Merci Blu! Il m’a fallu un peu de temps pour me « remettre » de ce retour en arrière sur ces souvenirs de cette journée si difficile...
J’ai attendu de me sentir mieux pour écrire cette dernière partie de notre histoire... cette journée si particulière et le retour à la maison, sans mon bébé...

Je ne me souviens pas si j’ai bien dormi cette nuit là... Je me souviens m’être réveillée avec cette sensation qui m’est si familière depuis le 5 décembre... Cette sensation d’avoir rêvé, puis ce dur retour à la réalité quand je réalise que ce n’est pas un cauchemar...
J’ai rapidement pris une douche et MM venait déjà me chercher pour poser la péridurale... C’était dur de laisser ton papa dans la chambre, c’est la première fois qu’il ne m’accompagnait pas et je sentais que c’était dur aussi pour lui.
Je suis arrivée dans une nouvelle chambre, bien plus précaire niveau meubles et deco... L’anesthésiste était prêt, il m’a demandé de m’asseoir dos à lui, de me pencher en avant et ne surtout pas bouger... J’ai déjà eu plusieurs expériences de pause de péridurale car je me suis faite opérée plusieurs fois des genoux, j’en avais gardé le souvenir d’une forte douleur mais j’étais prête! MM s’est mise devant moi et m’a tenu les mains, elle m’a accompagné pour que je respire et que je me détende un maximum pour ne pas bouger... Ça n’a pas du tout été une partie de plaisir, l’anesthésiste a du s’y reprendre à 3X car ça ne marchait pas, j’avais mal et j’avais très peur qu’il ne parvienne pas à la poser et que je souffre ensuite des contractions... Mais MM était là pour m’encourager et il a fini par y arriver, j’étais soulagée, j’ai pu me recoucher et ton papa m’a rejoint, rassuré de me voir sourire...
MM m’a expliqué qu’elle allait me placer une sorte de tampons toutes les 4h, et que j’allais aussi prendre deux cachets à faire fondre dans ma bouche toutes les 4h aussi... Les premières contractions sont vite arrivées, je l’ai su pcq MM me l’a dit car je ne sentais rien du tout... Par contre, mon corps réagissait aux médicaments, j’avais de la fièvre et j’avais des périodes de spasm, de tremblements impossibles à maîtriser... L’attente a ensuite été très longue avant que les plus grosses contactions arrivent... J’essayais de dormir car la fièvre me fatiguait bcp, mais c’était difficile entre la péridurale qui rechargeait régulièrement, le passage des infirmières pour la prise des paramètres et ces périodes de tremblements à peu près toutes les heures où je ne me sentais pas bien du tout... Ton papa a joué à l’ordinateur toute la journée lui, quand il voyait que je ne dormais pas il venait me faire des câlins bien sûr. MM venait nous rendre visite de temps en temps, ils parlaient de tout et de rien, je n’entendais qu’à moitié car j’étais complètement dans le cake...
Vers 18h, MM nous a dit que les contractions devenaient très fortes, mais que mon col ne s’ouvrait pas bcp, que ça pouvait s’ouvrir d’un moment à l’autre, mais que ça pouvait aussi durer encore longtemps... Elle avait fini sa pause depuis un moment, ça faisait déjà 10h qu’elle était là, mais elle voulait rester jusqu’à la fin, elle s’était arrangée avec la collègue suivante pour rester... Nous l’avons remerciée, c’était super de l’avoir eue tout au long de cette journée, nous aurions déjà dû avoir 3 sages femmes différentes en fonction des pauses... Nous lui avons demandé par curiosité combien d’accouchements elle avait déjà eu aujourd’hui et elle nous a répondu 8 ou 10 je ne sais plus, ça nous a impressionné car il faisait tellement calme, nous avions l’impression d’être seuls dans le couloir... Elle nous a expliqué qu’ils nous avaient mis au fond du couloir pour éviter que nous entendions les autres accouchements justement... Je lui ai demandé où j’allais accouché et elle a expliqué que j’étais dans la salle d’accouchement depuis le matin, c’était bizarre j’imaginais les salles d’accouchements beaucoup plus froides et médicalisées... Ça me rassurait qu’on ne doive pas m’embarquer dans une autre salle à la dernière minute...
