J'ai mis du temps pour trouver la force de venir vous raconter mon histoire, notre histoire.
Je m'excuse d'avance pour la longueur de mon récit mais je vais essayer d'être brève.
J'ai 37 ans et deux enfants. Quelques jours avant mon anniversaire, je découvre que je suis enceinte. C'est plutôt une bonne surprise pour moi, pas franchement pour le papa. Il faut dire que nous traversons une crise sans précédent et mon mari souhaite divorcer, il me l'a dit avant que j'apprenne ma grossesse. Qu'à cela ne tienne je décide de garder mon bébé et il ne s'y oppose pas, mais il ne veut pas s'investir dans cette grossesse...J'ai une grossesse extrêmement difficile mais c'est comme ça pour toute mes grossesses...
Le 3 août je fais mon échographie, tout est ok sauf une clarté nucale à 2,7mm rien d'alarmant mais le gynécologue me propose le tri test. La prise de sang est faite le même jour. Le 24 août le résultat tombe j'ai un risque de 1/56 je m'effondre à l'annonce, le docteur essaye de me rassurer en me disant que ce n'est une estimation, devant mes larmes il me propose une amniocentese avec un confrère car lui il n'en fait pas et m'organise un rendez-vous avec une conseillère en génétique pour le 7 septembre à l'hôpital de Lyon.
Le soir en rentrant chez moi je vais regarder sur internet pour me rassurer ou pas et je vois qu'il y a une nouvelle technique non invasive le DPNI je décide de le faire qu'importe le prix car je ne veux surtout pas prendre le risque de fausse couche car j'en ai déjà fait plusieurs.
Le 7 septembre je demande au papa de m'accompagner car je ne peux pas conduire jusqu'à Lyon. Après le rendez vous je fais la prise de sang. On nous annonce les résultats dans trois semaines.
Le 18 septembre au soir le téléphone sonne et c'est le début de mon cauchemar et le mot est faible... On m'annonce un test positif à la trisomie 21, j’eclate en sanglots je n'arrive pas à croire ce que je viens d'entendre. Devant mes sanglots, le dr me propose un rendez vous pour le lendemain pour faire l'amnio pour avoir un diagnostic à 100% j'accepte je suis alors à 19sa+3.
Avant de faire le DPNI on s'était mis d'accord pour une IMG si le résultat était positif pour éviter une vie de souffrance à notre bébé. Seulement là je réalise que faire une IMG ça veut dire tuer mon bébé et je ne m'en sens pas capable à cet instant. J'en fais part au papa qui naturellement ne comprends pas mon hésitation alors que ça paraît logique notre bébé va être lourdement handicapé donc il faut lui éviter ça... je comprends ça réaction mais moi ça ne me paraît pas si évident que ça d'autant que je ne sais pas réellement ce qu'est la trisomie 21.
Je ne peux pas prendre une telle décision irréversible si je ne suis pas certaine que c'est la meilleure solution pour mon bébé. Je décide alors de me renseigner sur la maladie, je veux avoir toutes les cartes en mains pour prendre la bonne décision pour mon bébé. Je prends rendez vous avec un généticien spécialisé dans le suivi des personnes trisomiques. J'attends beaucoup de ce rendez vous pour m'aider à prendre une décision dans un sens ou dans l'autre...
En attendant je vais passer des nuits entières à lire, à regarder les témoignages sur internet sur la trisomie 21 mais ça ne m'aide pas vraiment, un coup je veux garder mon bébé, un coup je ne veux pas lui infliger une vie de souffrance...
Le 19 septembre je fais l'amnio. Ce jour là je suis en état de choc je réagis comme un robot, j'écoute et fais tout ce qu'on me demande machinalement sans vraiment m'en rendre compte. Mon corps est là mais mon esprit est ailleurs, J'ai bien des questions à poser mais rien ne veut sortir de ma bouche, je n'arrête pas de pleurer. Je m'installe sur la table avant de commencer le gynécologue nous demande si on veut savoir le sexe on dit oui. Il localise le point de ponction puis nous dit que c'est un garçon. On aura les premiers résultats dans trois jours mais l'obstétricien nous fait bien comprendre que c'est juste pour confirmer le DPNI il n'y a plus d'espoir.
