IMG 35 SA

[MarieK]

Bonjour,
mon petit amour est décédé fin octobre 2015, à 35 SA. L’événement n'est pas récent mais le chemin de la reconstruction et du deuil pour moi est long et ce n'est que maintenant que je me sens à l'aise de partager mon histoire avec vous.

En mars 2015, j'apprends avec une énorme joie que je suis enceinte de mon second enfant. Malgré un contexte professionnel très hostile et violent (harcèlement moral au travail) et l'absence de soutien de mon compagnon, je mène une grossesse, certes tendue et fatiguée, mais sans problèmes médicaux.
Début octobre 2015, je me rends à la dernière échographie, accompagnée d'une de mes merveilleuses sœurs (le papa n'a pas souhaité venir). L'échographe m'annonce qu'une « tache » est visible dans le cerveau, probablement une hémorragie, à vérifier avec une IRM.
Commence alors une période terrible de 10 jours où en attendant l'examen, j'essaie de me convaincre qu'il faut rester positif tant qu'on n'a pas plus d'information mais au fond de moi je sens que ce n'est pas anodin.
Je passe l'IRM et là je craque, je m'en veux de faire subir à mon bébé cet examen que je pense être aussi brutal pour lui que pour moi, je réalise que c'est grave et je sens que c'est la fin avant même l'entretien avec la neuropédiatre. Au cours de l'entretien, j'apprends que les dégâts dans son petit cerveau sont terribles et que la grossesse doit être stoppée rapidement mais je ne comprends tout simplement pas, comment arrête-t-on une grossesse près d'un mois et demi avant le terme ? Je visualisais bien ce qu'était une interruption de grossesse durant le premier trimestre mais là je crois que c'était insupportable pour moi de comprendre ce qui allait se passer.
La semaine qui a précédé l'IMG a été horrible, j'essayais de faire comme avant l'annonce terrible, je lui parlais, mon fils (qui avait 1 an ½ alors) câlinait mon ventre, je rencontrais des gens avec mon gros ventre qui me disait « c'est pour bientôt ? » ou alors «  c'est un petit garçon ou une petit fille ? », j'avais juste envie de dire « c'est un garçon et il sera mort le 29 ! » mais je répondais comme si de rien n'était.
Le 29 octobre, à 35SA, je donne donc, non pas « naissance » mais « mort » à mon fils, l'acte a été très traumatisant pour moi, malgré des sages femmes adorables et très délicates. La manipulation prend plus de temps que prévu, c'est une torture qui n'en finit pas. Ma gynéco, très sympa et rigolote d'habitude mais dépassée par les événements je pense, me dit maladroitement que c'est un « battant », comprenez qu'il ne veut pas se laisser tuer, très délicat comme remarque...
J'accouche rapidement de mon fils, que je trouve tellement beau, il est bien formé et tout généreux avec ses 3kg, quel gâchis ! Je n'ai compris l'importance de l'accouchement par voix basse lors d'une IMG qu'une fois que l'ai vécu. J'ai, en quelques sortes, accouché de mon second fils de la même manière que pour mon premier mais avec bien sûr une toute autre histoire.
J'ai passé un petit moment avec lui (le père était « présent »), j'ai immortalisé son souvenir avec quelques photos, puis je l'ai laissé, j'ai eu la sensation de l'abandonner mais je savais qu'il n'était déjà plus là. Ces cendres ont été dispersées dans un beau jardin du souvenir ; j'aime à penser que sa petite âme est entourée d'autres petites âmes au passage furtif mais qui nous apprennent tellement sur la vie.
Un mois après mon accouchement, je me séparais du père de mes enfants, je déménageais le mois suivant et quittais mon emploi quelques mois après.
Aujourd'hui je me sens mieux, je me sers souvent de cette épreuve comme d'une leçon de vie, pour me donner du courage, apprécier la vie où qu'elle se trouve. J'ai toujours des moments où la douleur arrive, inattendue et violente, comme un tsunami, des moments où je me sens encore sonnée de ce qui m'est arrivé, en décalage avec le monde tellement ce qu'on vit est incompréhensible et va à l'inverse de ce qu'on s'imagine de la vie (on ne meurt pas avant même d'être naît!).

Lire vos expériences de vie, que vous avez toutes courageusement déposées sur ce forum, m'aide beaucoup aujourd'hui ; moi qui ai beaucoup réfléchi et parlé avec mon entourage et des psy mais presque jamais avec des personnes ayant traversé cette épreuve si particulière.
J'espère de pas avoir laissé un message trop long mais je voulais témoigner également des difficultés vécues autour de l'événement, notamment dans le couple. En effet ces derniers temps, je lisais souvent des témoignages de personnes qui ont traversé cette épreuve à deux et je me dis que ça peut être utile de parler aussi de la douleur supplémentaire de se sentir seule dans cette période.

Enfin, ce que j'aimerais vous dire c'est que malgré la violence de la douleur, le traumatisme encore présent et les difficultés que cela représente pour mener une vie « normalement », il ne faut pas perdre confiance en soi et en la vie.

Voici l'extrait d'une pensée de Jacques Salomé qui m'inspire beaucoup : « certains bébés, certains enfants se "donnent la liberté" d'apparaître, de seulement apparaître dans la vie, pour insuffler l'envie à l'un de leurs parents de naître enfin ou d'accéder à plus de vie dans leur existence.
Certains enfants, par leur mort subite, invitent... leurs parents à oser un changement qu'ils n'avaient pu envisager jusqu'alors.
Certains enfants ont ce pouvoir de dire par leur présence furtive et fugitive et leur disparition brutale : "Ose ta vie, toi seul la vivra"
Nous pouvons ainsi écouter et entendre le message secret envoyé par ces enfants
dont la présence éphémère nous blesse à jamais si nous restons sourds à leur message d'espoir. »

J'embrasse chaleureusement toutes les mamans endeuillées et j'envoie une pensée pleine d'amour à toutes ces belles petites âmes qui nous accompagnent.

