Lettre d'une maman d'un bébé qui n'existe pas...

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Kiddo
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Lettre d'une maman d'un bébé qui n'existe pas...

Message par Kiddo »

Bonjour à tous,
Cela fait 5 mois maintenant, que j'ai dû interrompre ma grossesse pour des raisons médicales...Et c'est à ce jour, la douleur la plus grande que je n'ai jamais vécu... Dans la vie, il y a des choses qu'on fait. Et des choses que l'on a choisi de ne pas faire.
Il y a des chemins qu'on prend et d'autres qu'on regrette de ne pas avoir pris.
Il y a ce que nous sommes, à un moment précis, et qui nous oblige à prendre une décision.
Et puis il y a tout le reste.
Tout ce qui nous arrive, tout ce qui nous tombe dessus, tout ce qui est là par la force des choses.
Il y a tout ce qu'on ne choisira pas, tout ce qu'on aurait jamais voulu voir arriver, il y a le "destin", le "hasard" ou la succession de faits qui amène à "ça".
Il y a les drames, ceux dont on parle
Il y a les drames intimes, ceux dont on ne parle pas.
Ceux qu'on évoque, avec ceux qui écoutent. Ceux que l'on murmure, quand on se sent prête à le faire.
Ceux qu'on dit, avec encore un noeud dans le ventre et la gorge nouée.
Ceux qu'on garde, au fond de soi, parce qu'ils font partie de nous.
Loin de moi l'idée d'établir une gradation.
Il y a toujours pire.
Cela ne veut pas dire qu'on ne souffre pas soi même.
5 mois et la douleur est toujours présente, c'est comme si toute ma vie avait basculé depuis ce jour dans monde où j'ai l'impression de me noyer.

Et me voilà qui me lance, alors qu'on ne saurait retranscrire la souffrance de la perte, le vide, le rien.
Je veux aujourd'hui parler de mon bébé qui été bien réel, qui n'était pas qu'un foetus de 12SA.
Je veux parler aujourd'hui des pertes qui arrivent alors que l'on n'a pas eu la chance de voir l'imaginaire devenir vrai, je veux parler de ce bébé qui n'existe pas légalement. Je veux parler aussi au nom de tous ces bébés qui ne verront jamais le jour.
Je voulais parler des fausses couches, des enfants qui ne naîtront pas vivants, de ceux à qui ont enlève la vie parce qu'il y a un problème médical, de ceux qui existent mais qu'on ne peut pas voir.
Je n'ai pas la prétention d'être juste, je n'ai pas la prétention d'être vraie.
On nous met dans une case de statistique.... ben oui ça arrive, c'est
Parce que ce n'est rien. Parce que ce n'est pas grand chose. Parce que c'est un "coup pour rien", un "brouillon" et que ça va "finir par marcher".
Bien sur.
Ou pas. Que ce n'était pas un bébé, mais qu'un foetus, un foetus sans âme... et j'en passe... en disant ça, les gens sont surement de pleins de bonnes intentions, mais ils ont tords...
C'est comme ceux qui pensent qu'il faut vite oublier, être fort, rien ne laisser paraître, les compagnons qui pensent qu'il vaut mieux vite enterré tout ça, ceux qui pensent qu'être fort ce n'est rien laissé paraître de ses sentiments...
Tout s'écroule...
Parce qu'en un quart de seconde, on passe d'un statut à un autre.
Une sonde est posée et tout s'écroule.
On porte la vie et puis on porte rien.
On "va avoir un bébé" et puis non. Le vide.
Etre pleine de rien.
Et l'attente.
Et le sang.
Et le sentiment que personne ne peut comprendre. Parce que c'est notre corps. Parce que c'est notre âme. Parce qu'on avait déjà imaginé. Parce qu'on avait déjà dit. Parce que ça n'arrive qu'aux autres.
Je ne saurais dire combien, je ne saurais dire pourquoi. Mais c'est là, ça fait mal et on ne peut pas vraiment en parler. Et puis comment se plaindre? Et puis comment dire alors que "ce n'est pas si pire".
Bien sur.
Ce n'est pas la fin du monde.
Mais on a le droit de pleurer quand même. On a le droit de prendre le temps. On a le droit de se dire qu'on a perdu quelqu'un. Qui ne sera jamais. Qui n'a pas existé. Sauf dans notre tête. Et que c'est déjà beaucoup.
On ne peut pas imaginer ce que c'est que de perdre un enfant in utéro...
"Je peux l'entendre, je peux sentir mon corps frissonner à cette idée, je peux penser à la souffrance, à la douleur. Mais je ne peux pas savoir... si je ne l'ai pas vécu...
Je ne veux pas imaginer l'instant où tout bascule, je ne veux pas." Pourtant, être parent, c'est une infinité de moments où tout peut basculer. Là, c'est trop tôt. Ça ne devrait pas basculer là.
Perdre un enfant et ne pas savoir ce qu'il aurait été. Perdre un enfant et ne pas pouvoir dire aux autres comment il était.
Je sais qu'on s'en relève, je sais qu'on y arrive.
Et il y a tellement de choses qui changent après ça... des images me hantent pour le restant de ma vie, le jour où tout s'est écroulé, le jour où tout s'est terminé... le son de son coeur résonne toujours dans ma tête, son image...et ce sentiment de culpabilité qui nous quitte pas, et ce sentiment que tout a été trop vite, que vite il fallait l'enlever, vite il faut tout enterrer, taire ce que l'on ressent, car ce n'est pas si grave, il vaut mieux le perdre maintenant...oui peut-être mais la souffrance n'en reste pas moins douloureuse et présente... on fait quoi de notre sentiment de culpabilité, de toutes ses images qui ont envahi notre tête... nous avons pris la décision de faire mourir notre bébé car il avait une malformation morphologique et une nuque trop épaisse... on n'a pas fait d'autres examens pour être sur... j'aurais aimé, mon compagnon lui voulait vite en finir... j'ai l'impression de ne pas avoir fait tout ce qu'il fallait... pour être sur... aujourd'hui, j'ai encore le sentiment d'avoir tué mon bébé... Pourquoi? et aujourd'hui, je ne veux plus garder ma souffrance pour moi... alors je la partage ici.. Je sais que beaucoup de personnes trouvent ridicules de donner un nom à un bébé dont on ne connait pas le sexe, je ne sais pas pourquoi j'avais l'impression que c'était une fille... J'ai besoin de la faire exister, ce bébé ne sera jamais reconnu légalement, je sais qu'il est déjà aux oubliettes pour mon entourage... j'ai eu besoin de lui dire adieu, de lui demander pardon....
Alors j'ai fait mes adieux à mon bébé le 30 mars, je suis partie à Bagnères dans un coin de rando que l'on faisait souvent avec son père, je lui ai parlé des moments partagés avec son père, ces moments où on était bien, heureux... j'ai laissé un message dans un arbre près de de cette petite rivière et une sculpture de pierre pour lui dire adieu... j'étais seule... avec mon bébé pour la dernière fois... et je me suis sentie bien seule encore face à ce deuil... et encore aujourd'hui cela me pèse...
Mon Bébé s'appelle Lou Begué et ce n'était pas qu'un foetus, elle a existé, et elle existera toujours pour moi... Lou cela signifie "Lumière" et dans l'immensité de son envolé, son étoile brille dans mon coeur... et dans chaque ciel étoilé, je penserai à mon enfant qui n'aura jamais vu le jour... et j'espère qu'un jour tout le monde prendra vraiment conscience du traumatisme que nous vivons quand nous avons perdu un bébé in utéro.
Loree
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Re: Lettre d'une maman d'un bébé qui n'existe pas...