De retour à la maison je continue mes investigations je passe entre espoir et désespoir. J'essaie d'en parler au papa qui me fait bien comprendre que si je garde le bébé, je devrais m'en occuper toute seule et ça non plus je ne m'en sens pas capable de lui offrir une vie convenable si je suis seule... je suis complètement perdue et je n'arrive pas à me positionner, mon cœur et ma conscience me disent de garder mon bébé et ma raison me dit le contraire...
Trois jours plus tard je reçois la confirmation du diagnostic. Ce jour là je tombe sur la vidéo d'Eleonore Laloux qui me redonne confiance à un détail près elle a eu ses deux parents pour " mener le combat " avec elle, ce n'est pas franchement le cas de mon bébé...
Le lundi 25 septembre je me rends à mon rendez-vous avec le généticien. Je prépare toute une liste de questions à lui poser pour être sûre de me faire une idée suffisamment précise sur la vie d'une personne trisomique. Ce qu'il va me repondre me fait réaliser qu'effectivement mon bébé a très peu de chance de mener une vie comme je l'imaginais, tout est si aléatoire, si incertain... pourtant mon cœur ne veut toujours pas céder...j'ai besoin de temps pour prendre ma décision je crois que je suis dans le déni. Je décide de poursuivre ma grossesse au moins jusqu'à l'échographie morphologiques pour me décider. Je me dis que si mon bébé n'a pas d'autres problèmes ça m'aiderait à faire le bon choix...
Le 2 octobre je fais mon échographie et là les nouvelles ne sont pas bonnes: mon bébé souffre d'une RCIU sévère, de plus le gynécologue ne voit pas l'estomac du bébé ce qui veut dire qu'il a probablement une atraisie de l'oesophage, il me précise que c'est une malformation opérable dès la naissance... Mais comment envisager infliger ça à mon petit amour lourdement handicapé? Et puis qu'est-ce qu'il vont découvrir d'autres au fil des échographies? Ma conscience vaut il mieux que le bien de mon bébé? Ne serai-je pas une horrible mère d'infliger toute cette souffrance à mon bébé? les questions fusent dans ma tête. Si jusque là j'espérais pouvoir garder mon bébé, là je me rend compte que la nature s'acharne et que je dois accepter l'inacceptable : je dois laisser partir mon bébé c'est la meilleure chose à faire pour lui. Je dois accepter de souffrir à sa place...
En rentrant à la maison j'appelle l'hôpital pour leur dire que je veux finalement l'Img le plus rapidement possible j'aimerais qu'elle ait lieu le vendredi 6 octobre pour pouvoir rentrer et passer le week-end avec mes enfants. Toute est organisé on me donne le rendez-vous pré img pour le lendemain ainsi qu'un rendez vous avec une pédopsychologue pour m'aider à trouver les mots pour annoncer aux enfants... je leur avais juste dit que le bébé était très malade pour leur préparer un peu au pire...
Je ne vais pas dormir de la nuit je parle beaucoup à mon bébé je lui explique pourquoi je dois le laisser partir je lui dis à quel point je l'aime et qu'il sera mon troisième et sans dernière bébé pour toujours. Il aura toujours sa place dans mon cœur...
Arrivé à l'hôpital, la sage femme m'explique la procédure de l'img je n'arrête pas de pleurer, j'espère que je vais me réveiller de ce cauchemar mais il n'en est rien! Elle me demande si je veux voir mon bébé je dis oui, je lui demande si je vais voir les signes de la trisomie à ce terme de la grossesse car j'ai peur de découvrir un bébé parfait et de me dire que j’ai commis une erreur, elle me répond que ça dépend des bébés. Elle me demande si je veux le prendre sur mon ventre je dis oui. Elle me précise enfin qu'elle ne peut pas me garantir que mon bébé sera décédé à la naissance car dans 5% des cas le cœur continue de battre après la naissance mais le bébé ne souffre pas, cette précision me refroidi un peu mais je pense qu’avec le RCIU de mon bébé ça ne sera pas le cas. Elle m'explique qu'on a le choix d'organiser nous mêmes les obsèques de notre bébé ou de laisser l'hôpital les prendre en charge je choisis de laisser l'hôpital s'en charger car je n'y arriverai pas toute seule dans mon état vu le manque d'implication du papa...