Vers 20h, MM est revenue avec sa collègue AC qui commençait sa pause de nuit, elles m’ont proposé de percer la poche des eaux pour accélérer le travail, j’ai accepté volontiers... MM m’a dit que visiblement la péridurale marchait bien pcq les contractions étaient fortes depuis un bout de temps et que je ne sentais rien mais que le perçage de la poche pouvait faire mal quand même... J’ai senti quelque chose puis entendu comme un seau d’eau qu’on versait par terre mais je n’ai pas eu mal...
MM nous a alors demandé si nous voulions te voir quand tu sortirais de mon ventre, elle nous l’avait déjà demandé le matin, moi je lui avais directement répondu que oui, mais ton papa hésitait encore, il avait très peur que ton ouverture dans le dos, signe de ton Spina Bifida, ne se voit pas et donc qu’il ait des regrets d’avoir pris la décision d’interrompre la grossesse. C’était un peu irrationnel mais ce qu’on vivait était tellement irrationnel de toute façon que je comprenais la crainte de ton papa... Cette fois, MM lui a dit qu’elle était sur que ça se verrait, et qu’elle pouvait lui confirmer avant qu’il te voit si ça pouvait le rassurer... Il était d’accord! Nous avons convenu qu’elle s’occuperait de toi quand tu sortirais, qu’elle t’emmailloterait dans une couverture avant de t’apporter près de nous, cette façon de te découvrir me convenait, je préférais reprendre mes esprits suite à l’accouchement, et être tout à fait disponible pour te découvrir...
Elles sont alors revenues plus souvent et vers 22h elles ont dit que le col s’était bien ouvert et que ça suffirait sûrement vu que tu étais petite... Effectivement je sentais que mon utérus se serrait, je n’avais pas mal mais je sentais que ça contractait plus fort... Je m’attendais à ce que tout se précipite comme dans les films mais non, il n’y avait même pas de gynécologue... MM et AC surveillait les contractions et m’ont dit calmement que quand j’en sentais une je pouvais essayer de pousser... MM m’a dit très clairement « c’est p-e pas très glamour, mais tu pousses comme si tu allais aux toilettes et ce sera parfait »... Effectivement j’ai poussé deux fois et j’ai senti quelque chose glisser dans mon entre-jambe, j’ai entendu un petit « bloups » puis un long silence... C’était toi ma belle qui était sortie de mon ventre, aussi calme et silencieuse que depuis hier... AC est sortie de la pièce avec ton corps dans les bras mais je regardais ton papa, soulagée que ce soit fini. MM nous a alors confirmé que la plaie dans ton dos se voyait, qu’elle était même assez impressionnante, et que tu avais aussi des malformations au niveau de tes petits pieds... Elle nous a aussi prévenu que le placenta ne t’avait pas suivi, qu’il était toujours dans mon ventre, qu’on allait attendre une petite demi heure en espérant qu’il sorte tout seul, mais qu’on pouvait te voir en attendant... J’avais tellement hâte!
AC est revenu près de nous et m’a demandé si je voulais te porter, j’ai spontanément tendu mes bras vers elle, tu étais enveloppée dans une couverture avec un petit bonnet, elle t’a déposé dans mes bras et je t’ai vue... Si belle... Si parfaitement formée... Tes yeux clos, encore scellés par ta peau... A ce moment précis j’ai été envahie par une bouleversante vague de chaleur dans ma poitrine... Une vague d’amour comme je n’avais ressenti auparavant... J’avais l’impression de déjà te connaître, je te trouvais tellement magnifique avec ton petit bonnet, ta main était en dehors de la couverture, qu’elle grande main avec des doigts longs et fins...
