Forum de l'association Petite Émilie

Bonjour à toutes,
depuis le 01/03/2017 je suis la Mamange de Cassandre. Je suis déjà maman d'un petit Oscar et nous étions si content d'avoir un deuxième enfant. Malheureusement la vie en a décidé autrement. Voici un petit bout de notre histoire, je suis tombée enceinte le 1er aout. Nous avons fait la 1ère écho et tout aller bien, je me souviens avoir demandé au médecin si elle pouvait tout voir sur cette écho, elle m'a dit que non car par exemple le cerveau n'était encore en développement, je me souviens aussi m'être dit que ça devait être très dur de devoir annoncer une mauvaise nouvelle à des parents si contents de venir la voir. Toutes ces choses, je n'y avais pas du tout pensé pour ma première grossesse.
Le 21 décembre nous allons faire la 2eme écho, j'ai un sentiment partagé avant d'y aller. A la fois je suis contente (le mot est faible) de voir mon bébé et j'ai peur (on peut parler d'intuition dans ce cas là). Au début tout va bien, elle fait la liste de tout ce qui va bien puis je vois qu'elle passe plusieurs fois sur une zone et que son visage se ferme, elle ne dit plus rien et je comprends... Dans ma tête, je me dis "pourvu que ça ne soit pas le cerveau" et elle nous dit qu'il y a une partie du cerveau qu'elle ne voit pas, qui ne s'est pas développée, elle nous parle d'agénésie du corps calleux. Tout s'effondre pour moi, je n'entends plus rien, je regarde l'image de mon bébé et je pleure. Heureusement mon mari est là. Il pose pleins de questions et moi en pleure je lui dit "Tu ne comprends pas, notre bébé a un problème au cerveau, on ne vit pas sans cerveau" alors le médecin nous explique que cette agénésie peut être grave ou bien on peut très bien vivre avec. Elle nous obtient un rendez-vous pour le lendemain pour une amniocentèse. suivrons 2 mois de divers examens pour savoir si oui ou non cette anomalie est la seule détectée. Durant cette période, en lisant un compte rendu examen, je découvre que c'est une petite fille... C'est maintenant pour ma petite fille que nous devons prendre une décision. Tous les examens sont normaux, on nous dit alors qu'il y a 85% de chance que l'agénésie ne provoque pas grand chose (léger retard d'apprentissage) et 15% de risque que cette agénésie soit accompagnée d'autre chose non détectable avant la naissance et que les conséquences soient graves. La décision la plus dure de toute notre vie. J'ai tellement peur de voir souffrir ma fille que je décide de la laisser partir. Je devais accoucher le 1er mai, j'accouche finalement le 1er mars d'une petite Cassandre. Lorsque la sage femme me la donne, j'ai été inondée d'amour pour ce bébé, elle était tellement belle. Nous avons pu rester 2h30 avec elle et je ne l'ai presque pas quittée des yeux. Je voulais imprimer dans mon cerveau chaque petit détail.
Je sais que je ne l'oublierai jamais, d'ailleurs j'essaye de lui faire autant de place que possible. Elle aura un cadre avec son prénom comme son frère, je porterai un bijou pour toujours me rappeler de cette date, j'ai planté un camélia dans le jardin pour me souvenir de sa beauté, les photos je les garde pour moi et mon mari pour l'instant et je les regarde chaque soir. J'ai beaucoup pleuré, je suis passée par divers stades, évidemment la culpabilité aussi.
Aujourd'hui cela fait 13 jours et j'ai peur d'oublier tous les détails, j'ai peur d'oublier la souffrance, j'ai peur d'oublier tout l'amour que j'ai ressenti lorsque je l'ai prise dans mes bras, j'ai peur d'oublier ce manque... 2h30 dans toute une vie c'est tellement court, j'aurai aimé que le temps s’arrête

Avez-vous vous aussi cette peur ?

Bonjour Alexbis,

Ce que tu décris à la fin de ton message, les traces que tu laisses visibles pour ne pas oublier, je passe par là également. Je veux que la courte présence de cet enfant dans notre vie soit imprimée au même titre que son grand frère.
J'ai également cette peur d'oublier, c'est pourquoi j'ai décidé d'écrire les moindre de mes souvenirs. Je veux garder cette histoire sur papier en plus que dans mon coeur. Mais je pense que la mémoire de nos émotions est plus forte que tout.

