galibier a écrit : ↑21 février 2022, 19:46
Je vais donc raconter les naissances. Ça va être un peu long.
Pour ma 2e grossesse, le début est serein . Pas trop de désagréments, écho 1 parfaite. J'appréhendais un peu l'accouchement en lui même suite à l'epiose hémorragie /transfusion de mon premier accouchement
Je n'aurai pas le temps de beaucoup m'angoisser sur ce point.
Ça s'est corsé à l'échographie malformative. Avec mon mari, on y est allé tout sourire et innocents, en se demandant si ce serait une fille ou un garçon. L'écho se passe. On voit le cœur, le cerveau, et c'est une petite fille. On retourne s'installer au bureau du médecin échographie. Elle trifouille des papiers, cherche quelque chose, tripote son ordinateur.
- " Je vais devoir vous adresser à un spécialiste. Il y a un soucis avec votre bébé".
Ah.
Elle ne dit pas exactement quel est le problème, car elle explique qu'elle ne peut être sûre, qu'il faut voir un médecin spécialisé. Elle parle d'organes mal placés. Elle se veut rassurante, mais on voit bien qu'elle est très inquiète. On ressort de son bureau avec un rendez vous au service diagnostic anténatal d'une maternité de niveau 3 à 100 km de chez nous. On a rendez vous dans 5 jours avec le grand ponte Professeur Machin du service. Ça ne sent pas bon.
On a connu ensuite tout le parcours hospitalier anténatal que d'autres ici ont sûrement connu.
D'abord le pire, l'attente .
Puis le jour du rendez-vous. Dans un service glauque où tous les autres parents présents font la queue pour les mauvaises nouvelles.
Le spécialiste confirme à l'écho ce qu'on avait cru comprendre en farfouillant sur internet : petite Choupette a une hernie diaphragmatique. C'est grave. C'est ce que le médecin nous explique. Il va y avoir d'autres examens, il faudra accoucher en maternité niveau 3 et bébé sera hospitalisé en réanimation. Le médecin nous dit qu'ils feront tout ce qu'ils pourront, mais que les statistiques pour cette malformation sont de 50% de taux survie environ. Et qu'ils ne peuvent rien nous garantir.
Comme nous venons d'assez loin, ils regroupent les examens au maximum sur les mêmes journées. On réalise l'amniocentèse, l'écho cardiaque fœtale, les irm, les échographies... Avec à chaque fois l'attente et la possibilité que les résultats compromettent la suite de la grossesse. En tout on a dû y aller en moyenne presque une fois tous les 15 jours.
Parallèlement, il a aussi fallu organiser l'accouchement et l'hospitalisation. Un déclenchement était prévu avant le terme, pour éviter une arrivée inopinée et pouvoir prendre en charge Choupette immédiatement à la naissance. On ne savait pas combien de temps elle resterait en réanimation. Le médecin avait expliqué : "entre 1 mois et... plusieurs mois". Il faudrait vivre à l'hôpital. On a logé, avec mon mari et mon petit garçon de 2 ans, dans une maison parents-enfants qui nous a servi de bouée de sauvetage.
La veille du jour J on est parti la voiture pleine à craquer, sans savoir quand ni à combien on allait revenir.
L'accouchement en lui-même s'est cette fois très bien déroulé. Elle est sorti vite et sans problème. Merveilleuse poulette de 3 kg. Mais à sa naissance, je n'ai pratiquement pas pu la voir car il a fallu tout de suite l'intuber. On est resté avec mon mari, désemparés.
On a vraiment pu l'admirer une fois installée en réanimation. Elle ressemblait à robocop avec tous ses fils, mais tellement magnifique.
Elle a été opérée le lendemain. On a vécu au rythme de l'hôpital, des examens, des tours de garde et au son des appareils. On a dormi sur les fauteuils à côté de la couveuse, on a appris à connaître le prénom des infirmières et des internes. On a vu des parents qui avaient moins de chance que nous perdre leur enfant dans la couveuse d'à côté.
Et puis un jour est apparu le bout du tunnel. Elle s'est battu comme un lion, et on est rentrés tous ensemble, avec juste un suivi de contrôle. Et aujourd'hui elle va toujours parfaitement bien.
Pour la 3e grossesse, on avait un peu perdu l'insouciance des débuts. Elle avait dû s'égarer entre 2 bureaux de diagnostic 2 ans auparavant. On avait hésité avant de refaire des essais bébés. On a toujours voulu 3 enfants, mais il fallait qu'on digère un peu les traumatismes du 2e.
Le début de la grossesse s'est bien passé ,même si je ne vous cache pas qu'on a clairement mal dormi les nuits avant l'écho T1. L'echographiste l'a examiné sous toutes les coutures, mais à ce stade, tout est optimal.
