reprise du travail difficile

[clairette1001]

Bonjour à toutes, à tous,

Je suis intervenue ces derniers temps sur le forum en réponse à certains sujets, aujourd'hui je me lance.
J'ai subi une img le 9 janvier dernier, j'étais enceinte d'une petite fille porteuse de 3 chromosomes 21. Notre petite Sasha est née sans vie à 20SA.
J'ai été arrêtée 4 semaines puis prolongée suite à une opération en urgence (hémorragie par rétention). Bref... ce matin il était temps de reprendre le travail, je suis enseignante en maternelle. Je ne savais pas si j'étais prête mais je culpabilisais tellement de ne plus travailler... Mes élèves étaient tout heureux de me revoir, moi aussi j'étais contente en un sens de les retrouver, mais j'ai craqué et j'ai pleuré devant des parents. Je crois que ce retour dans le monde du travail m'a renvoyé violemment la réalité en plein visage, à savoir que notre petite Sasha n'est plus là. Je suis rentrée chez moi, en pleurs et honteuse d'avoir échoué. Que vont penser mes élèves? Ils étaient si contents de me revoir et je suis repartie au bout d'une demi-heure... Que vont penser les parents d'élèves? Quand est-ce que je serai prête? Une collègue m'a conseillé de prendre des anti-dépresseurs, mais je n'en ai pas envie, je veux vivre mon deuil sans aide médicamenteuse. Je suis actuellement un parcours de reconstruction avec une association, mais je pense qu'il va falloir que j'envisage un suivi psy.
Je voudrais savoir au bout de combien de temps vous avez été prêtes à reprendre votre activité professionnelle? Comment ça s'est passé?
Je me dis qu'à deux semaines près, j'aurais bénéficié d'un congé maternité qui m'aurait permis de faire mon deuil sans le stress de la reprise du travail. Avant l'img, je ne comprenais pas l'intérêt de ce congé maternité sans bébé. Maintenant je le perçois comme une reconnaissance de notre statut de maman et le moyen d'avancer dans le deuil sans la pression du monde du travail.
Merci de vos réponses et témoignages.
Claire

[hma24]

Bonjour,
en 2013 après me première IMG , j'ai repris le travail trop tôt aussi (environ 2 mois et demi après ) . Je suis infirmière puéricultrice , je travaillais alors aux urgences pédiatriques ou en médecine chez les nourrissons. J'avais voulu reprendre avant la fin de mon congé maternité car j'étais à l'époque contractuelle et j'avais peur de perdre mon poste. Mais chaque jours je pleurais , soit chez moi le soir , soit au travail devant mes collègues et après , il fallait retourner travailler . Cette reprise ne m'avait pas fait du bien du tout , c'était tout simplement trop tôt je pense avec le recul . Mais c'est vrai qu'il y a un côté un peu culpabilisant , et la pression des gens autour : " tu es encore en arrêt ? " non non en congé maternité ... bref pas facile . Aujourd'hui je viens de subir une deuxième IMG il y a 15 jours , et je suis en arrêt car j'ai accouché à 21 SA. Je suis directrice adjointe en Créche , et la reprise m'angoisse beaucoup . Je n'ai pas du tout envie de m'occuper des bébés des autres alors que moi j'en ai perdu 2 , j'ai aussi très peur du regard ou des questions des parents qui savaient que j'étais enceinte car j'ai été arrêté dès le début de ma grossesse du fait des antécédents ... donc je vais m'écouter et attendre d'être prête cette fois ci même si effectivement d'un côté je me dis que je ne vais pas rester éternellement sans travailler . Le fait de travailler auprès d'enfants en bas âge complique évidemment la reprise , donc écoute toi , remets toi en arrêt si tu as besoin le temps qu'il faut ... les enfants de ta classe vont vite passer à autre chose, les parents comprendront ou pas , mais ce n'est pas ça le plus important, prends soin de toi ! Ta collègue te parle d'anti-depresseur parce qu'elle n'a aucune idée de ce que tu vis je pense même si elle veut t'aider ... voilà mon témoignage , bon courage à toi

[clairette1001]