Bonjour Alexbis,

Tu oublieras peut être certaines choses mais l'essentiel restera gravé: l'emotion que tu as ressentie en tenant ton bébé dans tes bras, cet amour si fort, sa beauté. 2h30 dans une vie cela paraît court, mais ce genre d'intensité est rarement atteint dans la vie.

J'ai ressenti quelque chose de similaires quelques jours après mon accouchement. Je n'étais pas préparée à cette rencontre, compte tenu de l'état précoce de ma grossesse. Je ne pensais pas voir mon bébé. Du coup j'ai été surprise mais je voulais voir mon garçon. Je ne l'ai tenu qu'une quinzaine de minutes, et quelques jours après j'ai tellement culpabilisé de ne pas avoir su lui accorder plus de temp, et j'avais très peur d'oublier son petit visage.

Aujourd'hui je retrouve son visage dans mes souvenirs, même si je reconnais que l'image est moins nette. Il s'agit plus du sentiment que j'ai éprouvé en le tenant, de l'amour, de la tendresse et aussi du déchirement de savoir qu'il fallait le laisser J'envisage de demander les photos, même si j'ai peur qu'elles soient moins belles que le souvenir que j'en ai.

Bonjour Alexbis,

Je suis désolée de lire ton histoire, la perte de ta magnifique fille. Je souhaite juste te rassurer par rapport à l'oubli, c'est juste impossible d'oublier son enfant, ce que l'on a pu ressentir quand nous le tenions dans nos bras. J'ai perdu mon bébé le 7 janvier 2016, et je peux t'assurer que tout est intact dans mon esprit, ma mémoire, mon cœur. Malgré tout, avec le temps, j'ai du accepter que le souvenir de mon petit garçon ne resterait graver que dans ma tête et un peu dans celle de mon conjoint mais nulle part ailleurs, j'ai du accepter que les autres oublient, la bataille était trop dure pour moi. Je repense chaque jour à ce moment où je l'ai tenu dans mes bras, ce moment où son père et moi l'avons regardé sans pouvoir détourner notre regard de lui, ce moment où j'ai senti que nos 2 coeurs battaient à l'unisson pour ce petit être qui malheureusement ne pleureraient jamais. J'y pense chaque jour avec la peur de ne plus pouvoir ressentir la même chose, j'y pense chaque jour mais avec moins de tristesse, plus de douceur...j'apprends à vivre avec son absence, nous continuons notre vie et il en fait partie intégrante.
Je te souhaite beaucoup de courage et pense bien à ton ange.

Bien à toi
Christelle

Bonjour Alexandra,

Non, tu n'oublieras jamais ta petite Cassandre parce que cette crainte que tu éprouves maintenant va te pousser à tout faire pour conserver le plus de souvenirs possibles de ta petite fille. Pour ma part, dans les jours qui ont suivi mon IMG, j'ai ressenti cette crainte que beaucoup de mamanges doivent ressentir je pense. J'avais peur du temps qui passe et qui allait me voler mes souvenirs. Alors j'ai écrit, j'ai regardé quotidiennement les photos de ma petite fille jusqu'à ce que ses traits soient gravés en moi. Chaque jour je repense à elle, à sa naissance, je visualise son visage, son corps, je sens encore son poids dans mes mains...
Je pense que tu devrais écrire ce que tu as vécu. De l'annonce de la grossesse (ou même avant!) jusqu'à aujourd'hui, parle de / à Cassandre, fais-la vivre aux yeux des autres. Quelques temps après l'interruption de ma grossesse, j'ai adressé un mail groupé à nos proches et nos amis où j'ai raconté l'essentiel, les débuts de ma grossesse, les inquiétudes, l'attente, le diagnostic, la naissance... J'ai eu beaucoup de retours positifs, un de mes frères m'a dit que grâce à ce mail, il se sentait vraiment tonton. L'amie qui devait être la marraine de Sasha tient à l'être à titre posthume et a demandé une photo. Tu as fait déjà bien des choses pour entretenir le souvenir de Cassandre et moi je suis persuadée que tu n'oublieras pas.
Bien à toi
Claire

