Pour toi mon Victor

[helene57]

Bonjour à toutes et à tous,

Je ne suis pas nouvelle sur ce forum (enfin sur l'ancien).... Mon fils Victor s'est envolé en 2012. Je reposte ici notre histoire, si cela peut servir à d'autres mamanges...

Je l'ai posté trois mois après son enterrement...

C'est mon récit pour toi, mon petit Victor...

"Cela fait trois ans que ton père et moi avons pris la décision d’avoir un enfant ensemble. Malheureusement cela a pris du temps. Après deux grossesses qui n’ont pas aboutit, nous avons fait de nombreux tests qui nous dirigeaient vers les traitements hormonaux pour commencer une insémination artificielle, et nous voici en Janvier 2012.
Que c’est long, mais le bout du tunnel arriverait-il enfin ???
Je commence les traitements et l’insémination artificielle ce mois-ci.

17 Janvier
Quelle surprise, lorsque j’attends l’arrivée de mes règles qui n’arrivent pas.
Et oui, le test de grossesse est positif, tu es là…

26 Janvier
Premier rendez-vous chez le gynéco, première échographie, je suis enceinte de 3 semaines, il est trop tôt pour voir ton petit cœur battre, mais on te distingue.
A suivre, deuxième écho le 24 février…

2 Février
Je commence le second mois de grossesse. Les nausées sont bien présentes….Ma poitrine augmente et est douloureuse, mais ce n’est que du bonheur de sentir que tu es là… Je modifie peu à peu mon alimentation pour manger mieux.

Deuxième mois (5/02 – 04/03)
5 Février
Nausée quand nous tient… Bizarrement, j’ai des nausées plutôt le soir. J’attends avec impatience l’échographie du 24, encore trois semaines… Du coup, j’en serai à la fin du deuxième mois. Ce qui me fait attendre, c’est qu’on va pouvoir voir ton petit cœur battre. A Suivre…

24 Février
Nous y voilà… L’échographie qui a tout changé…La première fois que l’on t’a vu, ton petit cœur qui bat, et on te voit déjà bouger…Tu mesures presque 3mm et ton cœur bat à 169 battements par minute…
Je suis enceinte de 7-8 semaines..
Rendez-vous est pris pour l’échographie des 3 mois le 12 Mars.

Troisième mois (11/03 – 01/04)
Quatrième mois (08/04 – 06/05)
Cinquième mois (13/05 – 03/06)
Sixième mois (10/06 – 01/07)

Je n’ai pas écrit ces quatre mois, car je te parlais directement et que j’ai eu pas mal de « petits » maux, surtout digestifs… Ce n’était pas la grande forme physique, mais tu étais là, et j’étais tellement heureuse que ces petits inconvénients ne prenaient pas toute la place.
L’échographie des trois mois s’est très bien passée. Tout était normal, tu bougeais déjà énormément. C’était bizarre de te voir si actif alors que je ne sentais pas encore tes mouvements.
On a fait notre petit bonhomme de chemin ensemble et puis il y a eu l’échographie du cinquième mois.
On était heureux ton père et moi, détendu de t’avoir vu plusieurs fois.
Tout se déroulait normalement, on a su que tu étais un garçon !!! Quelle joie de voir ton petit zizi !!
Mais à la fin, la sage-femme parle d’image bizarre, à recontrôler. Nous sommes le 29 mai.
Le monde s’écroule autour de nous. La sage-femme se veut rassurante, mais je sens que quelque chose de grave peut se passer. Rendez-vous est pris dans 3 semaines pour voir LA pro qui nous dira si on s’inquiète pour rien ou pas. On ne profite même pas de cette magnifique nouvelle. Tu es un garçon !!

Le 12 juin nous retournons à l’hôpital pour cette fameuse échographie. Et là, BOUM… Le verdict tombe, tu as une atrésie duodénale. Une malformation qui devra être opérée dès ta naissance. Mes beaux rêves d’un accouchement en douceur dans une petite maternité de campagne s’écroulent. Tu devras naître à Nancy pour être pris en charge en chirurgie puis en réanimation… Le médecin nous dit que l’accouchement sera surement prématuré, car je vais avoir trop de liquide amniotique. Chose qui sera aggravé par le diabète gestationnel que j’ai contracté…
Et puis on nous donne rendez-vous avec une généticienne, pourquoi faire ? On surfe sur le net, et là, on découvre que cette malformation peut être liée à une maladie génétique.

