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Soren : mon petit ange parti trop tôt. 33SA+4

Posté : 29 janvier 2025, 17:48
par monpetitangesorren
Bonjour à toutes,

Je prend enfin ma plume pour vous raconter mon histoire. J'avais déjà posté dans la rubrique "avant IMG". Notre bébé était porteur d'une anomalie chromosomique (un pan de gènes manquant) dont ni mon conjoint, ni moi n'étions porteurs. Depuis le début de ma grossesse, je sentais que quelque chose n'allait pas. Après avoir été très malade (je connaissais bien les nausées et les vomissements, mais j'ai eu 10 jours à ne pas pouvoir tenir debout), nous avons découvert au 3ème mois que j'avais attrapé le CMV. Il s'est avéré par la suite, après des recherches, que je l'avais "réactivé" donc que d'après les études, notre bébé n'était pas touché. D'après les études... Je l'ai bien trop entendu par la suite. Lors de l'écho T2, on nous parle de reins hyperéchogènes. La sage-femme se veut rassurante et nous dit de ne pas trop s'inquiéter. On patiente 1 mois pour avoir l'écho de référence. Et là, les choses se corsent... Le 26 Novembre, le gynécologue se veut beaucoup moins rassurant. Je reparle du CMV, persuadée que ça venait de là, je n'étais toujours pas rassurée. On rentre dans le processus du CPDPN, on perd de nombreuses semaines (1 mois pour l'écho de référence car le diagnostic établi par la SF n'était pas suffisamment alarmant pour me voir plus tôt, 2 semaines le CPDPN car la néphropédiatre n'était pas là lors de la présentation de notre dossier, il a fallut donc encore patienter...) puis s'enchainent l'amniocintèse, les rdv tous les 15 jours de contrôle des reins. A partir de là, la bataille était enclenchée. Je me suis bcp battue pour avancer les rdv (si je les avais écouté nous aurions vu les spécialistes que le 21/01 soit 1 mois avant mon terme), avoir un suivi psychologique... Passons. Le CMV revient négatif. Ouf. T21 aussi, ça n'était pas notre inquiétude.

Le 31/12, l'hôpital nous demande d'être là dans 2h pour rencontrer la néphropédiatre et la professeur en génétique. On savait que si elles nous demandaient dans l'urgence c'est que ce n'était pas bon signe, mais d'un côté, je gardais espoir. A aucun moment on a cru que les résultats génétiques seraient déterminants, on attendait d'autres résultats pour les reins, arrivant plus tard. Elles nous accueillent le visage détendu, nous expliquent que notre bébé a un pan de gènes manquants, une délétion 17q12 emportant également le gène HFN1B avec. Il s'agit d'un syndrome multi-systémique qui atteint de nombreux organes : les reins, le foie, le pancréas, des anomalies génitales, parfois faciales même si rares, un diabète MODY5 dans 50% des cas, des troubles neurologiques allant d'un simple retard psycho-moteur ou des difficultés scolaires, à de l'autisme, de la schizophrénie... Les médecins nous expliquent que cela peut se révéler tout au long de la vie. Mais qu'ils voient des enfants qui vont "bien". Dans notre cas, un rein était fichu, et le second avait de très nombreux kystes et grossissait au fur et à mesure de la grossesse. Nous avions tout envisagé : donner notre rein, gérer le diabète... Mon conjoint a beaucoup plus réalisé l'ampleur de la situation que moi. Je pense que je ne voulais rien entendre. Il faut dire que mon conjoint a perdu son frère à l'âge de 17 ans d'une leucémie, qu'il sait ce que c'est que de vivre dans la maladie, et pour lui, ça lui était insupportable d'infliger ça à notre garçon. Mais nous restions face à des statistiques. Des "et si..."

S'en est suivi 14 jours de discussions, à lire toutes la littérature scientifique sur le sujet (il y en a peu, s'agissant d'une anomalie génétique orpheline), écouté le seul podcast qui existait sur le sujet, lire des témoignages, discuter avec des parents au travers de groupe Facebook que j'ai intégré (j'ai honte, mais il fallait que je sache quelle était la réalité de ces enfants). Les médecins ne nous ont pas enlevé le poids de la culpabilité de la demande d'IMG. C'est nous qui en avons parlé car ils nous ont expliqué ne pas pouvoir le faire si on ne l'évoquait pas. Ils nous ont dit que le pire était à venir, qu'il faudra apprendre à vivre avec...

