Aujourd'hui pour la deuxième fois j'ai envie de t'écrire. La première c'était pour cette petite lettre que j'ai glissée dans ton cercueil... Le temps a passé depuis notre dernier au revoir. Je m'en souviens comme si c'était hier, c'était le 17 mars 2017... C'est drôle le nombre 17 a toujours été mon préféré, aujourd'hui il t'es à jamais associé mon cœur.
Lorsque j'ai découvert que je t'attendais en novembre 2016 je n'y ai pas cru, aurions nous enfin un peu de chance après une attente de 2 ans et un premier traitement médical ? J'ai même fais croire à ton papa que la prise de sang était négative et le soir quand je lui ai offert le test avec le livre "les bras de papa" il a compris...
Mon cœur j'espère que tu m'excuseras de ne jamais avoir cru en toi, en nous. Dès le début les taux ont mal doublés, rapidement les saignements se sont installés, et chaque jour j'avais peur de te perdre. Et puis j'étais tellement malade que j'ai perdu 7kg en t'attendant, je n'aurai jamais profité de toi...
Mon amour j'aurai tout fait pour t'aider, j'ai consulté à plusieurs reprises m'alarmant de l'ampleur de ces saignements, mais on m'assurait que tu ne craignais rien, pire on se moquait de ma peur et du stress engendré par cette situation.
Je me souviendrais toujours de notre première vraie rencontre lors de la première échographie. Tu étais la perfection, et une petite fille à priori ...
Au fur et à mesure des consultations aux urgences on me faisait bien sentir que j'en faisais trop, alors j'ai pris sur moi, et chaque nuit le sommeil était entaché de ces terribles épisodes hémorragiques jusqu'à finir en sang en pleine nuit dans la baignoire de papi et mamie. C'est dur hein? Ben oui, je ne pouvais plus rester seule la journée car je n'osais plus bouger un doigt de pieds. Alors ils ont pris soin de nous deux...
Mon amour, le jour où j'ai insisté pour être hospitalisée quand le gynécologue a enfin constaté un soucis je savais que nous ne reviendrions pas ensemble. Le liquide amniotique était anormalement bas et j'y ai vu la confirmation de ce que je soupçonnais depuis plusieurs semaines... Je ne perdrais pas que du sang...
Cette semaine d'hospitalisation fut la seule période où je me suis reconnectée à toi, où j'ai culpabilisé de t'avoir renié presque car je savais que tu ne naîtrais jamais...
On m'a proposé une interruption de grossesse bien sûr, les mots ont été posés très brusquement, sans empathie, sans accompagnement. Ton papa et ta mamie se sont relayés auprès de moi et c'est la nuit du 9 mars 2017 qui a été décisive. Tu as décidé toi, de prendre la décision... La rupture de la poche des eaux a fait que l'accouchement s'est déclenché. Non pas encore une fois sans être confrontée à un personnel médical qui pensait que je fabulais et qui m'a assommée de calmants. Résultat un accouchement dans la douleur car quand j'ai enfin eu droit à la péridurale tu arrivais mon ange... Et tu étais un petit garçon, alors que nous commencions à faire le deuil d'une petite fille...
Nous t'avons appelé Maël qui signifie petit prince, parce que j'ai toujours aimé ce prénom (et parce que ta maman est fière de ses origines Bretonnes).
Mon tout petit nous sommes restés 2h avec toi, j'étais enfin surveillée comme l'huile sur le feu car tu comprends, avec le manque de suivi pendant mes saignements je suis tombée à 6,5 d'hémoglobine, un niveau proche de celui nécessaire pour être transfusée, plus bas c'est la perte de conscience, et peut être pire encore... J'ai dis que je voulais à tout prix éviter la transfusion car je voulais continuer à donner mon sang (oui ta maman est parfois bête).
Si j'avais fais une hémorragie pendant l'accouchement il est probable que j'y aurai eu le droit, ou pire encore...
Mon amour par la suite je fus un robot, incapable de m'occuper de moi car incapable de me lever et de marcher deux mètres sans vaciller, je me trainais paisiblement en pleurant et en hurlant pour que tu reviennes et que l'on te rende à moi. J'imaginais toutes ces choses que l'on aurait pu faire ensemble, c'est bête hein?
Il m'a fallu plusieurs mois pour retrouver un semblant d'énergie, et le courage de repousser les portes du service de procréation médicalement assistée...
Je suis tombée enceinte fin juillet 2017, tu aurais du naître début août... Était ce un signe de toi pour dire que tu laissais ta place ? C'est tellement dur toutes ces questions...
Ta petite sœur est née le 4 avril 2018, je suis restée presque toute ma grossesse allongée de peur que cela recommence. J'ai surpris ton arrière grand mère quand je lui ai annoncé ma grossesse à Noël 2017, et pour cause ! J'étais déjà enceinte de 6 mois... J'étais revenue chez papi et mamie car notre maison était en travaux. Plus tard ta mamie m'a confié que la nuit au moindre bruit elle craignait que cela recommence..
Mais tu étais là sans doute, ma bonne étoile, et Romane est née ... Suivie de ton petit frère le 27 octobre 2019 (quand je te dis que la vie est une farceuse)
Aujourd'hui ta petite sœur nous étonne de jour en jour, elle s'exprime si bien et avec tant de vocabulaire, elle commence à s'intéresser à "ton" étagère, tu sais, celle où se trouve ton doudou, ton bracelet de naissance et tes empreintes. J'essaie de lui expliquer mais je suis très maladroite. Je finis en larmes et du haut de ses deux ans c'est elle qui me console...
Comment lui dire ? J'ai peur de ne plus savoir...
Je ne souhaite pas lui cacher ton existence, mais plus elle est à même de comprendre les choses plus j'ai de mal à les dire.
Ne penseras t'elle pas qu'elle est là car son frère n'est plus? (ce qui est techniquement vrai il y avait moins de 9 mois entre les deux dates prévues de vos naissances respectives). Je ne veux pas qu'elle apprenne sur le tard ton existence et qu'elle se sente trahie. Je lui parle depuis bébé de toi mais c'est de plus en plus dur...
Et oui tu aurais eu 3 ans ce 7 août mon amour si la vie t'avais amené à bon port... Aujourd'hui la plupart des gens ont oublié, même papa n'est plus très au fait des dates. Mais peu importe, je te porte dans mon cœur chaque jour.
Le 22 décembre 2019 ton arrière grand père t'a rejoint. Cet homme qui a tellement compté pour moi et qui était devenu si fragile.
Quelques mois plus tôt j'avais enfin pris mon courage à deux mains pour lui révéler ton existence, il a très bien compris puisqu'il l'a répété à ta grand mère peu après.
J'aime à me dire que vous êtes ensemble tous les deux, la peine est plus supportable peut être... Ce ne fut pas un Noël très joyeux... Je n'ai pas eu le temps de lui présenter ton petit frère qui est né fin octobre... J'attendais ses premiers vaccins... Si j'avais su...
Mon cœur, je pourrais relire mon texte et corriger les fautes mais je n'ai plus assez de courage. Les larmes coulent déjà et je ne suis pas très discrète. J'ai toujours été très sensible et émotive mais comment ne pas l'être ?
Mon petit prince ce 7 août 2020 tu aurais eu 3 ans, je t'aurai acheté un petit cartable sans doute, et aurais pleuré comme toutes les mamans lors de ton premier jour de maternelle. La vie ne m'en a pas laissé le temps et j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps bien avant.
À toi mon étoile filante...
Ta maman qui t'aime