Message par Loree »

Bonjour à toi,
Je suis désolée de ce qui t'es arrivée et de ce qui t'arrive,je me reconnais tellement dans tes propos et je pense que toutes les mamans sur ce forum se reconnaitrons...
J'ai perdu mon petit garçon à 18sa,j'ai du prendre aussi la decision d'arreter la grossesse car il ne pouvait pas vivre comme ça.
C'est une douleure que je ne souhaite à personne,ça laisse des cicatrices qui restent à tout jamais!!
Et comme tu le dis,on ne peux comprendre que lorsque cela ns arrive.
On porte la vie et du jour au lendemain on donne la mort .
Je pense qu'il faut voir cet acte comme un acte d'amour pr notre enfant sinon on avance pas et on sombre.
Je comprends d'autant plus ce que tu ressens car à 12sa ,les bébés n'ont pas reellement d'existance juridiquement,alors qu'ils étaient bien là.
Ton bébé,ton enfant a partagé ta vie,il vivait en toi.
Un lien s'est crée à tout jamais.
Je ressens la même chose pr mon petit garçon.
Courage à toi,la pente est longue à remonter,on se sent souvent seule mais on y arrive.
Ça change à une personne à tout jamais.
Tendres pensées à ton petit ange
21/06/2016 ...je t'aime mon ange
PatPh
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Re: Lettre d'une maman d'un bébé qui n'existe pas...

Message par PatPh »

J'aurais pu écrire cette lettre quasiment mot pour mot.... même si pour moi c'était à 16 SA, et tout récent, même si on a été jusqu'à l'amniocentèse pour être sûrs, la culpabilité de l'avoir tué est toujours là : pourquoi ne pas avoir choisi de le laisser vivre avec son handicap ? Sur le coup, la raison l'emportait, c'était juste un échec, un essai raté, quelque chose à oublier, trois mois de ma vie à effacer et à enterrer, il fallait juste repartir de l'avant.... Mais c'est pas si simple, car tout au fond de moi je l'attendais si fort, je l'espérais, je l'aimais, et mon corps refusait de le laisser partir (et l'ostéo vient de me confirmer que 15j après, mon corps est toujours "enceinte"... du vide).
Je commence à réaliser qu'on a besoin, pour ce deuil, de reconnaître qu'ils ont existé et qu'on les a aimés, peut-être même de leur donner un nom (je n'en ressens pas encore le besoin, "mon bébé" suffit, même si j'ai l'intuition que c'était un garçon). Donc ta lettre me parle totalement. On a besoin aussi de comprendre pourquoi on a fait ce geste, de l'accepter. Je sais que je n'aurais pas pu lui donner l'amour et le bonheur qu'il méritait, que sa venue aurait été un trop grand traumatisme pour la famille et pour moi (j'ai déjà une fille handicapée mentale, au quotidien c'est compliqué, deux ce serait trop), qu'on aurait tous souffert, lui surtout, que ce n'était pas une vie pour lui... Il faut se raccrocher à ça, accepter les raisons qui nous ont fait prendre cette décision (ou suivre la décision prise par le conjoint), accepter également qu'on n'est pas une wonder-maman et qu'on ne sait pas forcément faire face à tout, qu'il y a des situations au-dessus de nos forces...
Bon courage...
Maman par adoption de deux puces de 13 et 9 ans,
Un bébé né sans vie suite à une IMG le 11 aout 2016, à 4 mois 1/2 de grossesse
Irmala
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Enregistré le : 17 juin 2016, 23:01