On appréhende beaucoup l'écho T2. Je suis à presque 4 mois, et elle se rapproche. On est le jour de la Saint Valentin : c'est prévu dans 3 semaines.
Je n'aurai pas le loisir de m'angoisser plus longtemps pour cette échographie car nous n'arriverons pas jusque là. Le lendemain de la Saint Valentin, visite de routine chez la sage femme. Je suis à 18 Sa. Mon homme garde les enfants. Renouvellement des ordonnances et examen rapide.
Elle n'arrive pas à entendre le cœur de bébé.
Elle manipule mon ventre, essaie encore, mais non. Le seul battement que l'on entend, c'est le mien, qui s'accélère de plus en plus. Elle dit que ça peut arriver, que leurs appareils ne sont pas très performants, que peut-être le bébé est juste mal positionné. Mais je commence à avoir assez d'expérience des diagnostics et des mauvaises nouvelles pour comprendre ce qu'elle ne veut pas annoncer sans preuve véritable.
Je pars seule aux urgences obstétricales. Je suis rapidement prise en charge. L'écho confirme. Il n'y a pas d'activité cardiaque et les mesures indiquent que bébé a cessé de vivre il y a une quinzaine de jours.
Je n'ai rien senti, rien remarqué : pas de douleurs pas de pertes de sang, mais mon enfant est mort.
La médecin qui me prend en charge est très douce. Elle explique avec beaucoup de tact la procédure pour la suite. Mon mari a réussi à confier les enfants et m'a rejointe. On parle du devenir du corps. Je suis ailleurs.
Je repars après s avoir pris les cachets préparant à l'accouchement. Je dois revenir le lendemain soir pour subir un traitement du col de l'utérus et l'accouchement sera déclenché le surlendemain.
Le "surlendemain" ....
Il a fallu que ça tombe sur cette date.
Celle-là.
Le 17 février.
Le jour où j'ai donné naissance à ma Choupette miraculée de son hernie.
Ce même putain de jour.
Ce sera donc le jour de 2 anniversaires.
Avec mon mari, on rentre. Il faut annoncer la nouvelle aux proches. Et aux enfants. On passe la journée suivante dans un état de zombification avancée, et le soir, comme prévu, je m'installe à l'hôpital. Mon mari reste jusqu'en début de soirée , puis repart pour passer la nuit avec les petits car on n'a pas pu trouver d'autre solution. Une nounou doit arriver très tôt le lendemain matin pour qu'il puisse me rejoindre pour l'accouchement.
Mais ça ne se passera pas ainsi : ce n'est pas assez de souffrances et le destin veut se venger.
En fin de soirée, le gynécologue me pose les dilapans. Ça doit commencer à pré-ouvrir le col en vue de faciliter le déclenchement du lendemain.
La sage femme me propose ensuite un cachet pour dormir. Je l'accepte avec gratitude et je m'écroule dans un sommeil sans rêve.
J'émerge encore dans les choux à 5h et quelque du matin. Dans quelques heures je vais devoir donner naissance à mon bébé mort.
Je me traîne aux toilettes, semi comateuse.
Je baisse mon pantalon. Il est trempé de sang, il y en a de partout. Les dilapans ont trop bien fonctionné. Je sens une violente douleur et plusieurs choses tombent dans les toilettes. Je n'ai pas le courage de regarder. J'ai mal. J'ai juste la présence d'esprit d'appuyer sur le bouton d'appel.
On est le 17 février. Nous devions fêter en famille l'anniversaire de Choupette.
On est le 17 février. Je viens d'expulser mon bébé mort dans les toilettes de la chambre d'hôpital, et je suis affalée dans mon sang.
La sage femme arrive très rapidement et elle comprend tout de suite la situation. Je continue de saigner car il reste une partie du placenta accrochée dans l'utérus . Des renforts viennent pour me transférer en salle d'écho pendant que la sage femme va repêcher mon bébé dans la cuvette (ce que je n'ai heureusement pas vu depuis là où on m'avait mise).
Il faudra faire un curetage sous anesthésie générale. Je pars au bloc.
Quand je remonte de la salle de réveil, mon mari est là.
Je sais qu'il est au courant de la manière dont l'accouchement s'est déroulé car la sage-femme le lui a expliqué, mais on n'en a pas vraiment parlé.
La maternité nous délivre le certificat d'accouchement. Petit ange de sexe indéterminé, 80g.
On ne demandera pas d'autopsie.
Nous allons nous recueillir auprès du corps. Il est beau, notre tout petit.
Le soir même j'ai pu rentrer à la maison.
C'était jeudi dernier.