Merci à toutes pour vos messages. Je pense effectivement qu'écrire va m'aider, je tenais déjà un livre de grossesse mais j'avais du mal à écrire à chaque nouvelle étape, les espoirs et les doutes mais je vais recommencer, j'ai du temps. Mes amies sont venues me voir rapidement après la grossesse, elles m'ont fait du bien car j'ai pu leur parler de Cassandre, qu'elles considèrent comme leur nièce de cœur.
Mes parents ont eu une autre réaction, ils ne m'en ont pas parlé alors je leur ai écris un email pour leur expliquer que j'avais perdu ma fille. Ils ont compris, ils ne voulaient pas m'en parler pour ne pas me faire de peine et pour que "j'oublie" plus vite mais maintenant ils savent que j'ai besoin que ma fille vive à travers nous.
En revanche, j'ai peur d'en parler un peu trop à mon fils qui a 2 ans 1/2. Quand il me demande "où est le bébé", je lui dis "au paradis" et quand il me demande "où est le paradis" je lui dis "très loin" ou bien "dans ton coeur" mais c'est difficile pour un tout petit garçon de comprendre.

Nos parents sont d'une génération pour laquelle le deuil périnatal était vraiment tabou, on n'en parlait pas, il valait mieux oublier... C'est peut-être pour cela qu'ils ont réagi ainsi, ils ont du penser que ce serait plus facile pour toi de ne pas te "conforter" dans le souvenir de ta petite fille. C'est à nous, à travers notre triste vécu, de faire évoluer les mentalités, de faire comprendre à nos proches que nos bébés ont vraiment existé, que nous les considérons comme des enfants à part entière et qu'on veut que le monde les reconnaisse, et le monde cela commence par les personnes qui nous sont le plus proches.
J'en ai parlé à mes enfants, pour celui de 5 ans 1/2 j'avais acheté le livre "la petite soeur de Virgile" qui explique bien tout sur le deuil périnatal mais qui est sans doute compliqué pour un enfant de 2 ans 1/2 (je ne l'ai pas lu à mon fils de 3 ans). Il y a aussi "le pays des bulles et des ballons", peut-être plus abordable. La littérature de jeunesse aborde aussi le thème de la mort "au revoir Blaireau", "Lucie est partie". Tu as aussi les petits livres de Catherine Dolto qui sont super bien faits je trouve ("Si on parlait de la mort"). Si tu te sens démunie, tu peux aussi aller voir un pédopsychiatre qui pourra peut-être répondre aux questions de ton petit garçon.
Amitiés
Claire

Bonsoir,

Moi aussi, j'ai ce sentiment là, peur que mes souvenirs s'envolent. J'ai repris le travail aujourd'hui, c'est une étape pour retrouver la vie que j'ai laissé avant ma grossesse et j'ai peur que le quotidien voile mes souvenirs. Ecrire me semble encore si douloureux mais je pense que je vais le faire pour ne rien oublier. Nous avons reçu le dernier document attendu, le livret de famille et ça fait mal, j'ai l'impression qu'en regroupant tout ce que nous avons de notre bébé, finalement que de vulgaires papiers, on ferme le livre, un livre que je ne veux pas fermer

Alexbis, je suis comme toi. J'ai peur d'en parler de trop à mon fils de 2 ans 1/2. On lui a expliqué clairement la situation le jour où nous sommes rentrés de l'hôpital. Je lui ai dit que le bébé était mort comme les poissons et comme l'âne du pré en face. On lui avait déjà un peu parlé de la mort par rapport à ces animaux.
Hier, en allant promener, on est passé près du pré de l'âne. Il m'a dit "l'âne est mort, comme les poissons et comme..." il a marqué une pause et a enchainé "et comme l'âne". Je m'attends à ce qu'il parle du bébé. Je me suis demandée si c'était une perche qu'il me tendait pour lui parler. Je ne sais pas trop comment réagir. J'ai peur que si on ne lui en parle plus, il s'imagine tout et n'importe quoi. Ils ont l'imagination fertile à cet âge. D'un autre côté, je n'ai pas envie d'en rajouter une couche si il n'en a pas besoin. Je me dis que je vais attendre qu'il pose d'éventuelles questions pour lui reparler du bébé.

Par contre, j'ai découvert un livre que je trouve pas mal. Je ne compte pas lui raconter pour le moment, mais je le garde bien si un jour il est demandeur: http://www.lelivredelea.fr/

Merci pour ce lien, je vais le lire et peut être lui lire aussi, si j'y arrive sans pleurer. Je lui avais également lu une histoire de Père Castor qui racontait l'histoire d'un petit dinosaure qui allait avoir une petite sœur qui etait dans un œuf et un jour il y a un tremblement de terre et l'œuf est avalé par la terre. Quand je suis rentrée de l'hôpital je lui ai relu cette histoire.