Comment ne pas "rater son deuil"

[Juliesuzanne]

Mon conjoint et moi avons vecus la douleur de l'annonce d'une trisomie 18 puis celle d'une IMG à 20 sa il y a déjà presque 4 mois. J'avais de mon côté beaucoup investi cette première grossesse et j'ai eu des moments tres durs comme toutes ici d'après ce que j'ai pu lire. Mon conjoint a vécu les choses avec plus de recul même s'il a aussi pris cher. Je me retrouve dans beaucoup de témoignages, excepté que, au risque de passer pour une egoiste, je nai pas été triste pour mon bébé à partir du moment oú j'ai su qu'il ne souffrirait pas. Je pense que la vie utérine c'est le pied et je suis heureuse quelque part qu'elle (c'était une fille) n'ait pas eu à subir la naissance et la mort due à ses nombreuses malformations. Je veux dire que jai surtout été triste pour moi et mon ami. Jai trouvé que ce qui nous arrivait était degueulasse, pire qu'injuste. Qu'on était damnés ou un truc comme ça. J'ai la chance d'être tres bien entourée et protégée même si oui, il y a de la maladresse, de l'incompréhension mais cela n'enléve rien à la bienveillance et à lamour des gens. Pourtant je peine à me debarrasser de cette colére et aussi de la peur de lavenir. Il ne m'etait jamais rien arrivé avant et maintenant je vois que la vie nous réserve de sacrées blagues. Jai vu deux psy mais jai arrêté parce que marre de parler et l'impression de perdre mes sous. Ma plus grosse angoisse aujourd'hui est de rater mon deuil. De ne pas m'en remettre, de garder une plaie et de fabriquer des névroses à mon prochain enfant (quand j'en aurai un. J'attends d'aller mieux). Est ce que vous êtes aussi paumée que moi ? Est ce qu'il faut se laisser aller ou bien est ce que je dois continuer le psy, lire des bouquins ou jsais pas quoi...? J'arrive pas à me faire confiance. Je veux faire le mieux pour que cette épreuve ne soit plus qu'une force.

[sophieange]

Bonjour Juliesuzanne
Comme toi j'ai subi une img pour trisomie 21 à 20 sa . Je n'ai pas non plus éprouvé de culpabilité vis de l'img car c'était le seul choix d'amour pour notre bébé à faire mais je suis encore en colère à me dire pourquoi nous et j'ai peur que cela recommence pour la prochaine grossesse même si il y a très peu de chance , c'est la faute à pas de chance dixit les gynécologues . En ce moment , ma peur est aussi de ne pas retomber enceinte mais j'essaye de me raisonner et de me dire que quand mon corps et ma tête seront prêts cela remarchera . Je suis aussi suivi par une psychologue , c'est sur que c'est un cout mais je me sent apaisé de pouvoir en parler , de parler de mon ressenti quand les collègues parlent de leurs enfants ou m'annonce une grossesse donc je continus . Peut être que actuellement tu ne trouves pas cela utile mais quand tu débuteras une autre grossesse tu y retourneras pour calmer tes angoisses. Je ne pense pas qu'on puisse "rater son deuil", on évolue toutes différemment . Il faut surtout être consciente que ce qu'on a vécu est un choc, qu'on peut avoir besoin de temps pour le digérer et que cela peut nous revenir à la figure à n'importe quel moment . Il faut tourner la page sans oublier et y revenir dessus quand on a besoin.
J'ai lu un bouquin je te le conseille: Traverser l'épreuve d'une grossesse interrompue ( fausse couche, img, mort in utero) , Nathalie lancelin huin
J'espère t'avoir un peu tranquillisé.

[Juliesuzanne]

Merci du fond du coeur pour cette réponse. J'ai mis du temps à sauter le pas et participer au forum et pourtant c'est très fort de pouvoir échanger avec des gens qui ont vécus la même chose. Je vais commander le livre.

[Anne2017]

Bonjour juliesuzanne,

Désolée de te lire. Effectivement échanger sur le forum peut beaucoup aider, car cela permet de rencontrer des personnes qui ont vécu une épreuve similaire et si particulière que peu de gens la comprennent.