Hma,
Merci pour ton témoignage. Effectivement, quand on travaille devant des enfants, il est très difficile voire impossible de faire semblant. Je comprends que ton poste en crèche te renvoie douloureusement à l'absence de tes petits Hugo et d'Arthur. Je pensais être à peu près prête mais le mental m'a lâché devant témoins et je le vis comme un échec. Une pression de plus pour la prochaine fois où j'aurais forcément peur que cela se reproduise. Je pense que si je travaillais dans un bureau, ce serait moins compliqué mais quand on a des enfants à gérer ça implique d'être vraiment remis.
Je suis peinée d'apprendre que tu as subi une deuxième img récemment. Tu ne bénéficies pas d'un congé maternité et je vois que tu penses déjà à la reprise et que cela est source d'angoisse. Alors toi aussi prends soin de toi et ne brusque pas les choses, même si on se sent moins tranquille quand on bénéficie seulement d'un arrêt maladie. C'est dur, cette non-reconnaissance de ce que l'on a vécu...
Bien à toi,
Claire

[Hannaya]

Je suis intérimaire, j'ai été mise en fin de mission dès qu'ils ont su pour ma grossesse! Je viens de subir une img, et je sais que je ne suis pas prête de retourner travailler là bas, je ne suis pas prête tout court. Je ne suis même plus capable de me concentrer, je peux fondre en larmes en moins de 10sec...
Si j'avais été en mission j'aurais eu 1mois d'arrêt... Comme si ce qui était arrivé n'était pas si grave... Même à 3mois de grossesse, j'ai porté ce bébé...
Alors, j'ai envie de prendre le temps, le temps de me "remettre" de cette épreuve, de changer quelque chose dans ma vie ! Prenez le temps pour vous les filles... La vie nous a arraché quelque chose de cher, que jamais rien ne remplacera, alors oui on a besoin de temps... Et surtout si vous travaillez avec des enfants...

[djo]

Bonjour,

J'étais à 31 sa, j'ai donc eu le droit à mon congé mater. Au début je me disais que ces 16 semaines allaient être longues et puis il y a le cap des un mois, le mois suivant c'était ma dpa et le dernier mois les premiers résultats d'autopsie. Donc j'ai vraiment eu besoin de ces 16 semaines. Physiquement puisque je ne faisais plus les mêmes choses au rythme d'avant grossesse, il fallait récupéré et puis moralement les pleurs quotidienne...
ma reprise s'est relativement bien passé, j'apprehendais ce retour. Mes collègues faisaient attention peut être un peu trop puisqu' au début je me demandais si tout était bien réel. On ne me parlait pas de mon fils, j'avais l'impression d'avoir rêver que j'avais été absente je ne sais où pendant 4 mois et que je revenais. Quand je rentrais je regardais les photos de mon fils accroché sur mon mur et je me disais que je n'avais pas rêver, qu' il avait exister. C'est assez déstabilisant comme sentiment. Puis la vie reprend son court les collègues parlent de leurs enfants, ne faisant plus trop attention et je peux te dire qu' au moment des fêtes de fin d'année cela a etait très dur.
Je viens de changer de service personne n'est au courant de mon histoire et quand on me demande si j'ai des enfants le fait que je dise qu' il est décédé sa fait un froid on ne s'attends pas forcément à celà.
en tout cas il faut du temps pour essayer de remonter la pente, prend le temps qu' il te faut. Le travail on y est longtemps dans une journée donc c'est important d'aller mieux pour pouvoir y retourner.
Bon courage.
Doris

[clairette1001]

Voilà, j'ai vu mon médecin qui m'a arrêtée jusqu'au 1er mai prochain. Il ne m'a pas parlé d'anti-dépresseurs mais d'un suivi psy, ce que je vais faire.
Finalement, Doris, j'aurais été arrêtée environ 16 semaines tout comme toi. Je vais m'attacher maintenant à laisser partir ma petite fille, à lui donner sa juste place. Je vais essayer de retrouver peu à peu le sourire, prendre plaisir dans les choses simples de la vie, m'occuper au mieux de mes autres enfants qui voudraient retrouver leur maman "d'avant".
Je comprends que les gens soient mal à l'aise quand on évoque nos bébés décédés, le deuil périnatal c'est encore un gros tabou et souvent les personnes en face de nous sont gênées, prises au dépourvu et ne savent pas quoi dire. Les choses évoluent peu à peu mais la route est encore longue. Peut-être qu'à nous toutes, les mamanges, ont pourra faire un peu bouger les choses en parlant de ce qu'on a vécu, ce que l'on a ressenti, ce qui nous a blessé, et surtout en faisant en sorte que nos bébés ne tombent pas dans l'oubli.
Dans notre jardin nous avons planté un arbre ("l'arbre de Sasha") pour avoir un endroit où nous recueillir en pensant à elle. Et puis j'ai commandé son portrait à un illustrateur portraitiste qui fait des choses magnifiques à partir d'une photo. Comme ça elle pourra figurer avec les photos de famille, parce qu'elle fait partie de la famille, quoi qu'on puisse en penser )

