J’aimerai pouvoir ici vous raconter mon histoire, je n’attends pas forcément de réponse mais j’ai surtout besoin de sortir tout ce que j’ai sur le cœur.
Rien que te taper ces quelques mots mes mains en tremblent.
Mon histoire commence il y a un an quand ma sœur m’apprend qu’elle ne peut avoir d’enfant du fait d’une insuffisance ovarienne précoce (une ménopause en gros et ce à l’âge de 36ans…)
Après une série de prise de sang, il s’avère que c’est lié à la présence d’une prémutation de la maladie de l’X-Fragile. S’agissant d’une maladie génétique, elle m’invite à me faire dépister.
Me voilà donc partie sur Paris pour rencontrer sa gynéco (j’habite en province) qui me prescrit une prise de sang.
Et là une longue série d’attentes commence, je ne savais pas qu’on pouvait attendre aussi longtemps des résultats….
La prise de sang a été faite début novembre et je n’ai eu que les résultats qu’en janvier.
Et le premier couperet tombe, je suis également porteuse de cette prémutation sur un de mes de chromosomes X, l’autre étant normal.
Avec mon conjoint on souhaitait avoir un bébé, mais par plus de prudence (surtout sur la méconnaissance de cette maladie) nous avons décidé d’attendre afin d’avoir des réponses.
Les informations obtenues sur internet ne nous suffisaient pas.
Je prends donc rendez-vous avec ma gynéco que je rencontre fin janvier. Là, on se rend compte qu’elle n’y connait rien non plus (elle regardait en même temps qu’elle me parlait une page Wikipédia). Enfin bon, elle nous renvoie vers le service de génétique du CHU.
Re-attente, pas de rendez-vous avant avril….
Donc on attend.
En avril nous rencontrons le généticien qui nous explique que cette maladie n’a aucune conséquence sur moi (mis à part d’avoir une ménopause précoce) et que le risque est que cette maladie passe en mutation complète sur la génération suivante.
Elle se traduit de manière très variée, de légers retards mentaux à des retards mentaux très lourds rendant impossible la scolarisation de l’enfant le tout avec potentiellement des troubles autistiques.
Mais bon il semble nous rassurer et que les mutations sont aléatoires, et surtout qu’il y a une chance sur deux que je transmette mon X sain.
Surtout il nous propose, une fois que je serai enceinte de faire réaliser une biopsie des trophoblastes pour permettre de réaliser un dépistage de la maladie. L’avantage de ce test c’est qu’il est réalisable dès 12 SA et que si malheureusement le résultat ne serait pas bon je serai toujours sous la barre des trois mois et je pourrais réaliser une interruption par aspiration.
Donc avec le futur papa, on reprend confiance et décidons d’en avoir un.
Je découvre donc avec une joie immense le 19 juin que je suis enceinte.
Commence donc à s’enchainer les rendez-vous chez le médecin, puis chez l’échographe pour vérifier que l’embryon est bien là où il faut.
J’ai découvert donc mon petit bébé qui avait à peine quelques semaines. On voyait déjà les futures cellules de son cœur vibrées.
Jusqu’ici tout allait bien.
Courant juillet je rencontre ma future gynéco qui planifie la biopsie pour le 7 aout et en même temps l’échographie du premier trimestre.
Elle me fait également une échographie de datation et arrête la date d’accouchement au 29 février.
On a plaisanté de cette date avec mon conjoint en se disant qu’on fera des économies de cadeaux

Je passe donc tranquillement les premières semaines de ma grossesse d’autant plus que je ne subis aucun désagrément (pas de nausées rien… le rêve)
Arrive le 7 aout et la rencontre du médecin du CHU et la biopsie…. Ou pas.
Après de longue minutes à regarder mon utérus et notre future bébé (qui semble se porter comme un charme et ressemble déjà tellement mini humain) elle nous informe un peu brusquement que la biopsie va pas pouvoir se faire du fait que le placenta se trouve à l’arrière (et donc inaccessible).
C’est limite si elle me fait pas comprendre que mon désir de faire cet examen ressort plus d’un caprice que d’une nécessité médicale (elle ne doit pas connaitre la maladie non plus celle-là)
Elle nous annonce donc qu’il faut encore patienter un mois pour faire une amnio.
Je me décompose et elle ne comprend pas pourquoi, je pleure.
Elle ne se rend pas compte qu’avec mon conjoint nous attendons avec impatience les résultats des tests pour pouvoir commencer à vivre pleinement ma grossesse.
Donc nous voilà partis en vacances toujours sans réponse.
L’amnio est programmée pour le 2 septembre.
Elle se passe bien c’est moins douloureux que ce que je pensais.
Elle m’annonce au moins trois semaines d’attente pour les résultats donc pour changer j’attends…
Au bout de 3 semaines pas de nouvelle. Je relance le CHU qui m’informe qu’il faut être patient que les cellules ça met du temps à pousser. OK je patiente.
