Une douleur profonde réveillée
Posté : 25 octobre 2016, 11:03
Bonjour,
Je suis maman de 2 enfants qui sont en très bonne santé. J'aime me répéter cela car la maternité est un parcours difficile.
Il y a 10 ans, j'ai perdu un bébé, IMG à 24 SA pour des malformations sévères et létales. C'était un garçon. Nous l'avons appelé Clément.
J'ai beaucoup souffert et surtout la culpabilité m'a envahit : j'étais le dernier rempart de protection et je l'ai laissé partir.
J'ai cru quelques temps que je ne pourrais jamais avoir d'enfants on m'a expliqué que les causes de ces malformations étaient accidentelles.
J'ai eu ma fille en 2007, je me suis mariée en 2008 et eu mon fils en 2009. Une succession d'événements qui devaient me rendre heureuse. Mais cela n'a pas été le cas : mes grossesses ont été angoissantes. J'ai sombré dans une dépression, pleurant très souvent, surtout la nuit.
Je n'ai eu personne vers qui me tourner, je suis assez isolée. Naturellement j'ai demandé du soutien à mon mari qui ne comprenait pas ce que je traversais et pire, qui était froid et distant. J'ai voulu plusieurs fois divorcer.
Je ne sais pas comment j'ai pu tenir, enfin si.. je me suis donné à fond dans mon travail, j'ai fait évoluer ma carrière. Mais mon couple ne s'arrangeait pas.
Pourtant un jour mon mari m'a exprimé l'envie d'avoir un 3e enfant. Il savait que j'avais envie d'une famille nombreuse. J'avais d'abord l'impression qu'il ne voyait en moi qu'une "mère pondeuse".
J'ai continué à bosser, bosser jusqu'à épuisement sur un projet. Et puis un jour j'ai changé de poste, je suis arrivée dans une équipe très chaleureuse qui m'a apporté un semblant d'humanité, du respect, du soutien (personne ne connais mon histoire).
Dans ce service, beaucoup de gens ont fêté des naissances. J'étais heureuse pour eux. Et puis j'ai réfléchis, 3 années s'étaient écoulées depuis que mon mari avait évoqué le souhait d'un 3e.
Je suis tombée enceinte. Je me suis dit qu'il fallait que je me fasse suivre psychologiquement.
Je n'ai pas eu le temps, en mai dernier lors de l'échographie du 3e mois, on m'annonce une grossesse gémellaire interrompue suite à une malformation. "Un monstre à 2 têtes" comme ils disent. Une IMG devait être pratiquée.
J’apprends cela un mardi et le vendredi qui suit, ma gynéco m’envoie aux urgences pour que l'hôpital intervienne. Mais malheureusement les plannings des blocs n'étaient pas disponibles.
Je rentre chez moi. Je retourne travailler le lundi, il faut toujours que je me raccroche à quelque chose, l'hôpital m'appelle pour une prise en charge fin de semaine, le vendredi. J'ai cru avec ce coup de fil que j'allais vomir sur mon bureau : le choc a été d'une violence incommensurable, je pensais à contrario de ma 1ere grossesse où le bébé était encore en vie et où un staff de médecins et professeurs devaient étudier "le cas" que cette fois je serais prise en charge de suite. Non. J'étais anéantie. Je n'ai pu cacher ce choc, l'angoisse, les pleurs. Une collègue a vu ce bouleversement, lorsque j'étais cachée dans les toilettes.
Le jour de l'IMG, mon mari dépose les enfants et part travailler.Je suis seule.
L'équipe de l'hôpital est incroyablement organisée, tout est minuté. Je me souviens qu'un des membres de l'équipe me demande si je veux de la musique avant d'être endormie. Les embryons sont retirés.
Je retourne travailler. A l'intérieur, je suis dévastée. Mon manager d'équipe et mon chef de service me demandent comment ça va, ils ne savent pas ce que je viens de subir. The show must go on.
L'été arrive et je ne fais pas attention mais je tombe enceinte (à 37 ans je croyais que ça mettait du temps, ça dépend vraiment des personnes). Je n'y crois plus, je ne m'emballe pas et je ne suis pas très enthousiaste pour cette grossesse.
Je pars pêcher un week-end avec des amis en septembre et là je pers du sang. Le lundi je vais aux urgences. L'interne ne voit même pas que je pleure. Elle me donne froidement l'ordonnance de d'échographie de contrôle à faire une semaine après la FC.
Depuis je survis. Personne ne m'a proposé une aide psychologique et je sens que le chemin va être très long. La souffrance est là. La vie ne tient qu'à un fil. J'ai oublié de dire que je fais beaucoup de cauchemars dès qu'il se passe quelque chose qui touche mon entourage.
Je me raccroche à mes enfants et mon travail. C'est très dur. Ce qui me fais tenir depuis tout ce temps c'est l'image de ma grand-mère paternelle qui a été pupille de la nation à l'âge de 8 ans, elle a également perdu son frère à 48 ans et a perdu la vue à la fin de sa vie. Elle aussi a fait des fausses couches. Je me dit qu'elle a eu une vie très dure et que je n'ai pas le droit d'abandonner.
J'espère que toutes les mamans qui vivent ces moments difficiles trouveront la force comme moi de tenir.
