Forum de l'association Petite Émilie

Bonjour à toutes,
C’est mon premier message sur un forum, je ressens aujourd’hui le besoin d’écrire mon histoire.

J’ai subi une IMG le 25/06/24, à 14 SA.

J’ai 29 ans et il s’agit de ma première grossesse. Je ressens ce désir d’enfant depuis quelques années mais mon conjoint n’était pas prêt. En août 2023, il m’annonce qu’il désire également avoir un enfant avec moi. Je tombe enceinte 7 mois plus tard.

Je me sens alors comblée malgré la fatigue et l’irritabilité que je ressens durant les premières semaines. Une distance se crée entre mon conjoint et moi, mon esprit est accaparé par la grossesse, je souffre de l’absence de soutien et d’implication de sa part. J’ai l’impression qu’il n’éprouve que peu d’intérêt pour ma grossesse, pourtant désirée de son côté comme du mien. C’est en tout cas ce que je pensais.

Nous sommes le 05/06/24, en route pour la première échographie tant attendue. L’échographiste commence par nous faire écouter le cœur. Me voilà soulagée, son petit cœur bat. Nous voyons ensuite des petites mains et des petits pieds s’agiter, je jette un regard à mon conjoint, et je vois à cet instant une lueur dans ses yeux que je n’avais jamais vu auparavant : il prend conscience qu’il va être papa et ça le rend heureux.

L’échographiste s’arrête ensuite un long moment sur la clarté nucale et nous indique qu’elle est trop épaisse. Mon sourire s’efface immédiatement de mon visage, je n’étais pas préparée à l’annonce d’une anomalie. Je crois que je cesse ensuite d’écouter ce qui se passe, je ne suis plus là. J’entends seulement qu’il nous fait part d’une malformation au niveau de l’intestin. Je le vois s’attarder, son visage se fermer alors qu’il prend les mesures et je sais. Je sais que quelque chose ne va pas.

Il déclare enfin qu’une écho de référence et un prélèvement du trophoblaste doivent être effectués. Quelques jours plus tard donc, deuxième écho. Mon conjoint est absent. La clarté nucale est encore plus épaisse, et on m’annonce qu’au vu des multiples malformations, la probabilité d’une trisomie 18 est grande.

Nous attendons les résultats. Je reçois un appel une semaine plus tard pour les premiers résultats : il n’y a pas de trisomie. Il faut attendre encore une semaine pour les résultats définitifs. Le climat est toujours aussi tendu, nous nous sentons un peu démunis face à la situation et nous n’avons pas de réponses aux questions que nous nous posons.

On me propose d’attendre deux semaines et de faire une nouvelle échographie pour voir comment la grossesse évolue. Je reprends un peu espoir. Mais un appel du 20/06/24 le fera disparaître définitivement. On m’indique qu’il y a une discordance avec les premiers résultats : notre fils est atteint d’une trisomie 18.

L’IMG aura finalement lieu le 25/06/2024 par aspiration. Je suis accompagnée de ma mère, mon conjoint est absent. Le réveil a été très douloureux psychologiquement. Une épreuve traumatisante, gravée à jamais dans ma mémoire.

A mon retour, plus rien ne va avec mon conjoint. Tandis que je ressens un vide et un manque immenses, il passe ses week-ends à sortir avec ses amis. Il ne comprend pas ma tristesse, ma colère, je ne comprends pas son détachement vis-à-vis de la situation. Durant cet été difficile, il évoque une première fois son souhait de rompre. Après discussion, nous décidons de rester ensemble. Quelques semaines passent et je lui fais part de mon désir de retomber enceinte.

Il m’explique qu’il n’est pas sûr de vouloir à nouveau un enfant, qu’il ne souhaite pas me faire perdre mon temps, et me quitte.

Aujourd’hui, et depuis plusieurs mois, je suis anéantie. Nous avons mis la maison en vente. Je n’arrive pas à tourner la page de cette histoire, j’ai tant de peine.

Est-ce que certaines d’entre vous ont vécu une rupture à la suite d’une IMG ?

Je vous remercie de m’avoir lue jusqu’au bout, et j’envoie tout mon soutien à celles qui en ont besoin actuellement.

Bonjour Manon, je suis désolée de lire ton parcours aussi triste et difficile.
Perdre à la fois son bébé et son couple, c'est extrêmement traumatisant. Tu dois te sentir très seule...
Malheureusement les hommes vivent souvent les choses de manière très différente de nous, et parfois pour certains leur moyen de protection est la fuite, dans le travail, dans les loisirs, les amis...
Il semble en plus que la grossesse soit restée plus abstraite pour lui, vu qu'il n'était pas là à la deuxième écho, ni pour ce jour aussi marquant de l'aspiration.
J'espère que tu es bien entourée par tes amis ou ta famille, c'est déjà tellement dur de surmonter cette épreuve à deux, alors toute seule je n'ose pas imaginer. Je t'envoie tout mon soutien.