Re: Lettre d'une maman d'un bébé qui n'existe pas...

Message par Irmala »

Bonjour kiddo

Tes mots sont tellement touchants
Je pense aussi qu'on ne se remet jamais de la perte d'un enfant
C'est une douleur trop profonde
Toutes les mam´anges ici te comprenne et te soutiennent
Et on se demandent toute une jour si on a pris la bonne décision , la culpabilité est tellement grande

Mais je pense que c'est un acte d'amour , nous choisissons de souffrir a leur place

J'ai accouché il y a 3 mois a presque 34SA
A quelques semaines du terme, c'est un véritable cauchemars
Le lien qu'on avait créé n'est pas le même que pour toi mais je pense que la douleur est la même , a n'importe quel terme


Soit forte , très forte
Il les faut ... Pour eux ... Nous n'avons pas le choix
- Mam'ange de Méline , née sans vie le 23 mai 2016 à 34SA (2kgs160 et 46 cm)
- Maman de Mathis (bébé espoir)
Né le 16 août 2017 (3kgs390 et 48,5cm )
-2018, Cancer stade 4
Marre de me battre :oops:
-2020 bébé miracle à venir
Sabri33
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Enregistré le : 05 juillet 2016, 21:04

Re: Lettre d'une maman d'un bébé qui n'existe pas...

Message par Sabri33 »

Demain cela fera 6 semaines que ma Lola est arrivee pour nous quitter aussitôt . Elle est née à 26sa. Je comprends tellement ton ressenti voir ta colère car moi je suis en colère.
Je ne demande pas aux gens de comprendre mais je suis outrée quand j'entends dire "tu en auras d'autres", " au moins tu n'as pas de souvenirs avec" "mais tu n'as pas accouché, tu as avorté?" " c'est pas vraiment un bébé" "ah mais il faut l'enterrer?"
Non aucun enfant ne peut remplacer ma fille. Peut être que je lui donnerai des frères et sœurs mais le manque ce CET enfant je l'aurais à vie. Oui jai des souvenirs. Je l'ai sentie vivre en moi, ca ce n'est pas un souvenir?!!! Je l'ai tenue dans mes bras, bercé ça non plus ce ne sont pas des souvenirs. Je me souviens de chaque détail de son visage, de ses mains... J'emploie bien le verbe souvenir non?!!! Oui jai accouché de mon bébé comme n'importe quelle maman et OUI je suis MAMAN bon sang!!!!!
Je suis en colère que ca ne paraisse tellement rien pour les gens , que nos bébés ne soient pas considérés !!
Je comprends ton besoin de lui avoir dit au revoir, d'avoir partagé ce moment avec ton bébé et c'est tout à fait normal.

Pour ce qui est de cette décision que nous avons toutes et tous prise. Il a été question d'amour. Je pense qu'on a toute préfèré souffrir pour que eux ne souffre pas. N'aie pas de regret .
Paraît il que le regret est un sentiment auquel on est ou sera confronté durant le deuil.

En parlant de deuil. Le fait on réellement un jour? Jai des doutes. Je suis très angoissée à l'idée de vivre avec le manque de ma fille toute ma vie...

Je te, nous souhaite detre fortes.
Une pensée pour ton enfant
Maman de Lola ❤️❤️née le 16/07/16
26 sa 860g 36cm je t'aime mon ange
loulou1
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Enregistré le : 25 mai 2016, 14:20

Re: Lettre d'une maman d'un bébé qui n'existe pas...

Message par loulou1 »

Ta lettre reflète vraiment nos sentiments à toutes je pense....cette décision que nous avons prise est sûrement l une des plus difficile de notre vie...et c'est vrai la société nous envoie des signaux horribles on doit oublier tourner la page très vite le travail nous attend etc etc...mais le mental lui ne suit pas..cela fait 2mois et une semaine que j'ai du interropre ma grossesse dans des conditions...et je pense à mon bébé tous les jours plus personne ne m'en parle c'est comme si tout ces longs mois de souffrance n'avaient jamais exister ...il faut avancer malgré tout je te souhaite que chaque jour soient un peu plus doux pour toi tendres pensées à lou
Loulou1
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