Je termine par A. Saint-Exupéry et son petit prince dont cette citation est au jardin des éphémères où reposent les anges : "Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j'habiterai dans l'une d'elles, puisque je rirai dans l'une d'elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles"
Je suis maman de 2 enfants qui sont en très bonne santé. J'aime me répéter cela car la maternité est un parcours difficile.
Il y a 10 ans, j'ai perdu un bébé, IMG à 24 SA pour des malformations sévères et létales. C'était un garçon. Nous l'avons appelé Clément.
J'ai beaucoup souffert et surtout la culpabilité m'a envahit : j'étais le dernier rempart de protection et je l'ai laissé partir.
J'ai cru quelques temps que je ne pourrais jamais avoir d'enfants on m'a expliqué que les causes de ces malformations étaient accidentelles.
J'ai eu ma fille en 2007, je me suis mariée en 2008 et eu mon fils en 2009. Une succession d'événements qui devaient me rendre heureuse. Mais cela n'a pas été le cas : mes grossesses ont été angoissantes. J'ai sombré dans une dépression, pleurant très souvent, surtout la nuit.
Je n'ai eu personne vers qui me tourner, je suis assez isolée. Naturellement j'ai demandé du soutien à mon mari qui ne comprenait pas ce que je traversais et pire, qui était froid et distant. J'ai voulu plusieurs fois divorcer.
Je ne sais pas comment j'ai pu tenir, enfin si.. je me suis donné à fond dans mon travail, j'ai fait évoluer ma carrière. Mais mon couple ne s'arrangeait pas.
Pourtant un jour mon mari m'a exprimé l'envie d'avoir un 3e enfant. Il savait que j'avais envie d'une famille nombreuse. J'avais d'abord l'impression qu'il ne voyait en moi qu'une "mère pondeuse".
J'ai continué à bosser, bosser jusqu'à épuisement sur un projet. Et puis un jour j'ai changé de poste, je suis arrivée dans une équipe très chaleureuse qui m'a apporté un semblant d'humanité, du respect, du soutien (personne ne connais mon histoire).
Dans ce service, beaucoup de gens ont fêté des naissances. J'étais heureuse pour eux. Et puis j'ai réfléchis, 3 années s'étaient écoulées depuis que mon mari avait évoqué le souhait d'un 3e.
Je suis tombée enceinte. Je me suis dit qu'il fallait que je me fasse suivre psychologiquement.
Je n'ai pas eu le temps, en mai dernier lors de l'échographie du 3e mois, on m'annonce une grossesse gémellaire interrompue suite à une malformation. "Un monstre à 2 têtes" comme ils disent. Une IMG devait être pratiquée.
J’apprends cela un mardi et le vendredi qui suit, ma gynéco m’envoie aux urgences pour que l'hôpital intervienne. Mais malheureusement les plannings des blocs n'étaient pas disponibles.
Je rentre chez moi. Je retourne travailler le lundi, il faut toujours que je me raccroche à quelque chose, l'hôpital m'appelle pour une prise en charge fin de semaine, le vendredi. J'ai cru avec ce coup de fil que j'allais vomir sur mon bureau : le choc a été d'une violence incommensurable, je pensais à contrario de ma 1ere grossesse où le bébé était encore en vie et où un staff de médecins et professeurs devaient étudier "le cas" que cette fois je serais prise en charge de suite. Non. J'étais anéantie. Je n'ai pu cacher ce choc, l'angoisse, les pleurs. Une collègue a vu ce bouleversement, lorsque j'étais cachée dans les toilettes.
Le jour de l'IMG, mon mari dépose les enfants et part travailler.Je suis seule.
L'équipe de l'hôpital est incroyablement organisée, tout est minuté. Je me souviens qu'un des membres de l'équipe me demande si je veux de la musique avant d'être endormie. Les embryons sont retirés.
Je retourne travailler. A l'intérieur, je suis dévastée. Mon manager d'équipe et mon chef de service me demandent comment ça va, ils ne savent pas ce que je viens de subir. The show must go on.
L'été arrive et je ne fais pas attention mais je tombe enceinte (à 37 ans je croyais que ça mettait du temps, ça dépend vraiment des personnes). Je n'y crois plus, je ne m'emballe pas et je ne suis pas très enthousiaste pour cette grossesse.
Je pars pêcher un week-end avec des amis en septembre et là je pers du sang. Le lundi je vais aux urgences. L'interne ne voit même pas que je pleure. Elle me donne froidement l'ordonnance de d'échographie de contrôle à faire une semaine après la FC.
Depuis je survis. Personne ne m'a proposé une aide psychologique et je sens que le chemin va être très long. La souffrance est là. La vie ne tient qu'à un fil. J'ai oublié de dire que je fais beaucoup de cauchemars dès qu'il se passe quelque chose qui touche mon entourage.
Je me raccroche à mes enfants et mon travail. C'est très dur. Ce qui me fais tenir depuis tout ce temps c'est l'image de ma grand-mère paternelle qui a été pupille de la nation à l'âge de 8 ans, elle a également perdu son frère à 48 ans et a perdu la vue à la fin de sa vie. Elle aussi a fait des fausses couches. Je me dit qu'elle a eu une vie très dure et que je n'ai pas le droit d'abandonner.
J'espère que toutes les mamans qui vivent ces moments difficiles trouveront la force comme moi de tenir.
Je termine par A. Saint-Exupéry et son petit prince dont cette citation est au jardin des éphémères où reposent les anges : "Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j'habiterai dans l'une d'elles, puisque je rirai dans l'une d'elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles"