IMG 35 SA
Posté : 08 août 2017, 12:47
Bonjour,
mon petit amour est décédé fin octobre 2015, à 35 SA. L’événement n'est pas récent mais le chemin de la reconstruction et du deuil pour moi est long et ce n'est que maintenant que je me sens à l'aise de partager mon histoire avec vous.
En mars 2015, j'apprends avec une énorme joie que je suis enceinte de mon second enfant. Malgré un contexte professionnel très hostile et violent (harcèlement moral au travail) et l'absence de soutien de mon compagnon, je mène une grossesse, certes tendue et fatiguée, mais sans problèmes médicaux.
Début octobre 2015, je me rends à la dernière échographie, accompagnée d'une de mes merveilleuses sœurs (le papa n'a pas souhaité venir). L'échographe m'annonce qu'une « tache » est visible dans le cerveau, probablement une hémorragie, à vérifier avec une IRM.
Commence alors une période terrible de 10 jours où en attendant l'examen, j'essaie de me convaincre qu'il faut rester positif tant qu'on n'a pas plus d'information mais au fond de moi je sens que ce n'est pas anodin.
Je passe l'IRM et là je craque, je m'en veux de faire subir à mon bébé cet examen que je pense être aussi brutal pour lui que pour moi, je réalise que c'est grave et je sens que c'est la fin avant même l'entretien avec la neuropédiatre. Au cours de l'entretien, j'apprends que les dégâts dans son petit cerveau sont terribles et que la grossesse doit être stoppée rapidement mais je ne comprends tout simplement pas, comment arrête-t-on une grossesse près d'un mois et demi avant le terme ? Je visualisais bien ce qu'était une interruption de grossesse durant le premier trimestre mais là je crois que c'était insupportable pour moi de comprendre ce qui allait se passer.
La semaine qui a précédé l'IMG a été horrible, j'essayais de faire comme avant l'annonce terrible, je lui parlais, mon fils (qui avait 1 an ½ alors) câlinait mon ventre, je rencontrais des gens avec mon gros ventre qui me disait « c'est pour bientôt ? » ou alors « c'est un petit garçon ou une petit fille ? », j'avais juste envie de dire « c'est un garçon et il sera mort le 29 ! » mais je répondais comme si de rien n'était.
Le 29 octobre, à 35SA, je donne donc, non pas « naissance » mais « mort » à mon fils, l'acte a été très traumatisant pour moi, malgré des sages femmes adorables et très délicates. La manipulation prend plus de temps que prévu, c'est une torture qui n'en finit pas. Ma gynéco, très sympa et rigolote d'habitude mais dépassée par les événements je pense, me dit maladroitement que c'est un « battant », comprenez qu'il ne veut pas se laisser tuer, très délicat comme remarque...
J'accouche rapidement de mon fils, que je trouve tellement beau, il est bien formé et tout généreux avec ses 3kg, quel gâchis ! Je n'ai compris l'importance de l'accouchement par voix basse lors d'une IMG qu'une fois que l'ai vécu. J'ai, en quelques sortes, accouché de mon second fils de la même manière que pour mon premier mais avec bien sûr une toute autre histoire.
J'ai passé un petit moment avec lui (le père était « présent »), j'ai immortalisé son souvenir avec quelques photos, puis je l'ai laissé, j'ai eu la sensation de l'abandonner mais je savais qu'il n'était déjà plus là. Ces cendres ont été dispersées dans un beau jardin du souvenir ; j'aime à penser que sa petite âme est entourée d'autres petites âmes au passage furtif mais qui nous apprennent tellement sur la vie.
Un mois après mon accouchement, je me séparais du père de mes enfants, je déménageais le mois suivant et quittais mon emploi quelques mois après.
Aujourd'hui je me sens mieux, je me sers souvent de cette épreuve comme d'une leçon de vie, pour me donner du courage, apprécier la vie où qu'elle se trouve. J'ai toujours des moments où la douleur arrive, inattendue et violente, comme un tsunami, des moments où je me sens encore sonnée de ce qui m'est arrivé, en décalage avec le monde tellement ce qu'on vit est incompréhensible et va à l'inverse de ce qu'on s'imagine de la vie (on ne meurt pas avant même d'être naît!).