Bonsoir Manon,

Toutes mes condoléances pour ton bébé. Je suis désolée que les circonstances soient aussi difficiles.

Le deuil périnatal est une période particulièrement difficile à gérer dans un couple. Chacun vit son deuil différemment. Certains couples vivent un rapprochement, d'autres s'éloignent dans l'épreuve.

Comme Petitfaon, j'espère que tu es malgré tout bien entourée par ta famille, des amis et des proches.

Je t'envoie tout mon soutien.

Chère Manon,

Le choc et les turbulences qui accompagnent une telle déflagration sont violentes et multiples. Toute la vie n’est plus telle qu’on se la représentait, tout est sens dessus dessous. Oui c’est vraiment très difficile pour le couple, il faut s’accrocher pour accepter les réactions de l’autre.
De l’intérieur nous n’avons pas vécu la même chose, nos besoins et nos réactions sont parfois à l’exact opposé.

J’ai besoin de voir des professionnels de l’écoute, mon homme semble s’en passer parfaitement.
J’ai besoin de parler, de parler, encore et encore, d’être écoutée avec une réelle attention et de l’empathie, de la délicatesse, mon homme préfère éviter le sujet de nos bébés perdus.
J’ai besoin de tendresse, de silence et de solitude.
Mon homme a besoin d’action, de projets, de grand air et de légèreté. J’ai besoin de pleurer souvent, il ne pleure jamais.
Nous avons vécu cette épreuve deux fois de suite, deux années de suite. C’est un bouleversement familial immense qui nous a tous énormément impactés, à des degrés différents, mais qui est également notre histoire commune et nous essayons aujourd’hui de nous reconstruire.
En raison de nos âges il n’y aura peut-être pas de bébé d’après et c’est un deuil ô combien douloureux, pour ma part, mais il me semble que mon homme l’accepte mieux que moi, malgré la peine et la déception.

Quoiqu’il en soit, une telle souffrance peut faire perdre pied, donner envie de fuir, de tout mettre derrière soi, de repartir de zéro.
Nous, nous avons déjà deux enfants ce qui explique en partie que nous ayons résisté à la tentation de nous séparer mais nous avons eu de très très mauvais moments où pour accueillir mon chagrin, en face, il n’y avait que sa colère. J’ai cru plus d’une fois que j’allais aussi voir mon couple et ma famille exploser.
C’était vraiment horrible. Désespérant. J’ai tellement eu mal. Nous avions tellement mal, et il n’y avait aucun coupable à qui en vouloir, en plus.

Les hommes ne supportent pas toujours de nous voir malheureuses, de se sentir impuissants, ils ont parfois été élevés dans une déconnexion totale d’eux-mêmes avec leurs émotions et les larmes leur sont parfois inaccessibles. Un homme ça ne pleure pas. C’est fort et ça sait toujours quoi faire. Ça trouve des solutions !!

Tout cela peut expliquer la prise de distance de ton conjoint. Il ne sait sans doute pas comment faire pour t’aider, il veut peut-être aussi se protéger, il a sûrement beaucoup souffert mais ne s’autorise peut-être pas à se l’avouer et encore moins à te le dire.
Tout ça est complexe et douloureux, mais je veux te dire que malgré la dureté de ce que tu traverses il y a une lumière au loin que tu finiras par percevoir et qui te guidera.
Respecte son choix, il est peut-être temporaire, et concentre-toi sur tout ce qui peut adoucir tes journées et te rendre un peu le sourire, même si ce n’est qu’un sourire timide au début, prescription médicale : tu dois sourire au moins une fois par jour, même si c’est un peu forcé au début, souris.
La vie te réserve de belles choses même si pour le moment tu ne peux pas y croire. Elle te sourira à nouveau n’en doute pas.
Je comprends vraiment ton sentiment de peine, d’abandon et peut-être aussi de trahison. C’est totalement légitime et c’est beaucoup trop de deuils pour une seule personne, mais tu surmonteras tout ça. En fait nous n’avons pas le choix, il faut vivre avec.
Nous sommes là pour t’aider et t’entourer, saisis les mains tendues, d’où qu’elles viennent, relève-toi avec courage et donne-toi la priorité sur tout le reste.
Tu es jeune, pleine de ressources, tu es forte et courageuse. Plus que tu ne le penses certainement !
Je pense bien à toi.