Je ne dormais plus depuis le 31/01. Le mardi 12/01, le matin de la prise de médicaments, nous sommes arrivés en retard car j'étais en pleurs devant la salle dans laquelle nous devions être accueillis, je n'arrivais pas à y entrer. Je savais que je condamnais notre petit garçon. Le gynécologue qui nous a reçu était en fait le responsable du CPDPN et a eu des paroles très rassurantes. Il nous a expliqué qu'il s'agissait d'une décision médicale, que le corps médical était derrière nous, que tous les médecins du CPDPN ont répondu oui à la demande d'IMG. Cela a contribué à ce que je signe ce papier. Mon conjoint était beaucoup plus convaincu que moi. Il m'aurait suivi si j'avais décidé de garder notre petit garçon. Mais une partie de moi savait, que si il lui arrivait quelque chose, si je laissais la vie décider à notre place, si je n'avais pas le courage d'abréger sa vie de souffrance, je porterai le poids de cette culpabilité aussi : car je savais avant sa naissance. Alors j'ai décidé de donner ma vie pour la sienne. Je me demande parfois si je n'ai pas lâché prise, après ces nombreux mois d'angoisse, ces nombreux mois pendant lesquelles on ne parlait plus du bébé, mais que d'un diagnostic. J'ai la chance d'être en vie, c'est certain, mais le poids, la culpabilité, la tristesse avec laquelle je vis me consume.

L'hospitalisation s'est "bien" passée. Le personnel soignant a été incroyable et bienveillant, même si je garde un traumatisme du bloc opératoire. J'ai fait plusieurs crises d'angoisse, plusieurs malaises. J'ai mis 22h à accoucher car je ne voulais pas. Je me souviens de cet accouchement dans le silence, du bruit des ciseaux qui coupaient le cordon. J'ai cru mourir à chaque étape. Je voulais y rester avec lui. Le 17 Janvier 2025, Soren est né à 6h40, sans vie.

On ne savait pas si on voulait le voir au début. Mais après avoir lu des centaines de témoignages sur ce forum, je me suis décidée. Et cela m'a apaisée, réconfortée. Je l'ai caressé, je lui ai mis sa petite veste, ses petits chaussons. Nous lui avions préparé une tenue, acheté une médaille, une gourmette, un doudou, une couverture. J'avais aussi fait appel à l'association Souvenance mais ils ne pouvaient pas venir dans cet hôpital, j'ai donc pris des photos que j'ai faite retoucher par la suite. Nous avons passé plus de 2 h avec lui, le temps s'est arrêté. Le plus dur a été de le voir partir. Nous avions pris la décision de lui dire au revoir ici, tant qu'il était encore chaud, encore beau. Notre petit garçon, Soren, était si beau. Un petit ange. A 33 SA, 8 mois de grossesse, c'était un grand bébé. 46cm, 2,3kg... Un bébé que nous aurions pu ramener à la maison. Je voulais le ramener. Mon seul regret a été de ne pas réussir à le prendre dans mes bras. J'avais peur, de lui faire du mal. Je suis rentrée à la maison 12h après l'accouchement. C'était beaucoup trop tôt mais rester à la maternité seule sans mon bébé (mon conjoint devant rentrer auprès de ma fille), m'a semblé impossible.

Finalement je n'ai pas résisté longtemps, je voulais retourner le voir. Nous y sommes donc revenus régulièrement, ses grands parents sont aussi venus le voir. Nous lui avons parlé, chanté des berceuses, montré tout ce qui avait été fait pour lui... Puis je l'ai pris dans mes bras, j'en avais tant envie. Je l'ai pris délicatement. Mais du sang a coulé de son nez... J'ai poussé un cri, ma pire crainte de lui faire mal venait de se réaliser; mon conjoint m'a dit que cela faisait déjà plusieurs jours qu'il était sans vie, que c'était normal... Ça m'a arraché le coeur.
Nous ne pensions pas avoir le courage d'organiser des obsèques et finalement, pendant 10 jours, nous avons tout préparé. Nous voulions lui rendre hommage. A 32 et 35 ans, se retrouver à acheter un caveau familial, il y a des choses qui ne vont pas ensemble : naissance et décès.