Lire vos expériences de vie, que vous avez toutes courageusement déposées sur ce forum, m'aide beaucoup aujourd'hui ; moi qui ai beaucoup réfléchi et parlé avec mon entourage et des psy mais presque jamais avec des personnes ayant traversé cette épreuve si particulière.
J'espère de pas avoir laissé un message trop long mais je voulais témoigner également des difficultés vécues autour de l'événement, notamment dans le couple. En effet ces derniers temps, je lisais souvent des témoignages de personnes qui ont traversé cette épreuve à deux et je me dis que ça peut être utile de parler aussi de la douleur supplémentaire de se sentir seule dans cette période.
Enfin, ce que j'aimerais vous dire c'est que malgré la violence de la douleur, le traumatisme encore présent et les difficultés que cela représente pour mener une vie « normalement », il ne faut pas perdre confiance en soi et en la vie.
Voici l'extrait d'une pensée de Jacques Salomé qui m'inspire beaucoup : « certains bébés, certains enfants se "donnent la liberté" d'apparaître, de seulement apparaître dans la vie, pour insuffler l'envie à l'un de leurs parents de naître enfin ou d'accéder à plus de vie dans leur existence.
Certains enfants, par leur mort subite, invitent... leurs parents à oser un changement qu'ils n'avaient pu envisager jusqu'alors.
Certains enfants ont ce pouvoir de dire par leur présence furtive et fugitive et leur disparition brutale : "Ose ta vie, toi seul la vivra"
Nous pouvons ainsi écouter et entendre le message secret envoyé par ces enfants
dont la présence éphémère nous blesse à jamais si nous restons sourds à leur message d'espoir. »
J'embrasse chaleureusement toutes les mamans endeuillées et j'envoie une pensée pleine d'amour à toutes ces belles petites âmes qui nous accompagnent.
Marie,
maman de K. , né sans vie le 29/10/2015
mon petit amour est décédé fin octobre 2015, à 35 SA. L’événement n'est pas récent mais le chemin de la reconstruction et du deuil pour moi est long et ce n'est que maintenant que je me sens à l'aise de partager mon histoire avec vous.
En mars 2015, j'apprends avec une énorme joie que je suis enceinte de mon second enfant. Malgré un contexte professionnel très hostile et violent (harcèlement moral au travail) et l'absence de soutien de mon compagnon, je mène une grossesse, certes tendue et fatiguée, mais sans problèmes médicaux.
Début octobre 2015, je me rends à la dernière échographie, accompagnée d'une de mes merveilleuses sœurs (le papa n'a pas souhaité venir). L'échographe m'annonce qu'une « tache » est visible dans le cerveau, probablement une hémorragie, à vérifier avec une IRM.
Commence alors une période terrible de 10 jours où en attendant l'examen, j'essaie de me convaincre qu'il faut rester positif tant qu'on n'a pas plus d'information mais au fond de moi je sens que ce n'est pas anodin.
Je passe l'IRM et là je craque, je m'en veux de faire subir à mon bébé cet examen que je pense être aussi brutal pour lui que pour moi, je réalise que c'est grave et je sens que c'est la fin avant même l'entretien avec la neuropédiatre. Au cours de l'entretien, j'apprends que les dégâts dans son petit cerveau sont terribles et que la grossesse doit être stoppée rapidement mais je ne comprends tout simplement pas, comment arrête-t-on une grossesse près d'un mois et demi avant le terme ? Je visualisais bien ce qu'était une interruption de grossesse durant le premier trimestre mais là je crois que c'était insupportable pour moi de comprendre ce qui allait se passer.
La semaine qui a précédé l'IMG a été horrible, j'essayais de faire comme avant l'annonce terrible, je lui parlais, mon fils (qui avait 1 an ½ alors) câlinait mon ventre, je rencontrais des gens avec mon gros ventre qui me disait « c'est pour bientôt ? » ou alors « c'est un petit garçon ou une petit fille ? », j'avais juste envie de dire « c'est un garçon et il sera mort le 29 ! » mais je répondais comme si de rien n'était.