[sardine]

Bonsoir,

La reprise du travail approche pour moi aussi. J'avais été arrêtée fin janvier, dès l'annonce de la trisomie de notre petit Rémy, j'étais anéantie, travailler m'était impossible. J'ai accouché le 15/02 et ai été prolongé jusqu'au 10 mars. 6 semaines d'arrêt en tout. J'ai rdv avec la sage femme vendredi, je vais certainement reprendre le travail lundi. J'appréhende cette reprise, peur du regard des autres, de leur comportement, vont ils m'en parler ou pas, vais je plus avoir du mal avec mes collegues proches ou finalement avec les autres .... mais je sens que j'ai besoin de reprendre mon activité, mon conjoint est souvent absent et j'ai l'impression de passer mon temps à l'attendre. Malgré cette douleur, je dois reprendre ma vie là ou elle était avant ce bébé qui s'est envolé.
Courage à vous.

[clairette1001]

Sardine, je te trouve bien courageuse de reprendre le travail après seulement 6 semaines d'arrêt.
Quel est ton travail?
Moi j'ai eu besoin longtemps de rester dans ma bulle, sans voir personne, et puis finalement 8 semaines d'arrêt ça n'a pas suffi...

[sardine]

Clairette 1001,

Je travaille au ministère de la justice, je ne travaille pas avec les enfants donc ça doit aider aussi. reprendre le travail dans un milieu enfantin doit être vraiment une épreuve. Quand on voit que la vue d'un bébé ou d'une femme enceinte dans la rue, une pub, les magasins .... tout nous rappelle à nos anges.
Jusqu' à mon img j étais anéantie, ce bébé si désiré allait s'envolé. Très dur le jour de l'accouchement, laisser partir notre petit Rémy, des pleurs incessants avant et après. Mon coeur arraché en partant de la mat et laissant mon bb dans cette chambre froide. Pendant 10 jours, je ne voyais aucune issue, je passais mon temps à pleurer. <je culpabilisais d'avoir laisser partir Rémy (toujours d'ailleurs même si j'espère avoir pris la meilleure decision pour lui) et d'être dans cet état là devant mes enfants. Mon conjoint était absent pour son travail, je me sentais si seule et à la fois souhaitais rester dans ma bulle, je refusais de voir qui que ce soit. Mon conjoint est revenu et j'ai commencé un suivi psy, je pense que ces 2 choses m'ont aidé petit à petit à moins pleurer. J'ai toujours très mal, je pleure encore mais j'avance petit à petit tout en pensant très souvent à mon petit Rémy que je ne pourrais jamais prendre dans mes bras. Peut être que l'éventualité d'une autre grossesse m'aide à avancer, sans pour autant remplacer Rémy, car personne ne volera sa place, il a sa place à jamais dans nos coeurs mais nous aimerions tellement que la vie gagne.
Peut etre que je me trompe .... que ma reprise est tôt et j'en peux plus de ce temps qui ne passe pas, de l'absence de mon conjoint, de ces 4 murs .... alors oui je vais essayer de reprendre une activité professionnelle .... je verrais
Clairette, essaies tu d'occuper tes journées, sors tu un peu ..... courage

[clairette1001]

Sardine,
Oui je sors un peu, seule. Je lis beaucoup. J'ai encore vraiment besoin de solitude. Je chemine doucement. Je vois que je progresse car, en prévision de ma reprise, j'avais préparé ma classe, réfléchi à des projets, alors qu'il y a peu j'étais incapable de mener une activité intellectuelle. Et puis je recommence à être une maman pour mes deux plus jeunes enfants, je fais de petits jeux avec eux, des câlins, on bricole, on lit des histoires... je leur redonne une place alors qu'après l'img il n'y avait de place dans mon coeur que pour ma petite fille perdue.
Je reprends aussi contact peu à peu avec mes proches, mes amis.
Je pense que si je travaillais dans un bureau, sans interlocuteur direct, je serais capable de reprendre mais là, avec des enfants, j'étais complètement dépassée par leurs sollicitations presque incessantes, les petits conflits à gérer, j'étais comme au ralenti, anesthésiée, carrément pas à ma place, en total décalage avec la situation.
On évolue toutes à notre rythme en fonction de notre vécu, notre personnalité, le soutien que l'on peut recevoir, les ressources dont on dispose.
Pour moi, Sasha était la fille que je n'attendais plus, que je n'espérais plus (j'ai 3 garçons) et cela rend le deuil est peu plus compliqué pour moi.