J’ai vécu une IMG en février 2019, j’ai souvent entendu l’expression « subir une IMG » dans la bouche des soignants … pour moi cela n’est pas vraiment le cas, le choix reposant sur nous parents.
Nous sommes en couple avec mon compagnon depuis 11 ans. Nous avons déjà un garçon âgé de 8 ans, il a été très important dans ma reconstruction.
Je ne pourrais pas relater cette histoire en utilisant le « nous », mon compagnon et moi ayant vécu ces évènements différemment.
Ce second enfant nous l’avons voulu, désiré très fort. Il est comme son frère le fruit de notre amour. Jamais je n’aurais pu imaginer devoir vivre un jour une telle épreuve dans ma vie.
Elle est venue changer ma vision des choses, du monde, de la famille et surtout de moi-même.
Lors de ma première échographie, a été décelé une clarté nucale épaisse, j’ai tout de suite compris que c’était fini … trisomie 21. D’autres examens étaient encore nécessaires mais au fond de moi je savais … avant cette échographie je savais …. j’avais depuis le début un mauvais pressentiment … au plus profond je pense que mon instinct maternel savait que mon petit trésor allait mal, que quelque chose clochait.
Je n’avais pas évoqué cela avec mon compagnon mais c’était présent en moi, comme enfouit.
Après cette échographie, j’ai dû subir et là je dis subir une amiosynthèse, l’équipe a été adorable mais le moment très difficile psychologiquement, j’étais seule sans mon compagnon à mes côtés. Une fois l’examen passé, je me suis effondrée dans ses bras … je savais.
Il a fallu rencontrer le même jour une généticienne et un anesthésiste en vue d’une possible IMG selon les résultats et notre décision.
Puis retour à la maison, comme si de rien n’était, ne pas inquiéter notre fils qui se projette déjà en futur grand frère, nous parle du bébé avec le sourire là où au fond de moi tout n’est plus que tristesse et sentiment d’injustice.
Je réfléchis à ce que j’ai pu mal faire, au fameux pourquoi moi, pourquoi nous.
Nous sommes jeunes après tout, 32 et 34 ans, nous ne sommes pas censés être dans les populations à risque … il n’y a pas de pourquoi, c’est une des choses qui a été la plus difficile à traverser, rien vers quoi retourner cette colère, ce sentiment d’injustice, juste le fameux « c’est comme ça ».
Trois ou quatre jours après mes examens, je ne sais plus j’ai reçu un appel. J’étais en arrêt maladie, mon fils à l’école et mon homme au travail. J’étais donc seule une fois de plus…
Par téléphone on m’informe que les résultats ne sont pas bons que nous sommes attendus cette après-midi pour qu’on nous en parle. Je me souviens de cet échange bref, juste quelques secondes … quelques secondes où tout s’effondre vraiment … où oui, tout est réel.
J’ai par instinct, tristesse ou culpabilité, posé une main sur mon ventre et demandé pardon à mon enfant, pardon de cette décision si difficile qui été déjà prise en accord avec mon compagnon, si les résultats étaient mauvais.
Là encore les jours passent, mon enfant est là dans mon ventre mais autour de moi, pour nos proches c’est déjà comme si cela n’était plus le cas. Pour moi aussi, je me rappelle avoir jeter mes habits de grossesse et avoir remis des jeans trop serrés pour moi …
Puis les mots maladroits, des proches qui ne savant comment réagir « c’est un accident » : Non c’est un enfant, mon enfant, ma petite fille à qui je vais devoir dire au revoir à tout jamais.
« vois ça comme une fausse couche », nous c’est une décision, c’est un accouchement, mon deuxième accouchement.
Au milieu de tout cela, nous sommes envahis par un sentiment de solitude, seuls les couples ayant vécu la même expérience peuvent comprendre.
La date est fixée, intérieurement je sais que je voudrais voir ma fille, mon conjoint lui hésite, à peur. Il en parle à sa mère et aura pour toutes réponses un « c’est morbide, cela ne sert à rien » … il ne la verra pas. Je respecte son choix.
Puis, nous voilà en salle d’accouchement, après une arrivée la veille à la maternité.
Ne penser qu’à soi, ne pas imaginer les autres femmes présentes dans le service, ne pas entendre ces pleurs de nourrissons qui viennent de faire leur venue au monde.
Se concentrer sur soi. Se sentir oppresser et coupable de ce choix qui me semble à ce moment si lourd à porter.
Aujourd’hui, je sais que nous avons fait ce choix avant tout pour elle, pour Manon. Dans la vie, je suis éducatrice spécialisée, je connais le monde du handicap, je connais les institutions, le parcours du combattant, je pense à tout ce que ma fille ne pourra pas faire ou vivre. Je sais que d’autres parents ne font pas ce choix, je le respecte, j’espère qu’eux peuvent respecter le notre.
Puis le matin, départ en salle d’accouchement. Traverser ce couloir en fermant les yeux, de peur de croiser le regard de quelqu’un, un papa tout joyeux sortant annoncer la naissance ou une future maman avec son ventre bien rond.
Puis la péridurale, puis l’attente. Etre tous les deux dans cette salle en connaissant cette fin. Ces moments sont lourds et pesant. Mon homme lui parait si fort, fort pour deux.
La veille nous avons acheté à Manon, un petit lange pour qu’elle parte avec. Juste avant qu’elle « naisse », mon homme y a déposé un baiser, sa façon à lui dire au revoir. Puis, la poche des eaux qui craque et l’arrivée du médecin, « sa naissance » où on me répond « oui c’est fini ».