Marie,
maman de K. , né sans vie le 29/10/2015

[Rozenn]

Bonjour MarieK,

J'ai une douce pensée aussi pour ton ange.
Merci d'avoir partagé ce texte, je le trouve très beau.

[Jenimbert]

Bonjour MarieK,
et MERCI... merci pour ton témoignage et ton bel extrait de textes.
Chaque jour je me dis que mon Ange n'est pas arrivé et parti pour rien. La douleur est encore trop récente et trop forte pour savoir pourquoi mais je vais me poser très prochainement et refaire une mise en question pour vivre ma vie et non la rêver.
Je t'embrasse et prends bien soin de toi et des tes proches. Jennifer

[Laura78]

Bonsoir Mariek

Je suis très émue devant ton témoignage.. Je n'imagine même pas la douleur que tu as traversé car je t'ai senti bien seule dans cette horrible tranche de vie...

Je suis complètement d'accord avec le texte sur le fait que ca pousse les parents à un nouveau souffle de vie. J'ai perdu ma fille la semaine passée le 2 août exactement. Cause de trisomie 21. Jai été dévastée lors du verdict, je l'aimais déjà tellement.

Mais je ne voulais pas qu'elle souffre toute sa vie. J'endure moi cette souffrance mais aussi cette épreuve m'a fait vraiment prendre conscience de la chance que j'ai d'avoir des enfants sains. Je profite de leur faire plaisir et de passer plus de temps et de câlinous avec eux. Mes relations avec mon conjoint se sont encore plus renforce , je l'aime encore plus. Et nous voulons absolument retenter de faire un enfant. Pas pour remplacer ou atténuer la douleur, simplement parce que nous nous aimons très fort et réalisons la chance de pouvoir faire ce petit être.

Mais je sais qu'il y a beaucoup de couples qui n'arrivent pas à traverser ça.. et finissent par se séparer. C'est dévastateur comme épreuve ... c'est une douleur qu'on ne peut pas oublier. J'espère que ta vie est belle maintenant car après autant de souffrance , il serait juste que tu sois heureuse.

Je te souhaite pleins de belles choses

[Natange]

Bonsoir MarieK,

la pensée de Jacques Salomé que tu as partagée avec nous correspond très bien à ce que je vis depuis 5 mois. La rencontre avec mon fils m'a permis de profiter encore un peu plus des belles choses qui m'entourent. Merci pour ce partage.

[MarieK]

Bonsoir,
merci pour vos doux messages. En ce qui me concerne j'ai tout de suite donné un sens à cette épreuve en me disant qu'il était temps de vivre autrement et d'opérer les changements nécessaires à une vie meilleure.
Pendant des mois, j'ai mis mon deuil de côté pour pouvoir gérer les changements dans ma vie et surtout parce que mon aîné, lui, était en vie et en pleine forme du haut de ses presque 2 ans ! J'ai repoussé le moment où j'allais devoir vraiment me mettre à travailler sur ce deuil complexe et au fur et à mesure que j'avais plus de temps pour me poser, je me suis autorisé à vivre le deuil de mon fils.
J'ai la chance d'avoir une mère et des soeurs extraordinaires, ainsi que des amis qui m'ont soutenue, ce qui a permis de passer cette épreuve plus sereinement. Et j'ai surtout la chance d'avoir déjà un adorable fils, j'ai la chance d'avoir connu une grossesse et une maternité heureuse et j'ai conscience de l'incroyable chance que j'ai d'être mère d'un enfant en bonne santé!
La déception liée à mon couple n'a pas aidé durant cette période mais je n'étais pas vraiment seule avec une entourage aussi merveilleux !
Aujourd'hui j'apprends à vivre avec cet événement marquant de ma vie, je suis d'accord avec le fait que le temps aide à se reconstruire mais je ne dirais pas que la douleur est moins forte, je le trouve tout simplement moins présente parce qu'on n'a pas que cette idée en tête, la vie reprend le dessus. J'ai souvent eu l'image en tête d'une toile blanche (qui représenterait le néant après le drame) et sur laquelle se trouve un point noir (la douleur), au début on ne voit que ça mais au fur et à mesure, le tableau se remplit et le point est toujours là mais moins visible parce qu'il y a autre chose à regarder.
Je suis très heureuse d'avoir partagé mon histoire avec vous et j'espère pouvoir aider à mon tour prochainement sur ce forum.

Marie

[Natange]

En ce qui me concerne, la douleur m'a rapidement quittée. Pendant un moment est restée la tristesse de la séparation. Tout comme toi, j'ai la chance d'avoir un aîné. J'ai la chance d'avoir vécu deux belles grossesses, même si la deuxième n'est pas allée jusqu'au terme et s'est arrêtée à 20 semaines. J'ai eu deux beaux accouchements. Celui pour mon aîné qui s'est super bien passé et pour lequel je n'ai rien senti du tout. Celui de mon petit ange qui m'a offert la chance de le sentir arriver (sans douleur) ce que je n'avais pas vécu pour mon aîné. J'ai eu la chance de sentir bouger deux bébés; les deux étant de véritables "shooters" et "boxeurs". Ce sont des choses importantes à mes yeux et ce sont ces petites choses plaisantes que j'ai voulu retenir de mon img. Ce tout petit bébé m'a apporté de belles choses même si notre histoire fut beaucoup trop courte. C'est ça qui me permet, aujourd'hui de me sentir bien. Michelangelo m'a apporté du positif. L'amour que j'éprouve pour lui en est encore une belle preuve.