Le 15 juin on voit la généticienne qui parle de trisomie 21. Je sens que l’heure est grave…Je pleure beaucoup… Et ça ne fait que commencer.
Puis tout s’enchaîne. Je dois faire une amniocentèse pour confirmer ou infirmer ce terrible diagnostic.

Le 21 juin je fais l’amniocentèse. Ton père m’accompagne. Le geste est douloureux, mais je te vois sur l’écran, tu es là, tu bouges tellement que le gynéco pique 2 fois pour ne pas te blesser.
Et là c’est l’attente des résultats. Je te sens bouger, tu sembles aller bien.
Tes grands-parents passent le week-end chez nous avec Chantal, ça nous change les idées. Je dois rester tranquille pendant quelques jours. Je me repose. Je pense à toutes les éventualités, tout en me disant que tu vas bien. Qu’il ne peux rien t’arriver.

Le 25 juin, le téléphone sonne. C’est mon gynéco qui me donne les résultats. Je m’assois et j’entends « ce n’est pas bon »…. Le test est positif. Mon fils est trisomique.
Le choc, les larmes. L’angoisse d’annoncer ça à ton père et à toute la famille.
J’avais envisagé le pire sans y croire. Mais c’est la P…. de réalité.
Dans la foulée le gynéco me donne la date du rendez-vous chez la généticienne pour parler des « options ».

Tu es là, dans mon ventre, au chaud. Tu bouges comme pour me dire « je suis là »… Que c’est dure comme décision.
Tu es malade, tu seras grandement handicapé, tu devras être opéré dès ta naissance qui sera certainement prématurée… comment prendre une telle décision ? Comment décider de la mort de mon enfant, mon fils tant aimé, tant désiré ?

Le 28 juin, nous parlons de tout cela avec la généticienne. Notre décision est prise. Nous refusons de t’infliger une vie de souffrance. Nous choisissons d’interrompre ma grossesse. Le cœur brisé, mais par amour pour toi, nous décidons de souffrir à ta place mon petit amour.

Pendant 10 jours nous essayons de profiter de toi, même si on doit se faire à l’idée que tu ne vivras pas, tu es là, dans mon ventre, toujours en mouvement, comme pour me demander « pourquoi ? » .
Je t’aime mon petit Victor, car oui, on a décidé de te donner un prénom fort, un prénom victorieux. Mais ça ne t’a pas aidé malheureusement.

Septième mois (08/07 – 29/07)
Rendez-vous est pris le 9 juillet avec une sage-femme qui nous explique le déroulement de cette IMG. Quel mot horrible. Elle est douce et compréhensive.
Alors que je devrai commencer la préparation à l’accouchement et penser aux faire-part, je vais avec ton père chez les pompes funèbres pour te choisir un cercueil, un tout petit cercueil blanc où tu reposeras.
Mon fils va mourir.