AC s’est reculée et ton papa s’est approché de nous... On a beaucoup caressé ta petite main, et tes joues, ta peau était si fine je t’effleurais plutôt que de te caresser, comme si j’avais peur de te faire mal, de t’abîmer... AC nous a proposé d’enlever ta couverture pour découvrir le reste de ton corps, et la plaie dans ton dos si nous le souhaitions... Nous nous sommes regardé avec ton papa, j’ai répondu que oui je voulais tout voir de ton corps, ton papa a acquiescé... Elle a enlevé la couverture, ton corps était si joli, tu avais une toute petite couche c’était tellement mignon... Elle a retiré ta couche, j’ai effleuré tout ton corps du bout des doigts, ta peau si fine, si fragile... Elle a aussi retiré ton petit bonnet, j’ai pu voir qu’effectivement il y avait une malformation au niveau de ton crâne car ton cervelet était trop petit... J’ai alors enlevé les petits chaussons que tu portais et j’ai aperçu tes petits pieds, tellement mignons, tes petits doigts de pieds étaient tout collés et une de tes chevilles était pliée, mais qu’est ce qu’ils étaient beaux... AC t’a retournée sur le ventre, nous avons alors vu cette ouverture, impressionnante on peut le dire... J’ai ressenti un mélange de tristesse et d’injustice, comment la nature avait pu t’infliger cela, et en même temps tellement rassurée qu’elle ne t’ai pas provoqué de douleurs... Les médecins nous ont affirmé plusieurs fois que dans mon ventre elle ne te faisait pas mal... On t’a ensuite rapidement recouverte avec ta couverture, c’est bête mais j’avais l’impression que tu avais froid... MM et AC sont sorties de la chambre pour nous laisser un moment tous les trois... J’ai proposé à ton papa de te porter un petit peu, je sais qu’il a toujours peur de porter les petits bébés parce qu’il a peur de mal faire, tu étais le plus petit bébé qu’il avait jamais porté mais il semblait tellement serein, c’était très émouvant de vous voir tous les deux... Il t’a remis dans mes bras et nous t’avons encore observé quelques minutes, tu semblais si paisible avec ton petit menton relevé et ton visage si détendu... Tu avais les lèvres de ton papa et mon menton, c’était évident... MM est revenue vers nous et s’est excusée mais nous allions devoir aller chercher le placenta pcq il ne sortait pas de lui même, elle m’a demandé si je voulais te garder près de nous ou si je préférais te revoir après, je lui ai tendu ton petit corps et lui ai dit que je te reverrai après...
La gynécologue est alors arrivée, je ne la connaissais pas et je ne l’avais pas encore vue... Elle a enfilé un énorme gant (comme le vétérinaire que j’avais vu accoucher une vache quand j’étais petite hum) et m’a dit qu’il fallait qu’elle aille chercher le placenta elle-même et que ça n’allait pas être agréable... J’ai eu terriblement mal, elle est allée tellement loin, la péridurale ne faisait plus effet et elle était assez brusque, mais elle m’avait prévenue qu’elle allait essayer d’être le plus rapide possible, et c’était bien comme ça car c’était très douloureux... Elle a retiré le placenta, puis tout s’est accéléré autour de moi, je l’entendais crier des choses à MM mais je n’entendais pas très bien, je ne voyais plus très bien non plus, je sentais que je partais... Effectivement je faisais une hémorragie, je ne sentais que la main de ton papa qui me serrait très fort... J’ai vaguement entendu MM me dire qu’elle allait me faire une piqûre dans la jambe et là je suis revenue à moi, j’ai vu ton papa inquiet comme jamais, il avait eu très peur le pauvre, moi je ne m’étais rendue compte de rien... La gynécologue nous a dit que l’hémorragie était maîtrisée et que tout allait bien... Ils sont partis et MM nous a rapporté ton petit corps... Tu avais déjà un peu changé, ta peau toute fine devenait tout doucement plus foncée... J’étais épuisée et je me rendais compte en te voyant que tu étais bien décédée, que le joli corps que j’avais dans les bras allait disparaître et que je ne te verrais plus jamais... Ces pensées étaient tellement douloureuses que j’ai préféré te dire au revoir à ce moment là... Ton papa était d’accord... J’ai profité une dernière fois de cet amour inconditionnel que je ressentais en te regardant puis je t’ai rendue à MM, le cours très lourd...
MM est ensuite venue nous apporter ta petite photo, ton bracelet, les empreintes de ta main et ton petit pied ainsi que le petit bonnet et les chaussons que tu portais... J’étais heureuse d’avoir tous ces petits objets de toi...