Passe 4 semaines et toujours rien.
Mon conjoint appelle. On lui dit que le délai de 3 semaines annoncé est trop court et qu’en général c’est plus 4/5 semaines.
Pendant ce temps mon ventre grossit.
Je revoie ma gynéco pour le rendez-vous du 4ème mois (on est début octobre)
Petite écho de contrôle, tout va bien. Elle me demande si je veux connaitre le sexe.
Et là j’ai craqué, je me suis rassurée en me disant que les résultats de l’amnio seront forcément bons et j’apprends qu’on va être parent d’une petite fille.
Une petite princesse, je suis folle de joie.
Je me permets de la relancer en disant que j’ai toujours pas les résultats, elle contact le CHU, le service génétique et même leur labo.
Ils doivent la rappeler.
Elle me rappelle le soir pour m’informer qu’elle a eu le gars du labo et que pour l’instant notre fille n’est pas porteuse de la trisomie 21. Je suis contente sauf que ce ne sont pas ces résultats là que j’attends. Nous sommes lundi 5 octobre.
Jeudi le généticien que j’avais vu 6 mois plutôt m’appelle et me dit que ça a un peu merdé et qu’il faut que je vienne le voir le lendemain matin.
Là je découvre l’incompétence du service du diagnostic prénatal (elle y connaissait vraiment rien la médecin de l’amnio)
Mes prélèvements n’étaient jamais partis du CHU pour être analyser (ils ne sont pas équipés pour ce genre d’analyse – en gros ils savent que compter les chromosomes pour vérifier la présence ou non de trisomie)
Et surtout pour que les analyses soient faites il faut me faire une prise de sang.
Le généticien n’ayant pas le courage de m’envoyer dans un labo me la fait lui-même et il me garantit que mon sang sera bien dans le bon labo l’après-midi et il me garantit mes résultats pour au plus tard dans une semaine.
Mais bon il me rassure, étant donné que j’ai une prémutation à 74 répétitions (un X normal en porte moins de 50 et un X complètement muté en porte plus de 200) c’est peu probable que ma petite fille soit porteuse d’une mutation complète…
Je repars rassurer et mon conjoint commence à être confiant.
Nous sommes le vendredi 9 octobre, mon ventre continue de grossir et je commence à la sentir bouger. Mon ventre est même super dur à l’endroit où elle se trouve.
C’est magique.
Passe le weekend, on pense au futur congé maternité, à notre future maison qu’on doit signer le 6 novembre, au moyen de garde et on envisage de le dire à la fille de mon conjoint qui à 8 ans.
C’était sans compter sur ce jeudi 15 octobre. Je suis enceinte de 4 mois et demi, j’ai fait la moitié du chemin….
Il est 11h57, mon portable sonne, le généticien, il a les résultats et souhaite que je passe le voir cet après-midi avant 15h.
Mon sang ne fait qu’un tour, je lui demande si tout va bien, il m’indique que ma petite fille a une mutation complète….
Je m’effondre, mon monde s’effondre je cours dans le bureau de mon conjoint (on travaille dans la même entreprise), il est en réunion, je m’en fiche je rentre quand même.
Il voit ma tête, il a compris.
Je suis dévastée, je saute dans ma voiture et arrive tant bien que mal à rentrer chez moi.
Je hurle de douleur.
Il me rejoint à la maison.
Nous allons à la rencontre du généticien.
Il nous réexplique les conséquences d’une telle maladie. Me parle de pourcentage. Il subsiste une chance que notre fille n’ait pas de troubles mentaux.
Je veux plus jouer.
Jusqu’à maintenant les statistiques n’avaient pas joué en notre faveur.
On décide d’interrompre la grossesse.
Mon dieu je vais devoir accoucher de mon bébé à presque 5 mois
J’ai l’impression de la tuer. De lui mettre une balle dans la tête.
On est en colère contre l’hôpital
6 semaines d’attente à cause de leur incompétence.
Le généticien nous accompagne au service du diagnostic prénatal.
Nous revoyons la sage-femme et la médecin de l’amnio.
La médecin essaye de s’excuser, de nous dire que les erreurs ça arrivent, qu’elle a cru que le labo du CHU savait faire les tests. A un moment elle a même essayé de nous dire que c’était de notre faute si les résultats avaient pris tant de temps.
J’étais catatonique jusqu’à cet instant-là.
Je me mets à leur hurler dessus, je crois que je l’ai traitée de « manche à couilles » et d’incompétente.
Enfin bref, ça ne change rien à la maladie de ma fille
Je suis à 22 SA, la limite où un enfant est considéré comme viable.
Nous pouvons déclarer l’enfant à l’état civil, faire une demande de livret, lui donner un prénom.
Nous ne voulons rien de tout ça. Je veux appuyer sur RESET.