Je rentre à l’hôpital le mardi 10 juillet en fin d’après-midi. Tes grands-parents sont avec nous. Ton père dort avec moi à l’hôpital. On s’échange ce petit doudou que Caro et Alex t’ont offert pour qu’il s’imprègne de notre odeur à tous les deux. Je pleure, mais je n’y crois pas.
Le lendemain, le 11 juillet, on m’emmène au bloc opératoire à 8H30.
Je te sens bouger. Est-ce que tu sais que tu vas mourir ? Je pleure.
Péridurale et cérémonial du bloc.
Je me réveille, paniquée. Pourquoi est-ce que je me réveille ? Où suis-je ? Je tourne ma tête dans tous les sens. Quelle heure est-il ? Je vois qu’il est 10H20… La gynéco se penche vers moi et me dit que c’est fait. Quoi ? Qu’est-ce qui est fait ? Pourquoi on m’a endormi ? Je suis révoltée, en colère. On ne m’avais pas dis que je ne pourrai pas te dire adieu… Pleine de colère et de larmes on me change de lit et on me descend en salle d’accouchement. Je ne sens pas mes jambes. Ils ont triplé la dose ou quoi ?
Je retrouve un peu de sérénité en voyant ton père qui m’attend, les larmes plein les yeux. Mon cœur est brisé à tout jamais.
La sage-femme arrive avec ces médicaments pour déclencher le travail. Il est 11H. Je suis là, étendue dans ce lit et j’attends. J’ai l’impression qu’en recouvrant mes sensations je te sens bouger, mais ce n’est pas possible. Tu es mort. Ton petit cœur s’est arrêté, sans que je le vois.
14H. Deuxième prise des médicaments. Il faut percer la poche des eaux pour « activer le travail », mais je ne veux pas, je veux te garder au creux de moi. J’ai tellement mal quand la sage-femme me brutalise avec ses accessoires pour percer cette poche.
17H. Troisième prise des médicaments. Ton père sort fumer une clope, il est déconfit, fatigué, épuisé, triste.
17H15. Je commence à sentir que tu descends, puis tout s’accélère, j’ai mal au ventre, tu veux sortir mais personne ne se presse autour de nous. J’ai mal, je ne veux pas pousser, je veux te garder tout contre moi. J’ai mal. Je pousse, je sens que tu descends puis tu sors.
Il n’y a pas un bruit. Juste les paroles réconfortantes des sages-femmes. Elle te prend, elle te couvre et t’emmène loin de moi. Il est 18H14. Mon fils est né. Mon fils est mort.
LA délivrance arrive, mais le placenta n’est pas entier, alors il faut me faire une révision utérine. Ton père doit sortir. Et j’attends. Je regarde le plafond pendant qu’on rentre en moi, qu’on enlève tout ce qui peut rester de toi, de ma grossesse.
J’attends de voir mon fils, mon bébé.
Et enfin, je te vois. Je te prends dans mes bras, je te cajole. Je promets à ton père que la prochaine fois ce sera des larmes de joie qui couleront sur nos joues.
On profitera de ce moment à trois. Ce si court moment pour profiter de notre famille. Juste quelques heures tout contre toi, avec ta maman et ton papa.
Que ta peau est douce. Tu es si beau. Ton visage est serein, signe que tu t’es endormi paisiblement, j’aime le croire.
3 heures avec toi. Les plus difficiles et les plus douces de ma vie. On te regarde, on te touche, on t’étreint, on t’habille, on te prend en photos.
Je caresse ton petit visage avec mon doigt, humide de mes larmes, pour que tu partes avec un peu de moi.
Nous sommes épuisés de cette longue journée, effondrés par la douleur de te perdre, mais tellement apaisés de te voir enfin. De mettre un visage sur ton prénom. Victor, notre fils. Grâce à toi nous sommes parents, nous avons une famille. A présent tu fais partie de notre famille.

Le 17 juillet nous descendons à Cornas. C’est ici que tu seras enterré mon petit amour. Tu seras avec tes arrières grands-parents, entouré du chant des cigales et du soleil… C’est une journée de larmes, de tristesse, mais aussi une journée de retrouvailles avec mes amis qui sont là pour nous soutenir.
Nous te rendons hommage et nous t’intégrons dans notre famille. Tu seras toujours le premier petit-fils de la famille!!

Huitième mois (05/08 – 02/09)
Tu n’es plus là, mais j’ai besoin de t’écrire mon doux amour. Nous sommes le 29 août 2012. Je pense à toi tous les jours, je pleure beaucoup. Je pleure mon amour pour toi.

J’ai perdu mon fils, le rêve d’une famille heureuse. Je rêve de tes cris parfois. Pleurs d’un bébé tant aimé. J’aurai voulu t’allaiter, te porter, te cajoler. Te transmettre les valeurs chères à mon cœur. T’apprendre la tolérance, l’amour de l’autre. La dureté de la vie, mais qui vaut la peine d’être vécue. Même si j’ai du mal à voir les bons côtés en ce moment, je garde une toute petite lueur d’espoir de voir s’agrandir ma famille.

Nous attendons le rendez-vous chez la généticienne pour savoir si nous pouvons espérer ou non…

Je t’aime mon petit amour (et oui, ce sera toujours ton père mon grand amour)…

Neuvième mois (09/09 – 30/09)
Nous sommes le 17 octobre 2012… Tu aurais dû naître début octobre, au lieu de ça, aujourd’hui, cela fait 3 mois que nous t’avons enterré…
J’écoute les chansons que nous avions choisies pour ton enterrement (Quel mot horrible).

