Nouveau Papa

[Reno318]

Bonjour,

Je m'appelle Renaud, j'ai 35ans... je ne sais pas par où commencer. Aujourd'hui j'ai failli finir aux urgences car je garde tout pour moi alors je crois que je vais laisser ma fierté de coté l'espace d'un instant et faire ce que ma compagne souhaite me voir faire... m'exprimer, en parler et si possible ressentir quelque chose.

Nous sommes rentré de l'hôpital il y a maintenant 14 jours

Avant toute chose, ma petite fille s'appelle Sam. Elle est née le 2 octobre à 32 semaines. 2Kg et 44cm. Elle était absolument magnifique. J'ai vu tout de suite qu'elle me ressemblait énormément, elle avait mon visage. Je me suis vu, en petit bébé fille... sans vie. J'ai eu beau essayé de me préparer au maximum durant les 2 mois entre la découverte du problème (malformation cérébrale, absence de septum, etc...) et la date de l'entrée à l’hôpital... force est de constater que rien ne prépare à ça. Ce jour là une partie de moi est définitivement morte. Il me plait de croire qu'une part de moi est partie avec elle.

Durant ces 2 mois je me suis consacré entièrement à ma compagne que j'aime plus que tout au monde. J'ai aussi énormément pleurer, surtout en cachette. J'aurai voulu lancer ma tête contre un mur, avoir mal physiquement et faire sortir toute cette douleur peu importe la manière.

Nous avons passé 4 jours à l’hôpital. Les personnes croisées ont été formidables. D'une douceur qui réconcilie avec la vie. Sur place, nous n'avons pas dormi... et comme vous qui êtes sur ce forum nous avons vécu ce pourquoi nous sommes inscrit ici. J'ai été un véritable roc pour ma compagne, elle a à chaque instant pu trouver ma présence, mon réconfort, mes paroles pleines d'espoir pour l'avenir, je l'ai portée, soutenue, j'ai été l'homme qu'il fallait...

Mais au fond de moi j'ai été choqué, traumatisé, horrifié. Mon cerveau a sans doute du se mettre dans un mode proche de la survie mentale. Je me souviens de cette dernière poussée, au terme de 20h de travail, lorsque Sam était presque "sortie", je me suis dis qu'une étape de plus était franchie et que dans 1 seconde on allait nous la poser sur ma compagne. Prendre ma respiration, accueillir ma fille, morte, toujours avec un sourire réconfortant, une attitude de douceur et de force, un réconfort sans faille envers ma compagne... je ne sais pas d'où tout cela m'est venu...

Ma compagne m'a tant remercié pour toute cette bienveillance, moi aussi je suis fier de moi, d'avoir été à la hauteur... mais aujourd'hui je le paie. C'est pour cela que je suis là.

La semaine qui a suivi notre retour à la maison, les démarches administratives et la crémation ont "occupés" nos esprits. Je ne me sentais pas mal. Je me sentais peut-être comme dans du coton, un peu dans le cirage mais rien de désagréable. J'ai regardé plusieurs fois les photos de Sam. Une association est venue (Au delà des nuages) et a fait des photos incroyables. On dirait qu'elle dort, qu'elle est bien vivante... et plusieurs fois, tard le soir et en cachette j'ai pleuré... juste de simples larmes, pas d'explosion.

Après ces 2 semaines à la maison, je me rend compte, avec inquiétude maintenant, que je ne ressens rien, ou pas grand chose. Au début je voyait ça comme un confort qui me permettait d'avancer. Mais aujourd'hui après une journée anodine de travail dans le jardin, après un petit café sur notre terrasse avec ma compagne... alors que "tout allait bien" je me suis posé dans le fauteuil, j'ai senti que quelque chose n'allait pas, que j'avais du mal à respirer et je me suis mis à convulser assez violemment. Des décharges de stress, tous les nerfs du corps qui craquent. J'étais dans une panique et une angoisse intense. Physiquement mon corps ma demandé de m'occuper de ma tête.

Après une visite en urgence chez le médecin et une petite prescription, j'ai décidé de consulter. D'aller voir quelqu'un. Qu'il me donne des pistes, qu'il me fasse parler, peu importe pourvu qu'il m'aide à me reconnecter à mes émotions, de ressentir à nouveau quelque chose et par dessus tout pour arriver à penser à ma fille sans remiser ces pensées à plus tard dans un coin de ma tête.

Y a t'il parmi vous, des Mamans ou des Papas qui ont vécu ce genre de choses ? Cette absence d'émotion ? Cette manifestation d'un corps qui craque ?

Dans les dernières secondes où j'avais Sam dans les bras, je lui ai promis de toujours prendre soin de sa Maman et de toujours prendre soin de moi POUR sa Maman. A l'instant précis où j'écris cette phrase des larmes coulent sur mes joues et j'en suis presque content.