Pour finir elle me parle des risques liés, notamment d'hémorragie dans très peu de cas ou de rupture de l'utérus en cas d'utérus cicatriciel ce qui est mon cas mais, ayant déjà eu un déclenchement, elle me rassure en me disant que mon utérus a déjà fait ses preuves. Elle me donne un rdv pour mercredi pour prendre les cachets. Et jeudi soir pour l'hospitalisation. Je n'arrive toujours pas à croire ce qui nous arrive... c'est si difficile de me dire que je vais vraiment me séparer de mon bébé... Puis elle me fait signer la paperasse.
Après la sage femme, je vois là pédopsychologue.
Le Mercredi 4 octobre je vais accompagné du papa prendre mes cachets, je n'ai pas vraiment envie de les avaler mais je me dis que c'est par amour et pour le bien de mon bébé donc je dois le faire, je finis par les prendre. On pose les dernières questions qu'on avait et on retourne chez nous. Arrivée à la maison j'annonce la nouvelle aux enfants je leur explique que je restarais pas longtemps à l'hôpital et qu'ils viendront me chercher samedi avec papa. En suite je prépare quelques affaires pour l'hospitalisation. Je décide d'écrire une lettre d'au revoir à mon bébé. Je fais choisir un doudou par sa sœur et un par son frère pour l'accompagner... je vais passer toute la nuit à pleurer à prier pour qu'un miracle se produise. Je ne veux pas me séparer de mon bébé, je ne veux pas tuer mon bébé et si je commettais une erreur? Je suis de nouveau prise par le doute. Comment je vais pouvoir vivre avec cette décision? Comment je vais pouvoir me reconstruire après ça? Qui suis je pour décider de la vie ou de la mort de mon bébé? Pourquoi à t il fallut que mon bébé soit malade? Et si l'img ne se passait pas comme prévu?... j'ai l'impression de tourner en rond, de devenir folle.
Le lendemain je fais un effort surhumain pour me lever de bonne heure afin de pourvoir dire au revoir aux enfants et leur faire de gros câlins, je ne les verrai pas pendant trois jours.
J'ai rendez-vous à 16 pour la pose des dilapans. En début d'après-midi je ne me sens pas bien j'ai très mal à la tête à force de pleurer et de passer des nuits blanches je prends du *****. Avant d'aller à l'hôpital on fait un détour pour acheter le kit d'empreintes pour notre bébé, en effet je veux avoir le maximum de souvenirs possible de mon petit cœur...
Arrivée à l'hôpital on me pose les dilapans après je dois monter en grossesse pathologique, le papa m'accompagne après mon installation il rentre à la maison. Après son départ je fais une crise d'angoisse tellement j'ai peur de la nuit qui s'annonce. La sage femme me propose des cachets pour m'aider à me détendre et à dormir car la journée de demain sera éprouvante pour moi émotionnellement, j'accepte...
C'est la dernière nuit que je passe avec mon bébé donc je vais en profiter au maximum. Je lui parle à mon bébé de tout ce que j'avais rêvé et imaginé pour lui, de notre vie future, du vide qu'il va laisser dans nos vies... je lui demande pardon de devoir me séparer de lui, je lui dis à quel point je l'aime, je tiens à ce qu'il sache qu'il est le fruit de notre amour malgré ce qui se passe actuellement entre son papa et moi... Bizarrement cette nuit là je ne vais pas beaucoup pleurer.
Le lendemain matin on me conduit dans une salle de naissance à 7h45, puis s'en suit la pose de la péridurale puis la prise de la première doses des comprimés de déclenchement. Je rappelle à la sage femme que je veux que mon fils soit baptisé après sa naissance c'est très important pour moi, elle me promet de s'en occuper.
À 9h30 le papa arrive j'ai des contractions mais je les sens à peine. Une heure après la sage femme rompt la poche des eaux ce qui va accélérer les contractions. Peu de temps après je fais un malaise à force de rester sur le dos, on me met l'oxygène et m'autorise à me mettre sur le côté gauche et ça passe, seulement à chaque contraction je sens que ça coule entre mes jambes je pense d'abord que ce sont les eaux qui continuent de s'écouler sauf qu'à chaque fois y en a un peu plus jusqu'au moment où je sens comme un gros caillot de sang, ça m'interpelle je me dis que ce n'est pas normal ça ne peut pas être encore le bébé, du coup je soulève le drap et je vois que je baigne dans une marre de sang. On appelle la sage femme, qui elle appelle l'obstétricien. c'est la panique je suis en train de faire une hémorragie, mon conjoint en voyant tout ce sang manque de tourner de l'œil, il demande à sortir...
