Je n’ai jamais écrit sur un forum, souvent simple lectrice sans franchir le cap de participer.
Depuis la veille de mon IMG qui a eu lieu ce mardi je vous lis (merci ça m’a bcp aidé) et le besoin d’écrire est devenu une nécessité. Je me lance donc pour essayer de trouver un peu de réconfort et raconter notre histoire en essayant de faire le plus court possible.
J’ai 39 ans, la chance d’avoir 2 petits garçons pleins d’énergie de presque 3 et 5 ans. Nous avons un peu hésité avant de nous lancer pour agrandir la famille. L’envie était forte mais : était-ce bien raisonnable à nos âges, comment accorder temps et attention à tous, la logistique, les finances... La balance penchait quand même vers le oui et surprise je suis tombée enceinte avant même de vraiment nous dire « allons-y ».
Début de grossesse très diffèrent, plus de fatigue, de « gueule de bois », encore un peu de culpabilité vis à vis des aînés car on commence à pouvoir faire bcp de choses et avec un nouveau-né sachant que j’allaite assez lgtps n’allaient-ils pas être un peu lésés. 1ère écho impeccable, la joie des enfants quand on leur annonce, l’enthousiasme de l’entourage, et tous les derniers petits doutes disparaissent. Je me lance « à fond » dans cette grossesse et me fais confiance pour la suite.
Mon échographe me prévient que le tri-test reviendra mauvais à coup sûr à cause de mon âge et qu’on me proposera le DPNI. Le risque 1/150 arrive et ne me préoccupe donc absolument pas. Je fais la prise de sang du DPNI comme une formalité. Une semaine plus tard : rdv d’inscription à la maternité que je connais déjà. Entre souvenirs émus et projections en voyant passer les nouveau-nés dans leurs berceaux, j’ai hâte d’y être. Le lendemain, un vendredi veille des vacances de la Toussaint coup de fil de mon échographe : « le résultat du DPNI fait apparaître une surreprésentation d’ADN 21 il faut faire une amniocentèse pour avoir la preuve chromosomique. Le DPNI est fiable à 99% mais les erreurs de labo ou mauvais dosage ça arrive. Le service de diagnostic anténatal de l’hôpital xxxx va vous appeler au plus vite pour un rdv ». Je raccroche me disant ne paniquons pas, file sur internet (erreur), puis reçoit par mail les résultats « officiels » et là c’est écrit noir sur blanc, en majuscule, « positif à la T21 » l’angoisse commence... J’appelle ma sœur qui est médecin et me confirme que les faux positifs c’est rarissime mais il faut faire l’amnio.
Tout s’effondre début des larmes et des insomnies, WE atroce. Le lundi je décroche un rdv pour une écho génétique sachant bien que même si on ne voit rien d’inquiétant ça ne voudra rien dire... mais j’ai besoin de faire qlq chose, avoir le sentiment que ça avance n’ayant pas de date pour l’amnio. Aucun signe majeur décelé : cerveau, cœur, vessie, reins, cordon, liquide amniotique, tout va bien ... Mais elle note un petit doigt un peu trop penché et les pieds en tongue des signes mineurs qu’on ne relèverait même pas sur une patiente à risque faible. Elle relance pour l’amnio, m’obtient un rdv le lendemain et m’encourage à rester calme en me disant « pas de panique tant qu’on a pas le caryotype sous les yeux, le DPNI c’est du dépistage pas un diagnostic ».
Le lendemain à l’hôpital le ton est différent. La sage femme qui nous accueille récapitule « tri test à risque, DPNi positif à la T21 donc on va faire l’amio... et du coup vous envisagez quoi pour la suite ? ». Elle ne dit pas « IMG » mais c’est bien le sens de sa question ... j’avais encore un peu en moi l’espoir fou d’être dans les 4 cas sur 1000 de faux positifs... je m’effondre.
Trois jours plus tard le vendredi rdv avec la généticienne pour restitution des premiers résultats le couperet tombe, « je n’ai pas une bonne nouvelle c’est bien une T21 ». Le papa connaissait le sexe suite à la 1ère écho mais pas moi je souhaitais garder la surprise pour le jour J. Mon fils aîné voulait absolument une petite sœur. Même si sur cette grossesse (qui se voulait être la dernière) j’étais paradoxalement bien plus détachée du fameux « choix du roi » que sur la 2ème, j’avoue qu’une petite fille aurait été la cerise sur le gâteau. La généticienne nous tend la feuille de résultats et ça me saute aux yeux ... sexe féminin, 2ème claque. Plus subtilement que la sage femme le jour de l’amnio elle nous demande si on avait déjà discuté en tant que couple de notre réaction en cas d’anomalie sur une grossesse. Et oui à froid on s’est tjs dit qu’on ne souhaiterait pas faire venir au monde un enfant dont on saurait à l’avance qu’il y aurait pour lui et l’entourage de grosses souffrances liées à un handicap. Et surtout on ne veut pas faire porter à nos aînés une telle responsabilité après nous.