C'est pour honorer cette promesse que je vous ai confié ce qui précède.

Merci de m'avoir lu
Courage à toutes les personnes qui sont ici.
Vous / Nous ne sommes pas seul

Renaud

[Julie4801]

Bonjour Renaud,

C'est toujours difficile et attristant de lire de nouveaux "témoignages" sur ce forum. J'espère qu'il vous aidera comme il a pu m'aider.
Votre histoire m'a mis les larmes aux yeux, petit retour en arrière de 3mois, nos histoires se ressemblent malheureusement.

J'ai vécu ce drame de l'autre coté, coté maman. Comme j'avais dit à mon conjoint, dans mon malheur j'ai la "chance" de vivre cela avec lui.
Cela peut paraitre égoïste, mais il a été ma force, on avançait à deux.
Nous avons eu également presque deux mois d'attente (écho, amniocentese, IRM cérébrale....) durant lesquels je ne l'ai que très rarement vu pleurer.
Il a assisté à l'accouchement et je ne le remercierai jamais assez. Ce n'est que le lendemain qu'il m'a avoué avoir craqué seul, mais bizarrement ça m'a "rassurée", et j'ai apprécié qu'il m'en parle.

Tout ça pour dire que dans notre cas le couple en est ressorti bien plus fort. Personne ne peut imaginer les étapes traversées, les nuits passées dans l'attente de résultats, l'attente une fois la date de l'IMG posée, l'accouchement d'un bébé sans vie, sans oublier toutes les questions pour l'après.

N'hésite pas à te faire entourer de personnes compétentes si tu en ressens le besoin. Nous sommes allés une fois voir une psy, mais sans grande conviction donc nous n'avons pas donné suite. Mais si cela peut t'aider, vas-y.
Avant l'IMG nous sommes dans l'action, guidés par les médecins, rythmés par les RDV, j'étais comme une machine, je faisais ce qu'on me disait de faire!
Puis il y a l'après, l'administratif qui te rappelle sans cesse ce que tu as vécu, le retour à domicile, l'entourage qui "passe à autre chose", les annonces de grossesses, naissances...

Ce qui nous a fait le plus grand bien également, c'était de partir une semaine en montagne après, autre décor, marcher, se vider l'esprit.

Je vous souhaite beaucoup de courage,
Vous semblez soudés et amoureux, et gardez bien en tête ce choix d'amour pour votre petite Sam.
Tendres pensées.

Julie

[Elogojab]

Bonjour Renaud

Je suis désolée de t'accueillir ici mais tu trouveras toujours une ou des oreilles attentives. Merci d'avoir partagé votre histoire avec Sam.

Mon mari était comme toi, d'un soutien sans faille à chaque instant. Avant l'IMG il était triste mais d après lui pas autant que moi. Il me disait que moi je la sentais que j'avais déjà un lien que lui n'avait pas.
Le jour de L'IMG, quand notre fille est née sans vie, il s'est effondré.

Là où je rejoins également ton histoire c'est lorsqu'un jour l'hôpital nous a appelé pour qu'il vienne faire une prise de sang pour les recherches génétiques. Je l ai appelé pour lui dire et là il a cru être malade et que c'était pour ça qu'on avait besoin qu'il vienne faire une prise de sang
Au début je ne comprenais pas trop pourquoi il pensait ça. Mais le soir il m a dit qu'il avait des ganglions qui étaient présents. Et du coup il a créé ce lien entre la prise de sang et ses ganglions..

Et un jour comme toi, il a commencé à faire une crise d'angoisse, il s'est mis en tachycardie à 130 battements par minute. Étant infirmière, dans le doute, nous sommes allés aux urgences pour écarter un problème cardiaque. Il est passé en urgence absolue et a fini en salle de déchoc.

Le médecin ce jour là a été topissime. Il a commencé à discuter avec mon mari et calmement son rythme cardiaque est revenu à la normale. Le médecin m'a fait entrer et mon mari s'est effondré de nouveau. C'était une des premières fois où quelqu'un autre, que moi et nos parents, était à l'écoute ou demandait comment il allait.
Il s'est aperçu finalement que peu de personnes lui ont demandé comment il allait. Souvent les personnes (sans mauvaise intention) prenait de mes nouvelles. Il s est senti un peu exclut comme si ma douleur était bien plus supérieure à la sienne aux yeux des autres..

Il a eu très peur par la suite d'être malade alors nous avons fait plein d examens, avons vu différents médecins qui en arrivait à la même conclusion, que physiquement tout allait bien mais que psychologiquement il fallait faire quelque chose.

Après une longue négociation, il a quand même pris Rdv chez une psychologue (même s'il n'était pas très fan). Je pense que ça lui a fait du bien même s'il n'a pas été au bout des séances..