Mon homme a eu besoin de sortir, j’ai demandé à la voir. Je garde de ce moment, de cette rencontre une douce sensation. Je suis à nouveau mère, je lui parle de son papa qui est dehors mais qui est là avec elle, je lui parle de son frère comme il m’a demandé de le faire, je lui chante une chanson et lui explique tout, notre histoire, sa famille et notre décision. Je suis à nouveau maman.
La sage-femme revient, je ne verrais plus jamais ma fille, je ne la porterais plus jamais dans mes bras, mais elle sera là chaque jour à mes côtés.
Je passe le départ de la maternité, le ventre vide et les bras aussi.
Le sentiment d’apaisement me quitte à nouveau, la culpabilité revient, impossible de reprendre le travail, je ne suis en état de m’occuper des autres. Impossible de voir mes proches, de toute façon ils ne comprennent rien, ils sont tous cons et sans cœur.
La colère m’envahie peu à peu, j’ai de plus en plus de mal à m’occuper de mon ainé. Je ne veux qu’une chose être seule avec ma fille en tête. Une partie de moi a disparu ce jour-là. Et seule moi, me rend compte du trou béant qui fait aujourd’hui parti de moi.
Le temps passe je me raccroche aux propos de ma psy, qui me dit que c’est normal, que je passe des étapes. Moi j’ai la sensation de faire du surplace, de devenir un monstre d’égoïsme.
Des amies accouchent, je ne vais pas les voir, intérieurement je les déteste même.
Manon a enfin sa plaque à la clairière du souvenir, la veille de ma reprise du travail. Je suis allée la voir et je lui ai lu la lettre que je lui ai écrite.
Nous lui avons aussi fait une petite boite, avec les échographies, son bracelet de naissance, un petit dessin que son frère lui a fait.
L’hôpital me contacte, ils ont les résultats de nos tests, une nouvelle épreuve pour moi. Mon conjoint étant en déplacement je devrais m’y rendre seule.
Ma musique dans les oreilles je traverse le hall, je pense à elle à Manon. Je vais pouvoir récupérer des photos d’elle. Mes résultats m’importent peu, je veux voir ma fille à nouveau, être certaine que ce moment de plénitude a vraiment existé. Devant l’ascenseur, une femme enceinte me lance le sourire aux lèvres « nous allons au même endroit je suppose », un coup de plus dans mon cœur, mais aujourd’hui c’est une pierre il s’est endurcit. Je lui réponds « oui, au même endroit ». Elle part au échographie, voir son bébé qui grandit dans son ventre, moi je pars récupérer les photos de ma fille.
Nos résultats sont négatifs, nous ne sommes pas à risque, me déclare la médecin tout sourire …. pourtant cela vient bien de nous arriver.
Il me faudra encore beaucoup de temps, il me faudra accepter que pour le moment j’ai le besoin d’être égoïste, accepter de ne pas réussir à partager les joies de mes proches, et accepter que cela ne fasse pas de moi un monstre mais seulement « une maman endeuillée ». Ce statut de maman qui pour de nombreuses personnes n’existe pas.
Puis les jours passent, les mois. Ma vision de la vie change, je me replie sur mon cocon, mon homme, mon fils. Je bouffe littéralement tous nos moments de petits bonheurs, qui sont inestimables. Manon m’a offert ça, elle m’a changée et j’en suis fière. Elle a fait de moi une personne ayant pleinement conscience de l’importance de chaque moment, même les plus insignifiant ou brefs.
Manon m’a montrée comment continuer à vivre et à vivre mieux.
Aujourd’hui encore, Manon n’est pas « reconnue » comme notre deuxième enfant pour beaucoup de nos proches. Je resterais à tout jamais la seule à l’avoir vu, portée dans mes bras. La seule à lui avoir déposé un baiser sur la joue. La seule à savoir qu’elle avait les mêmes petits orteils que son grand frère. Je vois cela comme un cadeau.
Elle est mon deuxième enfant, elle est à sa place, elle fait partie de notre famille. Comme dit mon fils « elle n’est pas ici avec nous mais au fond de nos cœurs ».
J’ai un tatouage pour mon fils, j’ai aussi un tatouage pour ma fille.
Et dans quelques mois, j’aurais un tatouage pour les petits pieds qui me donnent des coups dans le ventre. En octobre prochain, je serais maman pour la troisième fois. J’accoucherai pour la troisième fois. Je me ferai tatouer pour la troisième et cet enfant saura tout de sa grande-sœur et de son grand-frère.
DE L'ESPOIR - Un long texte qui je l'espère vous aidera
Re: DE L'ESPOIR - Un long texte qui je l'espère vous aidera
Ça me touche beaucoup tes mots,Je me retrouve beaucoup dedans.. Merci d’avoir partager tout ça avec nous! Et je te souhaite une magnifique fin de grossesse et une rencontre avec ton 3è bébé, ton bébé
, des plus douces et sereines qu’il soit !
Perrine
Mamange d’Ema née le 18/12/2019 (24SA)

Maman d’Eva née le 02/01/2021 (39SA+6)

Mamange d’Ema née le 18/12/2019 (24SA)
Maman d’Eva née le 02/01/2021 (39SA+6)
Re: DE L'ESPOIR - Un long texte qui je l'espère vous aidera
Bonjour,
Je vais fermer ce sujet vu que ce texte est déjà dans les chemins de la reconstruction. N'hésitez pas a aller commenter et échanger là-bas si vous le souhaiter.
Je vous souhaite une belle fin de grossesse et vous remercie pour ce témoignage
Je vais fermer ce sujet vu que ce texte est déjà dans les chemins de la reconstruction. N'hésitez pas a aller commenter et échanger là-bas si vous le souhaiter.
Je vous souhaite une belle fin de grossesse et vous remercie pour ce témoignage
Aline
Equipe de modération de Petite Emilie
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