Le (trop) long parcours du deuil

[Karelle]

À 17 SA lors d’une échographie de contrôle pour ma grossesse gémellaire spontanée on a decouvert qu’il n’y avait plus d’activité cardiaque. C’était le 6 juillet dernier et j’ai dû accoucher le 8 juillet de mes petits bébés nés sans vie.
J’ai deux ainés de 3 et 5 ans et c’est actuellement compliqué pour le plus grand (hyper activité, sommeil difficile, crises de colère). Nous avons pris rdv pour le faire accompagner avec une psychologue.
De mon côté j’ai pensé bêtement qu’une fois l’été terminé cette douloureuse épreuve serait derrière nous, mais voilà il y a encore l’attente des résultats d’autopsie qui me pose beaucoup question et puis un vide, je suis déprimée. J’ai mis tellement d’énergie dans les semaines qui ont suivi a sortir la tête de l’eau et je n’avais pas réalisé que j’étais encore loin du rivage… Je me sens déprimée et je suis épuisée de l’être. J’aimerais me sentir mieux mais je n’y parviens pas. Je me sens toute petite et chahutée par le quotidien, les grossesses et naissances autour de moi me bouleversent… je suis démunie et je ne sais comment faire pour avancer plus sereinement…

[Chacha22-Luna230622]

Bonjour Karelle,
Je suis désolée de t'accueillir ici, et désolée que tu aies eu à vivre la perte de tes deux bébés.
Je crois pouvoir dire, que le deuil est une épreuve bien insaisissable, qu'on peut se sentir très fort au début, voire invincible puisqu'après tout, on est encore vivantes après ça... et puis passée la sideration de ce qu'il a fallu faire (accoucher, choisir la dernière demeure de notre enfant, le voir ou pas, lui donner un prénom ou pas...) eh bien on commence à mesurer l'onde de choc.
Et là, personne n'est égal face à ça.
Certaines se plongent dans le projet d'une nouvelle grossesse
D'autres dans le travail
D'autres encore chavirent
Et d'autres oscillent entre les 3 schémas...
J'ai pour ma part consigne dans des petits carnets tout ce qui me venait pendant 1 Année, sans filtre. Ça m a permis de libérer toutes les pensées qui venaient, d'accepter que l'on replonge, ici on appelle ça des vagues.
Et ça me permet de voir aujourd'hui à quel point je vais mieux aussi.
Ici tu peux te déposer sans crainte d'être jugée, personne n'aurait l'idée de te demander si tu en es encore là par exemple.
On connaît ce traumatisme, on sait les ravages qu'il déclenche

[Karelle]

Merci infiniment pour votre réponse.
Ce que je vis vraiment difficilement c’est la perte de contrôle.. Le jour où on m’a annoncé l’absence d’activité cardiaque pour mes deux bébés, c’est le ciel qui m’est tombé sur la tête. La première fois de ma vie que je perdais absolument tout contrôle sur ce qui m’arrivait.. ça a été tellement difficile et angoissant.
Et j’ai vraiment cru que une fois le « plus dur derrière nous » je reprendrais le contrôle en donnant tout ce que je peux pour avancer, pour gérer mon deuil au mieux et avancer. Et je me rends compte que ce n’est pas si simple…
Je réalise qu’il y a un « avant » et un « après » et que le « après » est vraiment difficile. Parfois j’aimerais vraiment redevenir celle que j’étais avant et ça me fait culpabiliser, ça sous entendrait nier la perte de ces bébés et donc nier leur existence..
Et je suis dans l’ambivalence parce que je pense beaucoup à un projet de grossesse, j’en ai envie et je sais pertinemment qu’il ne comblera pas cette perte mais j’ai peur de ne pas être à la hauteur. J’ai peur de l’impact de cette épreuve sur cet éventuel bébé, et j’appréhende le vécu d’une autre grossesse pour mes ainés… Au passage le papa est très à l’écoute et soutenant mais il avance « plus vite que moi », et de son côté la seule chose qu’il souhaite attendre avant de concrétiser le projet de grossesse est tous les résultats d’analyse, autopsie etc, ce que je comprends et accepte.
Merci pour le conseil de l’écriture je vais essayer de l’appliquer.

[Chacha22-Luna230622]

c'est peut être la première leçon que ces deux bébés sont venus t'apporter : sur le chemin de la maternité, on ne maîtrise rien... on ne peut qu'espérer et tâcher de vivre avec cette part d'incertitude
Tu sais j ai vécu une première expérience il y a 4 ans, une fausse couche assez précoce, je n'ai rien compris de ce qui se passait, rien du tout et même quand on m'a ausculté pour me dire que c'était fini, je n'y croyais pas.
Alors quand à l'écho T1 de ma 2eme grossesse, on m'a annoncé une clarté nucale très anormale, j'ai voulu reprendre le contrôle, ne pas me faire dépasser par ce qui se passait et qui s'annonçait encore plus grave ..
C'était peine perdue ... et ca n'a pas empêché l'immense culpabilité d'interrompre la vie de ma petite fille tant désirée.
J'ai longtemps perdu le goût des moments de bonheur, oui on est changées à tout jamais par cette expérience
Mais honnêtement ma rencontre avec cette toute petite fille nee sans vie m a bouleversée et pour toute la vie.
J'ai l'impression que beaucoup de coparents avancent plus vite, c'était pas dans leur chair, et ça change tout. Mais la blessure est bien là, tapie dans l'ombre
Quand le moment viendra pour une petite graine de s'accrocher en toi, tu feras pour le mieux. Tu auras peut être des craintes, la peur de ne pas t attacher, la difficulté de situer ce nouveau bébé dans ta famille, mais tu es déjà une maman et tu seras alors la maman d'une nouvelle petite vie en construction.
Pour les autres enfants de la fratrie, je ne peux pas me prononcer n'ayant pas connu l'expérience, mais j'ai quand même dans l'idée que les enfants sont résilients et que la seule chose qui compte est de ne pas leur mentir, et d'accueillir leurs émotions à eux aussi.
Ne culpabilise pas de te projeter vers la vie de nouveau, c'est l'élan, l'instinct de survie et on le doit à nos bébés disparus