Je pleure toujours beaucoup. Mais je suis heureuse car nous communiquons bien avec ton père. Lui aussi pleure, moins souvent que moi (les hommes et les larmes). Lui, a la chance de travailler, ça lui occupe l’esprit. Moi je n’ai pas cette chance. Je reste cloitrée dans cette grande maison vide et silencieuse.
Je sais que ce temps est important et que de toute façon je ne pourrai pas assumer mon travail. Comment aider des personnes à faire leurs deuils alors que le mien n’est pas encore fait.
Je pense beaucoup à toi. Je regarde le ciel la nuit et lorsque j’ai la chance de voir les étoiles (et oui l’automne en Moselle n’est pas sans nuages), je me questionne sur une vie après la mort. Ton père aime te penser comme notre ange gardien. Si c’est le cas, j’espère de tout cœur que tu nous aideras à te faire un petit frère ou une petite sœur… Nous savons à présent que ta maladie était le destin, le hasard…Peu importe.
Nous avons tant d’amour à donner.
Je t’aime mon fils…"


Trois ans plus tard, Victor est grand frère... D'une petite Célia qui illumine notre vie.
Je pleure quelquefois en évoquant Victor, surtout à l'approche de certaines dates, son anniverciel, son enterrement, sa DPA,, les fêtes de fin d'année....
J'espère que mon écrit pourra vous montrer, à vous les courageux mamanges et papanges, que l'espoir est là, même lorsque l'obscurité a envahit notre vie, il existe une lueur au bout du tunnel, même si elle est vacillante...

La grossesse suivante est difficile, mais aide aussi à avancer.. Alors écoutez-vous, mais ne vous précipitez pas. Prenez le temps de la douleur et des larmes, il est épuisant, déprimant, mais nécessaire, car pleurer son enfant est aussi une façon de le faire exister...

Pour lui, pour moi, pour nous, pour sa sœur, qui le fait exister, et court vers sa tombe au cimetière à présent.
A vous mamanges, ne perdez pas espoir et n,hésitez pas à écrire votre histoire ici.
La vie fait que je ne lis pas tous les posts, mais je réponds volontiers aux messages.

Doux baisers à nos anges, que j'imagine réunis sur leur petit nuage...

[Lilijade69000]

Bonjour Hélène,

Ton parcours est une vraie leçon de vie mais aussi une vraie revanche. J'aime les happy ends. Je ne vous connais pas mais je suis contente pour ton mari et toi.
Je comprends alors en lisant que la t21 de Victor a été décelé tardivement à une écho. Moi j'ai eu une amnio au début du 4ème mois car les résultats des marqueurs sériques étaient mauvais. J'ai donc accouché à fin du 4ème mois.
J'ai une pensée pour votre petit Victor qui veille sur votre jolie famille.
Je croise les doigts pour vous.

Merci d'avoir posté ton parcours. Ça m'aide de me dire que oui c'est possible. Mais j'ai une appréhension que la t21 revienne. Le gynécologue m'a dit que ce n'était pas hereditaire. Ton gynécologue t'a tenu le mm discours ?

Prends soin de ta famille (:-D)

[helene57]

Bonjour lilijade (Re),

Victor est né au début du septième mois de grossesse.
Sa T21 est une trisomie libre donc aléatoire et non héréditaire en effet. Nous avons fait nos génomes le papa et moi qui ont confirmé. Pour la suite, la généticienne nous avait dit qu''en terme de statistiques, nous n'avions pas plus de risque que des parents sans antécédents.

Je suis contente que notre histoire te donne espoir... Nous avons cette magnifique chance de chérir notre fille, en 'pleine santé.

Bises

Doux baisers tendres Charlotte.

[EMI71]

Coucou Helene
je ne pouvais pas passer ici lire tes mots a Victor sans te laisser un mot car tu as fais couler mes larmes tellement c'est beau et fort ce que tu écris!
J'espère que tout va bien pour vous 3
bisous a toi et à nos anges

[helene57]

Merci Émilie, j'espère te revoir pour la prochaine journée internationale...

Bises

[EMI71]

Je serais présente en esperant qu'il fasse meilleur que cette année car on s'est vraiment caillé les miches!
bises

[Petites Etoiles]

Bonjour Hélène,
je suis émue de relire l'histoire de Victor.
Toutes mes amitiés à ton grand sportif au grand coeur de mari et à ta charmante petite victoire.
Je vous embrasse.

[helene57]

Merci Stéphanie,

Bises

[juju51]

Quel courage et quelle jolie maniere de ravonter ton histoire, moi aussi je repense a la peau douce de cette petite laissee partir a 20 sa jeudi dernier pour les memes raisons, c est dur et je m en veux de cette decision cruelle..je ne veux pas l oublier et suis tres triste
merci pour ton recit qui me reconforte
Julie

[helene57]

Bonsoir juju51,

J'espère que tu avances pas à pas.... C'est une décision tellement cruelle à prendre...
Je vous souhaite de belles choses à toi et ton conjoint.

Bises.