Je comprends ton angoisse de "rater ton deuil"...J'ai vu trop de personnes être marquées à vie et ressasser leurs douleurs que moi non plus je ne veux pas passer à côter.

Je crois vraiment que ce genre d'épreuve necessite un vrai travail sur soit, apprendre à accepter les coups durs de la vie. Après tout nous n'avons pas de mal à considérer comme normales nos chances, cela peut être la santé, l'amour, la beauté, la minceur, la jeunesse, la sécurité financière, le tout (pour les plus chanceuses d'entre nous)... Alors je fais la liste de ce que j'ai, le soir avant de dormir, et la journée j'essaie de penser à cette épreuve une fois par jour, pour apprivoiser la violence de ce choc. Et au fil de l'eau, je sens que les choses se décantent... Mais c'est très long

[sophieange]

Oui on a toutes hésité un moment ms cela fait du bien de se sentir moins seul

[Natange]

Bonsoir Juliesuzanne,

désolée de t'accueillir ici et de lire ton histoire. Le deuil est vécu de manière différente par tout le monde et il n'y a pas de recette miracle pour sortir la tête hors de l'eau. J'ai perdu mon bébé suite à une img le 08 mars à 20 semaines de grossesse pour t21. J'ai toujours été en paix avec mon choix mais par contre, je n'ai jamais ressenti de colère. Les deux jours les plus difficiles ont été celui de l'annonce de la t21 et le jour où le diagnostic a été confirmé après l'amniocentèse. Par contre, après le naissance de mon fils, je me suis sentie sereine. J'étais très triste d'avoir du lui dire au revoir, c'est certain mais je me suis très vite sentie mieux. J'ai fait le choix de profiter encore un peu plus des petits moments de la vie et de dédier tous ces petits bonheurs à mon bébé. Au début, je n'acceptais pas trop d'aller mieux. Je me disais que ce n'était pas normal et que la réalité risquait de me péter un jour à la figure. Mais très vite, je me suis raisonnée et j'ai accepté les choses telles qu'elles étaient. je me suis autorisée à retrouver le sourire et la joie de vivre.
Maintenant, je pense à mon bébé des étoiles avec le sourire. J'aime parler de lui. Je regarde très souvent ses photos et je suis étonnée de tout l'amour qu'il a pu me donner en si peu de temps. Il me manque mais je l'aime tellement fort.

Je ne sais pas s'il y aura une grossesse suivante. Je l'espère mais nous verrons ce que l'avenir nous réserve.

Je te souhaite de trouver rapidement un peu de sérénité.

[theomom]

Je comprends ta peur.. ma psy me disait que rien que le fait de se soucier de ça, c'est déjà ne pas "rater" son deuil. Alors voilà, prendre chaque jour quelque chose de beau, de positif, accepter qu'on recule parfois, qu'on avance plus vite qu'on ne croit, ou pas assez vite. Le deuil est une autre façon de se découvrir..

[Juliesuzanne]

Merci pour vos mots. Il y a beaucoup de choses qui me soulagent dans ce que vous écrivez.

[Juliesuzanne]

On va se relever

[Anne2017]

Ne pas rater son deuil c'est juste prendre conscience qu'il dure une vie, mais qu'il évolue et change, tout comme nous. Arriver à être en paix avoir lui, afin qu'il ne soit plus souffrance, mais juste une pierre sur notre chemin.

Chaque expérience, chaque étape nous influence, nous sommes des galets dans le lit d'une rivière qui parfois suit un cours tranquille, qui nous laisse évoluer et respirer, et qui parfois devient furieuse et folle, et qui nous modèle, change notre façon d'être.

Je crois que faire son deuil c'est surtout ne pas nier que cette étape nous a blessé à vif, et se demander ce que cette épreuve va nous apporter, pas nous retrancher. Ne pas laisser le deuil uniquement nous prendre quelque chose (notre innocence, notre confiance aveugle, nos désirs, que sais je?) mais en sortir grandie, une femme plus forte, plus consciente, plus elle-même.

En tous cas c'est ce que j'essaie de faire. Transcender le deuil, faire pousser quelque chose sur ma peine et non être étouffée par elle.

Garder dans mon coeur mon petit. Et reprendre ma route, forte de sa présence éternelle.