Moi qui ne suis pas croyante, je me suis surprise à me tourner vers la religion. Nous avons fait venir un aumônier lorsque Soren est né. Il l'a baptisé, et m'a parlé du pardon. C'est là que j'ai voulu demander une cérémonie religieuse avec une notion de pardon. Car ma culpabilité, je la porterai toujours en moi. Même si nous étions deux, c'est moi qui ait signé les papiers. C'est en moi que Soren bougeait, comme s'il me disait "maman, sauve moi".
Les obsèques ont eu lieu lundi 27 Janvier. Nous l'avons vu dans son tout petit cercueil, entouré de toutes les attentions que nous avions prévu pour lui : un dessin de sa soeur, une citation qui l’accompagnera , sa médaille et sa gourmette, des doudous brodés, avec des bijoux de ses papys et mamies, de tonton/tata, des lettres de ses papys et mamies, une lettre de son papa, une lettre de moi, il était couvert d'amour. Bien que le voir dans son cercueil fut un déchirement, j'ai senti aussi une forme d'apaisement, tout était si beau, la cérémonie, son petit cercueil, il était entouré de bougies, de fleurs, c'était magnifique. Nous avons même partagé un repas en famille après, à parler de Soren. Je m'en voulais de sourire, de manger, il était trop tôt.

Le lendemain des obsèques, nous avons dormi. Cela faisait plus d'1 mois que nous ne dormions plus, depuis le 31 Décembre, "l'avant IMG", jusqu'à la préparation des obsèques qui nous a pris beaucoup de temps et d'énergie + toute la partie administrative. Et aujourd'hui, c'est le vide. Je ne pouvais pas me lever du lit. J'avais envie de dormir, de le retrouver, de l'imaginer. Toute ma vie me semble fade, je n'ai plus envie de rien. Je me force à sourire quand notre fille ainée est présente; mais je n'en ai plus envie. J'ai fait une boite à souvenirs de Soren, mais j'ai envie de plus, d'afficher des photos de lui (retouchées par Souvenange), de le rendre présent partout, autour de nous, d'aller sur sa tombe, tous les jours, de le rejoindre. Je culpabilisais presque d'être apaisée ces derniers jours, mais aujourd'hui, le vide et le chagrin que je ressens est immense. Cela fait aussi de nombreuses semaines que je ne sors plus. J'ai fait face à des maladresses, alors je m'en protège. Et puis j'ai des copines autour de moi qui sont enceintes ou viennent d'accoucher, je m'en protège d'autant plus.

Ma fille a besoin de moi. Elle a 18 mois, je l'ai vraiment délaissée ces derniers mois alors que nous étions très fusionnelles avant: son papa a pris le relais. Elle ne jure que par lui maintenant. C'est dur, mais j'avais le sentiment de la protéger de "la tueuse de bébé", ma tristesse était trop immense, je n'arrivais plus à m'en occuper. Et lorsque je pose mes yeux sur elle, je me demande "et si ça avait été elle ? " et je me demande ce qu'elle pensera de moi quand elle comprendra que c'est nous qui avons pris la décision.

Je pensais faire de l'EMDR, car j'ai bcp d'angoisses, notamment de part tout ce que j'ai fait auprès de Soren, après tout, c'était quand même un bébé sans vie, que je prenais comme si il était vivant. Son corps se détériorait petit à petit, tout cela m'angoisse beaucoup. Je pensais aussi à l'hypnose. J'ai également contacté AGAPA, pour pouvoir échanger avec des mamans qui ont vécu un IMG, mais finalement, je me demande si cela va m'aider, nous avons toutes des vécus tellement différents... Alors j'écris; J'écris pour raconter mon histoire. Nous sommes toujours suivis par la psychologue du CHU.

Voici mon histoire, notre histoire. Merci à ceux et celles qui ont pris le temps de me lire.

Je terminerai par une question, nous souhaiterions rajouter un deuxième prénom à notre garçon, j'avais fait la demande à l'assistante sociale le lendemain de sa naissance mais ça n'a pas été pris en compte... Avez-vous eu le cas ? Savez-vous si c'est possible ?
Sinon, côté administratif, c'est vraiment pénible. La CPAM n'a toujours pas enregistré le congé maternité, déjà que les appeler a été extrêmement pénible, rien ne se déroule comme cela devrait...