MM était habillée en civile, cela faisait pas loin de 15h qu’elle était là, elle avait l’air épuisée aussi. Nous l’avons remercié mille fois d’être restée près de nous tout au long de la journée... Elle nous a répondu que c’était avec plaisir, avec son grand sourire, cette fille sourit tout le temps, et j’ai adoré être accompagnée de son sourire tout au long de la journée... Nous lui avons aussi demandé de remercier AC, qui a été d’une douceur incroyable lorsqu’on a découvert ton petit corps...
Ensuite nous avons mangé puis nous nous sommes endormis, épuisés et tristes mais remplis d’amour pour toi ma chérie...
Il m’a fallu un peu de temps pour me remettre physiquement, j’avais mal partout et je faisais des chutes de tension dès que je me levais... Finalement la sage femme du jour nous a donné la permission de sortir, nous étions soulagés de sortir de l’hôpital, je ne me rendais pas encore compte combien cet hôpital avait été un cadre sécurisant et comme j’allais me sentir perdue en rentrant à la maison, sans tout ce soutien du personnel soignant...
Nous avons rassemblé mes affaires et sommes partis de l’hôpital, nous avions fait le choix de ne plus aller te revoir à la morgue car nous savions que nous ne ferions que prolonger nos adieux qui étaient déjà si difficiles...
A la sortie de l’hôpital, ton papa m’a dit de m’asseoir le temps d’aller chercher la voiture, il faisait froid mais ça me faisait du bien de respirer cet air frais, je sentais ma poitrine tellement compressée, ma gorge tellement nouée, elle s’est nouée encore un peu plus lorsque j’ai vu un couple sortir de l’hôpital avec un maxi cosy, une grosse peluche et des fleurs... Je les regardais tel un zombie, je sentais que ça me faisait du mal de les voir mais je ne savais plus vraiment pourquoi... Ton papa est arrivé avec la voiture, le couple était déjà parti, je me suis assise sans rien dire, le regard vide et la gorge toujours aussi nouée... Il a démarré, nous avons quitté l’enceinte de l’hôpital et là j’ai littéralement craqué... j’ai réalisé que ce couple rentrait chez eux avec leur bébé mais que toi tu étais restée à l’hôpital, que tu étais décédée et que nous rentrions à la maison tout seul, sans notre petit bébé... Je n’avais pas versé une seule larme à l’hôpital et là tout sortait, j’étais inconsolable, ton papa m’a demandé s’il devait s’arrêter mais je lui ai dit de continuer, j’ai pleuré presque tout le trajet et ça me faisait un bien fou de libérer toute cette émotion accumulée... Nous sommes rentrés à la maison et je me suis couchée dans le divan, enveloppée dans le grand plaid, ton papa est venu se coucher près de moi et nous nous sommes serrés très fort... Tu me manquais déjà tellement!!
Nous avons passé le réveillon du nouvel an tous les deux avec ton papa, nous sommes allés nous coucher tôt car j’étais encore très faible... Le 1er jour de l’an nos parents et nos frères et sœurs sont venus nous rendre visite... Nous leur avons raconté l’accouchement et montré ta photo... Beaucoup de larmes ont coulé mais nous étions tellement fiers de te présenter... Nous avons annoncé à ton parrain et ta marraine que nous les avions choisi, ils étaient bien sûr très émus...
Cette demi heure durant cette soirée du 29 décembre a été la demi heure la plus intense en amour de toute ma vie ma chérie...
J’aurais tellement voulu que ce temps éphémère devienne éternité...
J'aurais aimé t'aimer
Comme on aime le soleil
Te dire que le monde est beau
Que c'est beau d'aimer
J'aurais aimer t'écrire
Le plus beau des poèmes
Et construire un empire
Juste pour ton sourire
Devenir le soleil
Pour sécher tes sanglots
Et faire battre le ciel
Pour un futur plus beau
Mais c'est plus fort que moi
Tu vois je n'y peux rien
Ce monde n'est pas pour moi
Ce monde n'est pas le mien ...
- Damien Saez -