Rdv de préparation IMG le mercredi suivant et là ça devient concret c’est plus la même chose. Je réalise qu’entre se dire qu’en cas de pblm grave sur notre bébé à naître on renoncera et prendre la décision dans la vraie vie il y a un monde. C’est le début de la culpabilité. Contrairement à une T13 ou T18 la T21 on peut vivre avec, les médias regorgent d’ailleurs d’exemples de trisomiques qui ont « réussi ». Mon bébé bouge, je la sens, je l’aime, on l’aime tous déjà. Je doute car oui ça serait possible même si je me demande aussi quelle vie? marathon médical, quelles complications, quelle espérance de vie, quelle disponibilité il nous restera pour bien s’occuper aussi des plus grands. Au final, c’est bien parce qu’on l’aime ainsi que ses frères qu’on restera sur notre décision mais j’ai d’énormes difficultés à l’assumer.
L’IMG est planifiée le mardi suivant. En attendant j’essaye de prendre sur moi pour les enfants, leur offrir une fin de vacances avec activités et sorties sympas et aussi les préparer doucement. C’est dur car ils demandent à voir mon ventre pour parler et faire des bisous au bébé qui est « malade ». Ils m’ont permis de rester dans le quotidien pendant cette attente et de maintenir le lien avec notre bébé. J’ai alors pensé avec bcp d’émotion et une immense compassion à celles qui traversent cela sur une 1ère grossesse. Malgré tout pas évident de relativiser.
Le matin de l’IMG arrive, dans notre malheur nous avons eu la chance d’être accompagnés par une équipe médicale formidable. Et en particulier une sage femme absolument incroyable, totalement axée sur l’humain, plus psychologue que la psy, elle a été le meilleur guide qu’on puisse avoir dans cette épreuve. Une vraie rencontre. Nous avons bcp pleuré tout au long du travail mais pour moi le plus grand déchirement a été le moment de la délivrance. Pas de souffrance physique avec la péridurale mais devoir pousser comme pour mes autres accouchements pour ne pas sentir un bébé venir au monde mais qlq chose que je n’identifiais pas (le placenta s’étant engagé en même temps), savoir que je ne donnais pas la vie mais la mort. J’étais en énormes sanglots complètement incontrôlables, ça y est c’était la fin.
J’appréhendais de la voir mais j’avais lu des témoignages de parents apaisés par ce moment et à présent j’étais vraiment sûre de vouloir le faire pour ne pas rester sur ce ressenti glauque et un imaginaire qui m’aurait hanté. La sage femme nous a d’abord montré ses empreintes de pieds. Puis nous avons pu la prendre avec nous, si petite, si belle, elle semblait dormir paisiblement. J’ai compris ce que j’avais pu lire auparavant, même si c’est un moment d’une infinie tristesse il y a qlq chose d’apaisant en même temps et l’impression de l’accueillir, l’accompagner. Retour en chambre à 1h du matin. La suite a été plus difficile elle était omniprésente dans ma tête je la voyais tout le temps avec un sentiment de manque énorme et l’impression de l’avoir abandonnée. En dépit de l’épuisement total je n’ai quasiment pas dormi la nuit qui a suivi à l’hôpital ni dans la journée après mon retour à la maison, ni la nuit dernière.
Ce soir, ça continue il est 3h et impossible de fermer l’oeil. Deux jours après, évidemment je ne vois pas encore comment me relever de cette épreuve. J’ai beau être entourée par la famille et les amis, avoir mon conjoint et mes enfants qui me donnent énormément d’amour et de soutien... une part de moi semble être restée à jamais dans cette salle de naissance. Elle me manque terriblement, elle, et pas un 3ème bébé, mais bien elle, je la connaissais déjà même en seulement 4 mois de grossesse. Je voudrais qu’elle soit là et être là pour elle mais c’est impossible.
Nous avons choisi le prénom Belle parce que la « belle de nuit » est une fleur blanche éphémère qui ne fleurit qu’une nuit et aussi parce qu’à nos yeux elle était très belle...
Merci à celles/ceux qui auront pris le temps de lire mon roman, difficile de faire court finalement.
Pensées et courage à tous