Aujourd'hui ça va mieux même si de temps en temps il se remet un coup de stresse au moindre signe physique.
Après discussion, j'ai eu l'impression que son corps c'était mis en hypervigilance que tout était en alerte.

Voilà je pense que tes émotions sont là et bien présentes mais que tu as dû peut-être les mettre de côté. Car si j'ai bien appris quelque chose, c'est qu'on ne craque pas en même temps j'ai l'impression. Comme s'il devait y avoir toujours un de nous qui soit bien pour l'autre et être là. Quand mon mari a fait sa crise d angoisse on était à presque 2 mois après la naissance de notre fille. Je pleurais beaucoup encore et dès que je l'ai senti mal c'est moi qui ait pris le relais.

Je n'ai pas vu de psychologue mais je parlais beaucoup à ma sage-femme et ma gynéco. Elles me suffisaient pour décharger ce que j'avais à dire.

Enfin voilà j'espère que tout ira mieux pour toi et que tu trouveras un spécialiste qui te convienne afin de parler.

Toutes mes douces pensées à vous et votre petite Sam.

Elo

[Juli1]

Bonjour
Vous venez de poster pour la première fois sur le forum de Petite Emilie.
Nous vous souhaitons tout d’abord la bienvenue, et espérons que ce forum vous apportera le réconfort et l’apaisement nécessaire en cette période particulièrement difficile.
Ce forum est un lieu d’entraide dédié aux parents aillant perdus un bébé pendant la grossesse, peu de temps après la naissance, ou s’apprêtant à faire le choix ou non d’une Interruption médicale de grossesse.
C’est un forum qui se veut bienveillant, ou chacun.e peut exprimer ses émotions sans crainte de jugement.
Vous y trouverez une lecture attentive et un soutien de la part de parents ayant étés confrontés comme vous à la perte d’un ou plusieurs enfant(s), chacun avançant à son rythme sur le chemin du deuil.
Ce forum est modéré par des parents bénévoles, afin de garantir son bon fonctionnement, je vous invite à prendre connaissance de la charte d’utilisateur.

Bien à vous.

L’équipe de modération de Petite Emilie

Sinon pour ma part naturellement j'aurais eu tendance à tout garder pour moi. Mais le lendemain de l'IMG le psychologue a insisté sur l'importance de communiquer sur le sujet dans le couple, car nous n'avoncerions pas au meme rythme. Du coup je me suis fait violence pour dire à ma compagne ce que je ressentais, quand j'arrivais à mettre des mots dessus.
Comme dit Elo, nombreux sont ceux qui demandaient des nouvelles de ma compagne, rares sont ceux qui m'ont demandé comment j'allais moi. Ça me touchait d'autant plus lorsqu'on me posait la question.
Nous avons vu un psy à deux, j'ai aussi fait quelques séances seuls. Ça ne m'a empêché de faire deux grosses crises de larmes assis, recrovillé au sol, une fois en serrant le cadre avec l'empreinte de main et de pied de mon fils (je ne compte même plus les larmes "normales")
Comme d'autres, on s'est relayé, quand l'un allait bien, l'autre allait mal, puis inversement.

Je te souhaite beaucoup de courage, et si tu as besoin d'échanger n'hésite pas.

[Petiteluciole]

Bonjour Renaud,

Tout d'abord, je suis sincèrement désolée pour votre petite Sam, qui ici aurait cru vivre un tel drame un jour dans sa vie...
Comme vous mon mari a été très fort, il est déjà de nature très timide et montre rarement ses sentiments, mais "heureusement" qu'avec moi il ose s'exprimer....j'ai du le travailler au corps en rentrant de l hôpital....Tous les jours pour tenter de lui faire dire se qu il ressentait...pas toujours évident...J'ai donc décidé de prendre rdv chez une psychologue pour des séances de couple et des séances individuelles pour chacun... Sa l a aidé et depuis il parle de Maxandre de manière plus ouverte et spontanée. Par contre....Moi j'ai eu beaucoup de mal, car à vouloir se protéger l un l autre...Je n ai pas réussi à voir mes problèmes...se qui m a valu tout de même...une cholecystectomie y a 1 mois....du au stress j'ai eu des calculs biliaires qui se sont déplacés et on abîmé mon pancréas...Formidable me direz vous....Sauf que...J étais à nouveau enceinte de 5 mois...Donc forcément un stress supplémentaire de devoir se faire opérer...Je vous rassure...Bébé va bien et moi aussi.Tout ça pour dire...Qu il est vraiment primordial de vider son sac, de trouver un professionnel capable de vous aider dans cette démarche...C est très important...car les conséquences sur la santé peuvent être grave...
Prenez soin de vous maintenant, reposez vous, faites des choses qui vous font du bien.C est important.
Tendres pensées et baisers volants à Sam...