous avez communiqué à vos proches?
MariEve
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Re: L’annonce aux aînés

Message par MariEve »

Je suis contente si mes propositions te parlent.

Pour mon tout petit c'est juste moi qui ai senti le besoin de le nommer, mon amoureux n'a pas eu ce souhait. Aussi je n'ai rien dit à mes proches par respect pour le silence de mon homme, je ne veux pas lui imposer mon choix et le nommer dans mon coeur me suffit pour le moment.
J'ai juste une amie très proche qui connait son nom et son papa bien évidemment.
Nolan n'est pas sur notre livret de famille.
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Anne75
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Re: L’annonce aux aînés

Message par Anne75 »

C’est exactement notre cas: mon mari ne veut pas donner un prénom tandis que pour moi c’est important.
Je pense que je le ferai « dans mon cœur »; je dois attendre de savoir si c’est un garçon ou une fille. Donner un prénom rend à mes yeux les choses plus concrètes...
MariEve
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Re: L’annonce aux aînés

Message par MariEve »

Je vous souhaite de trouver votre équilibre qui vous convienne à tous les deux, chacun à votre rythme.
Plein de douceur à vous
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michele81
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Re: L’annonce aux aînés

Message par michele81 »

Bonjour,

Je suis très touchée par votre récit.
Ce n’est pas juste tous ces périples. Courage à vous.

Je travaille dans le milieu social et médico social, et sans le juger, j adhère peu au discours de votre psy.
C’est culpabilisant à souhait de dire « si vous le vivez bien vos enfants le vivront bien ». Euh qui vit les choses bien sans délai de grande tristesse et de digestion.

Mon expérience est différente car l’aîné a 10 ans. Nous sommes une famille recomposée, les enfants de mon mari sont encore plus grands.
Nous n’avons pas parlé d IMG (T21).Pour nous ça ne regarde personne même nos enfants.
Nous avons dit les choses simplement, sans mentir non plus : le bébé n’est pas en bonne santé donc on doit se quitter. Il ne peut pas vivre comme nous.
Pour les questions qui ont suivi, ça se passe à l’hôpital et on a ajouté que les détails médicaux concernaient uniquement la maman et n’étaient pas importants à partager.
C’est notre tristesse qu’on a besoin de partager en famille. Faire semblant que tout va pourrait empêcher les enfants de parler, d’en reparler même beaucoup plus tard.

Voilà juste pour partager ce qu’on a fait semaine dernière avec mon mari. C’est tout récent.

Plein de courage à vous.
Mamange depuis le 26 février 2021.
IMG 17 semaines et demi (T21).
Maman d’un petit garçon de 10 ans.
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