Le 29 octobre, à 35SA, je donne donc, non pas « naissance » mais « mort » à mon fils, l'acte a été très traumatisant pour moi, malgré des sages femmes adorables et très délicates. La manipulation prend plus de temps que prévu, c'est une torture qui n'en finit pas. Ma gynéco, très sympa et rigolote d'habitude mais dépassée par les événements je pense, me dit maladroitement que c'est un « battant », comprenez qu'il ne veut pas se laisser tuer, très délicat comme remarque...
J'accouche rapidement de mon fils, que je trouve tellement beau, il est bien formé et tout généreux avec ses 3kg, quel gâchis ! Je n'ai compris l'importance de l'accouchement par voix basse lors d'une IMG qu'une fois que l'ai vécu. J'ai, en quelques sortes, accouché de mon second fils de la même manière que pour mon premier mais avec bien sûr une toute autre histoire.
J'ai passé un petit moment avec lui (le père était « présent »), j'ai immortalisé son souvenir avec quelques photos, puis je l'ai laissé, j'ai eu la sensation de l'abandonner mais je savais qu'il n'était déjà plus là. Ces cendres ont été dispersées dans un beau jardin du souvenir ; j'aime à penser que sa petite âme est entourée d'autres petites âmes au passage furtif mais qui nous apprennent tellement sur la vie.
Un mois après mon accouchement, je me séparais du père de mes enfants, je déménageais le mois suivant et quittais mon emploi quelques mois après.
Aujourd'hui je me sens mieux, je me sers souvent de cette épreuve comme d'une leçon de vie, pour me donner du courage, apprécier la vie où qu'elle se trouve. J'ai toujours des moments où la douleur arrive, inattendue et violente, comme un tsunami, des moments où je me sens encore sonnée de ce qui m'est arrivé, en décalage avec le monde tellement ce qu'on vit est incompréhensible et va à l'inverse de ce qu'on s'imagine de la vie (on ne meurt pas avant même d'être naît!).
Lire vos expériences de vie, que vous avez toutes courageusement déposées sur ce forum, m'aide beaucoup aujourd'hui ; moi qui ai beaucoup réfléchi et parlé avec mon entourage et des psy mais presque jamais avec des personnes ayant traversé cette épreuve si particulière.
J'espère de pas avoir laissé un message trop long mais je voulais témoigner également des difficultés vécues autour de l'événement, notamment dans le couple. En effet ces derniers temps, je lisais souvent des témoignages de personnes qui ont traversé cette épreuve à deux et je me dis que ça peut être utile de parler aussi de la douleur supplémentaire de se sentir seule dans cette période.
Enfin, ce que j'aimerais vous dire c'est que malgré la violence de la douleur, le traumatisme encore présent et les difficultés que cela représente pour mener une vie « normalement », il ne faut pas perdre confiance en soi et en la vie.
Voici l'extrait d'une pensée de Jacques Salomé qui m'inspire beaucoup : « certains bébés, certains enfants se "donnent la liberté" d'apparaître, de seulement apparaître dans la vie, pour insuffler l'envie à l'un de leurs parents de naître enfin ou d'accéder à plus de vie dans leur existence.
Certains enfants, par leur mort subite, invitent... leurs parents à oser un changement qu'ils n'avaient pu envisager jusqu'alors.
Certains enfants ont ce pouvoir de dire par leur présence furtive et fugitive et leur disparition brutale : "Ose ta vie, toi seul la vivra"
Nous pouvons ainsi écouter et entendre le message secret envoyé par ces enfants
dont la présence éphémère nous blesse à jamais si nous restons sourds à leur message d'espoir. »
J'embrasse chaleureusement toutes les mamans endeuillées et j'envoie une pensée pleine d'amour à toutes ces belles petites âmes qui nous accompagnent.
Marie,
maman de K. , né sans vie le 29/10/2015