Et la sage-femme nous explique qu’ils vont déclencher l’accouchement que ça peut prendre du temps. (étant donné que c’est mon premier enfant) et que surtout qu’il faut qu’elle naisse sans vie… (mon dieu, je suis en train de me demander si c’est vraiment en train de m’arriver…)
L’interruption est programmée au jeudi suivant.
Ma sœur vient passer le weekend end avec moi et ma mère prend le relai le dimanche soir.
On en reparle avec mon conjoint, finalement j’ai pas trouvé le bouton RESET.
Je veux qu’elle ait un prénom, j’en ai un dans ma tête depuis des semaines et je veux que ça soit le sien. Il est d’accord. De son côté il n’y avait pas encore réfléchi.
On n’a pas pu atteindre le stade où on allait se chamailler sur le choix du prénom.
Je veux aussi qu’elle soit inscrite à l’état civil.
On repasse à l’hôpital le mardi, ils ont eu la décence de changer d’équipe médicales.
On nous réexplique comment ça va se passer. On signe des papiers, je prends des cachets, rencontre l’anesthésiste.
Est-ce vraiment en train d’arriver ?
Puis arrive le jeudi 22 octobre….
Nous arrivons à l’hôpital à 7h30.
Je rentre dans la salle d’accouchement à 8h00. Je pleure. Je prends conscience.
Mon conjoint me rejoint.
On attend.
L’anesthésiste arrive à 9h30 me faire la péridurale. Mon conjoint sort
Je hurle, je sens une énorme décharge électrique dans la jambe.
Ça passe.
La péridurale fait effet rapidement.
10h00 : l’équipe de médecins, c’est le débarquement dans ma chambre, mon conjoint est mis dehors.
Puis tout le monde s’affaire, et je comprends du coup comment un enfant nait sans vie.
Je pleure, la sage-femme me sert fort la main. Heureusement qu’elle est là.
On me met des cachets pour déclencher l’accouchement
Mon conjoint revient. On se sert fort. Et on attend.
La péridurale me fait comater et je commence à plus pouvoir bouger la jambe droite. Bizarre.
Les heures passent. La sage-femme me remet des comprimés toutes les 4 heures.
J’ai une poussée de fièvre, je ne suis pas bien.
Arrive 19h00, toujours rien.
Changement d’équipe, changement de sage-femme.
Je comate toujours, mon conjoint ne tient plus en place. Personne ne lui parle, tout le monde l’évite alors que tout le monde s’occupe si bien de moi.
Il part constamment fumer et boire des cafés.
A un moment il s’en prend à moi, je l’envoie chier.
Il est 21h, on est épuisé psychologiquement et nerveusement, la journée commence à être longue.
A 22h00, la sage-femme me perce la poche des eaux. Et de nouveau des cachets.
J’ai déjà consommé la première péridurale.
A 23h30 elle revient, ma fille est prête à sortir.
Mon conjoint n’est pas là. Ils partent le chercher.
Ouf il arrive.
On se sert fort tous les deux. Et je dois pousser.
Il est 23h41, notre fille nait. Elle fait 640g et 30cm.
Je souhaite la voir, mon conjoint n’a pas le courage.
La sage-femme m’apporte notre fille.
Elle est si petite si belle ma douce Philippa.
Je lui parle, lui dit que je l’aime plus que tout au monde.
Je lui dis que je suis désolée… qu’il faut qu’elle me pardonne.
Ses mains sont si petites, je ne veux pas la laisser.
Mais je me résigne.
A force je ne sais plus quelle heure il est.
On m’emmène dans ma chambre.
Il doit être une heure et demie
Les effets de la péridurale s’estompe, je commence à pouvoir de nouveau bouger ma jambe droite.
Je me réveille vers 7h00 le lendemain, mon conjoint vient de partir travailler.
Comment fait-il ?
Je l’appelle et lui dit que je l’aime.
Je rentre chez moi le vendredi, finalement j’ai fait faire un livret de famille.
Notre fille existe.
Aujourd’hui je suis toujours en congés maternité (c'est bizarre d'y être sans bébé à la maison) mais je souhaiterai reprendre le travail début décembre.
Nous avons déménagé dans notre maison.
Mon corps a repris plus ou moins ses formes initiales.
Un mois après la naissance de ma fille, je me demande si tout ça est bien arrivé. J’ai peur d’oublier, de l’oublier
Je n’ai pas de photo, j’ai ma mémoire et chaque jour je ferme les yeux et je la vois.
Et elle est parfaite.
Voilà c’est tout, je reconnais c’est un peu long comme récit.
Mais cela m’a fait du bien de l’écrire. (Mes mains ne tremblent presque plus)
J’ai lu beaucoup de vos témoignages et je suis épatée par le courage de chacun malgré la douleur qui nous accable et ils me font reprendre espoir quant à une future grossesse.
Merci de les avoir postés.