Autre chose, je pense déjà à une future grossesse, et je m'en veux, je m'en veux d'y penser si tôt. J'y pensais même alors que Soren était encore dans mon ventre. J'ai parfois l'impression de ne pas réaliser que celle ci est vraiment terminée. Et pourtant, je l'aime si fort notre petit garçon. C'est lui que je veux. J'aurais aimé garder son corps près de moi. Et d'un autre côté, je me dis que nous avons conçu Soren pour le "tuer" après, alors je ne peux pas "retomber enceinte". C'est très paradoxal.
Combien de temps après est-on "autorisé" à tomber enceinte physiquement parlant ? Je sais qu'un RDV post IMG est prévu à +2 mois, est-ce ça qui marque le "GO" du corps médical ? J'étais déjà surprise qu'à peine accouché, on me parle d'une prochaine grossesse (pour info je n'ai eu aucune complication lors de l'accouchement et aucune déchirure).

Merci d'avoir pris le temps de me lire.

A Soren, notre petit garçon que nous aimons si fort. Il me manque tellement…….

Re: Soren : mon petit ange parti trop tôt. 33SA+4

Posté : 30 janvier 2025, 15:09
par Pépin
Bonjour,

Ton texte m'a donné les larmes aux yeux et m'a replongée dans pas mal de souvenirs... À la fois proches et différents.

Il est vraiment normal de ressentir de la culpabilité, même si tu n'as en réalité rien à te reprocher. Tu as pris la décision la plus douloureuse qui soit : prendre pour toi la douleur pour que Soren ne souffre pas.

Je suis tout de même soulagée de lire que l'accompagnement du corps médical a été "mieux" réalisé par la suite que lors de tes premiers messages.

Le non-choix que vous avez fait, vous n'étiez pas seuls à le faire : tous les médecins l'ont approuvé. Vous n'avez pas été seuls à choisir.

Je suis aussi heureuse de lire que vous avez eu le courage de le voir et, finalement, de le prendre dans vos bras... Même si ces moments sont durs, ils créent des souvenirs étonnamment doux par la suite. Je suis personnellement très soulagée d'avoir eu la force de rencontrer notre fille. Après, sur le moment, il faut uniquement faire des choses dont on a envie, en fonction de ses forces du moment.

Je suis persuadée que Soren était un magnifique petit garçon. Il était effectivement bien grand pour son terme.

Au moment de l'IMG, je ne pensais pas non plus avoir la force d'assister à la crémation. Mais au final, nous y sommes allés avec mon conjoint. Nous avions besoin de l'accompagner jusqu'au bout.

Je suis sûre que la cérémonie de Soren était belle et douce. J'espère qu'elle vous a fait du bien. J'ai aussi fait une boîte à souvenirs pour notre fille. J'ai trouvé très apaisant d'avoir un endroit pour ranger ses photos et tous les souvenirs.

Après ces mois d'agitation, il est normal d'avoir un contrecoup et le moral dans les chaussettes. Les vagues de tristesse seront très fréquentes au début. Il ne faut pas spécialement lutter contre elles. Elles s'espaceront avec le temps. Tu as le droit de pleurer, de te sentir en décalage avec le monde, d'avoir besoin de temps pour toi.

C'est une très bonne chose que tu sois bien accompagnée par une psychologue et que tu penses à l'EMDR. La perte d'un bébé est un traumatisme. Il faut souvent de l'aide pour réussir à reprendre pied.

Ce n'est pas parce que tu as serré ton bébé dans tes bras comme s'il était vivant que tu vis pour autant un deuil pathologique. Après, si tu as des craintes, parles-en lors de tes séances.

Pour les groupes de paroles, chaque histoire est unique... Mais ça fait du bien de savoir que nous ne sommes pas les seules à vivre un deuil périnatal. Ça fait du bien de parler, de mettre des mots sur ce qu'on ressent et d'écouter comment les autres vivent ce drame. On se sent comprises.

Pour la grossesse d'après, tu ne dois pas te sentir coupable. C'est très humain aussi. Nous sommes nombreuses à y avoir pensé, avant même le jour de l'IMG. Pour ma part, c'était ma seule lueur d'espoir dans ces moments difficiles. Je me disais que je reviendrais dans le bloc accouchement dans de meilleures circonstances, pour tenir un bébé vivant et en bonne santé dans mes bras. Penser à la vie et à la reconstruction, c'est normal. Ca ne signifie pas que tu remplaces Soren ni que tu l'oublies.

Pour ma part, c'est bien lors du RDV qui a eu lieu 6 semaines après l'accouchement que la gynéco m'a donné le feu vert pour lancer un nouveau projet de grossesse. Nous avions attendu au préalable les résultats génétiques pour être sûrs de ne pas être porteurs d'une translocation nous-mêmes.

Je t'envoie beaucoup de douceur et de courage. Je pense à ton petit Soren.