Il y a du monde partout dans la chambre qui me branche de partout, on me parle de césarienne et là je m'effondre en larmes, je ne voudrais surtout pas de césarienne, je veux pouvoir dire au revoir à mon bébé... décidément rien ne se passe comme prévu pour cette grossesse, je n'ai vraiment pas de chance! j'ai l'impression que le bon Dieu me punit pour avoir décidé d'interrompre ma grossesse, je rentre en mode zombie je n'ai plus aucune émotion à ce moment-là je me résigne à mon sort. On me fait une échographie pour voir si la cicatrice n'a pas cedé... on me parle de choses mais je ne les comprends pas je suis en état de choc j'ai envie de me laisser aller et puis je pense à mes deux autres amours qui m'attendent à la maison, je n'ai pas le droit de les laisser sans maman’ je dois me battre. Je me mets à prier dans ma tête pour que l'hémorragie s'arrête... je ne sais pas combien de temps ça a duré tout ça...
Vers midi l'hémorragie est maîtrisée, on me laisse seule tranquille pour dormir un peu, mais je n'ose pas fermer les yeux par peur de ne pas me réveiller...
Vers 13h j'ai de nouveau un malaise car je ne supporte pas la position sur le dos, je me mets sur le côté et de nouveaux je me mets à saigner je suis seule car le papa est allé se chercher à manger. J'appelle la sage femme qui m'examine et me dit que mon bébé n’est plus loin, elle enlève les caillots de sang puis me demande de pousser...
mon petit Lucas né vivant à 13h15 il est posé sur mon ventre il est très beau et ressemble trait pour trait à son grand frère, il n'a aucun signe de la trisomie 21 et ça me perturbe énormément, mes craintes se matérialisent, je pleure, je ne peux pas vraiment d'écrire ce que je ressens. C'est un moment merveilleux mais tellement triste en même temps, je fais la connaissance de mon bébé et je dois lui dire au revoir en même temps...
Le papa arrivera peu de temps après, en voyant son fils il fonds en sanglots en criant " mon bébé!" Ses mots me bouleversent je me rends compte qu'il vient juste de réaliser qu'il s'agissait de son bébé aussi. Nous allons l'entourer de tout l'amour possible qu'on a pour lui. Il est baptisé par l'aumônière de l'hôpital. Nous allons passer un long moment avec lui. Il s'endormira paisiblement tout contre moi vers 14h heure à laquelle il a fait son dernier mouvement. On fait quelques photos puis nous le confions à la sage femme pour l'habiller...
Il nous le ramène une demi-heure plus tard. On va passer encore un long moment avec notre petit ange à l'embrasser, cajoler à lui parler et lui donner tout l'amour qu'on a pour lui. Je lui lis la lettre que je lui ai écrite, on fait encore des photos et lorsqu’on a été prêt, on lui a dit au revoir on a appelé la sage femme qui l'a amené. J'ai senti un déchirement profond en réalisant que c'était la première et dernière fois que je voyais mon bébé.
Les jours et les nuits qui suivent vont être extrêmement difficiles. Mon hospitalisation est prolongée à cause de l’hémorragie, mon conjoint change d’avis sur l’autopsie et l’organimation des obsèques que nous allons organiser nous mêmes le 16 octobre. Ce sera un jour terrible pour moi...
Depuis, je n’arrête pas de faire des cauchemars, je me sens une mauvaise mère je n’ai pas réussi à me battre pour mon bébé... je me pose dix milles questions, j’ai des moments d’absence et malgré le soutien de ma famille et de mes amies et la présence de mes deux amours à mes côtés, je culpabilise énormément. J’ai l’impression que j’ai trié mes enfants, et ça me tué moralement, je suis en train de perdre pieds... je ne sais pas comment me débarrasser de cette culpabilité...
mon bébé me manque tellement...
Lucas mon petit ange je t’aime pour l’éternité