Pour mon tout-petit neveu Gabriel
Posté : 02 mai 2016, 11:22
J'ai un tout-petit neveu qui s'appelle Gabriel. Il est né sans vie le 16 mars 2016 alors qu'on l'attendait mi-août. Sa maman est ma soeur jumelle.
Je me souviens du jour où elle m'a appris au téléphone, après une échographie de routine, qu'il y avait peut-être quelque chose qui n'allait pas. J'aurais voulu la rassurer, lui dire "ne t'en fais pas, ça va aller", mais ce n'était pas possible.
Je me souviens du moment où elle m'a appelée le lendemain pour me dire qu'il était atteint d'un spina-bifida et que le médecin qui avait pratiqué l'échographie avait tout de suite parlé d'IMG. J'ai pleuré avec elle en répétant "je suis tellement désolée", parce que c'est ce que je ressentais : une immense désolation.
Je me souviens des jours d'après, ceux où, au réveil, on se souvient brutalement de la nouvelle, ceux où j'étais prise de crises de larmes. C'était les jours de l'attente de la décision. J'utilisais toujours le conditionnel en parlant de l'interruption de grossesse parce que je ne voulais pas avoir l'air de prendre parti. Je crois que nos parents et ceux du papa ont été soulagés lorsque le choix de l'IMG a été fait, parce qu'ils ne voulaient pas pour leurs propres enfants d'une vie avec un enfant très lourdement handicapé.
Je me souviens d'avoir demandé à ma soeur si ce n'était pas long d'attendre une dizaine de jours avant que l'accouchement ne soit déclenché. Elle m'a répondu que non, que c'était même très court. Alors j'ai compris que j'étais à côté de la plaque, qu'il n'y avait pas besoin que les choses s'enchainent vite maintenant que la décision était prise mais que ces jours-là étaient ce qu'il fallait pour se préparer à dire au revoir à cet enfant.
Je me souviens de la semaine de l'IMG. Comme tout le reste, je l'ai vécue à distance, avec le téléphone. Je me souviens surtout de cet appel, tard le soir, la veille de l'accouchement, j'ai entendu dans la voix de ma soeur l'angoisse et la peur face à la journée à venir. Je me souviens de ma propre fébrilité le lendemain, l'attente des nouvelles par SMS et puis le message de mon beau-frère annonçant que l'accouchement s'était bien passé, que ma soeur avait mis au monde un petit garçon qui s'appelait Gabriel. Je me souviens avoir ressenti beaucoup de joie et beaucoup de tristesse à la fois.
Et puis le plus dur a commencé : l'après. Quand la grossesse n'est plus là et quand l'enfant n'est pas là. Bien sûr, ce n'était pas ma grossesse, Gabriel n'est pas mon fils et ma douleur n'a assurément rien à voir avec celle de ma soeur, mais j'ai toujours mal, parce que je dois faire le deuil de mon tout-petit neveu et parce que voir ma soeur souffrir autant me fait souffrir moi-même. J'essaie d'être là tous les jours pour elle, de m'ajuster à son rythme et de trouver les mots justes pour la réconforter. Il faut aussi gérer les autres, l'entourage plus ou moins proche, ceux qui savent et qui souffrent aussi, ceux qui savent et qui veulent déjà tourner la page, ceux qui savent et qui ne comprennent pas (que les parents de Gabriel soient si tristes, que je sois encore triste...), tous ceux qui ne savent pas, à qui on n'a pas envie de le dire mais devant qui il faut faire bonne figure, et tous ceux qui ne savent pas encore mais à qui il faudra le dire et dont on ne sait pas comment ils réagiront.
Je n'en veux pas à ceux qui ne comprennent pas, à ceux qui n'arrivent pas à concevoir Gabriel comme un enfant, à ceux qui pensent qu'il suffit de vouloir tourner la page pour pouvoir le faire. Je ne leur en veux pas car chacun réagit à sa manière dans une telle épreuve. Je voudrais juste que tous ceux-là acceptent aussi ma réaction et celle de ma soeur, même si elles dépassent leur entendement.
J'espère très fort qu'il y aura bientôt une autre grossesse, qu'elle se déroulera cette fois sans encombres, que ma soeur accouchera à terme d'un beau bébé en bonne santé. Je l'espère de tout mon coeur. Je crois que cela comblera un peu le vide laissé par Gabriel. Mais j'ai conscience qu'aucun autre enfant ne le remplacera. J'espère ne jamais oublier de me souvenir de Gabriel.
A vous toutes qui me lirez et qui aurez certainement vécu une IMG ou allez vivre une IMG, je vous souhaite tout le courage du monde pour affronter cette épreuve et de trouver ensuite le chemin qui vous permettra d'aller mieux et de retrouver le goût de la vie.
Je me souviens du jour où elle m'a appris au téléphone, après une échographie de routine, qu'il y avait peut-être quelque chose qui n'allait pas. J'aurais voulu la rassurer, lui dire "ne t'en fais pas, ça va aller", mais ce n'était pas possible.
Je me souviens du moment où elle m'a appelée le lendemain pour me dire qu'il était atteint d'un spina-bifida et que le médecin qui avait pratiqué l'échographie avait tout de suite parlé d'IMG. J'ai pleuré avec elle en répétant "je suis tellement désolée", parce que c'est ce que je ressentais : une immense désolation.
Je me souviens des jours d'après, ceux où, au réveil, on se souvient brutalement de la nouvelle, ceux où j'étais prise de crises de larmes. C'était les jours de l'attente de la décision. J'utilisais toujours le conditionnel en parlant de l'interruption de grossesse parce que je ne voulais pas avoir l'air de prendre parti. Je crois que nos parents et ceux du papa ont été soulagés lorsque le choix de l'IMG a été fait, parce qu'ils ne voulaient pas pour leurs propres enfants d'une vie avec un enfant très lourdement handicapé.
Je me souviens d'avoir demandé à ma soeur si ce n'était pas long d'attendre une dizaine de jours avant que l'accouchement ne soit déclenché. Elle m'a répondu que non, que c'était même très court. Alors j'ai compris que j'étais à côté de la plaque, qu'il n'y avait pas besoin que les choses s'enchainent vite maintenant que la décision était prise mais que ces jours-là étaient ce qu'il fallait pour se préparer à dire au revoir à cet enfant.
Je me souviens de la semaine de l'IMG. Comme tout le reste, je l'ai vécue à distance, avec le téléphone. Je me souviens surtout de cet appel, tard le soir, la veille de l'accouchement, j'ai entendu dans la voix de ma soeur l'angoisse et la peur face à la journée à venir. Je me souviens de ma propre fébrilité le lendemain, l'attente des nouvelles par SMS et puis le message de mon beau-frère annonçant que l'accouchement s'était bien passé, que ma soeur avait mis au monde un petit garçon qui s'appelait Gabriel. Je me souviens avoir ressenti beaucoup de joie et beaucoup de tristesse à la fois.
Et puis le plus dur a commencé : l'après. Quand la grossesse n'est plus là et quand l'enfant n'est pas là. Bien sûr, ce n'était pas ma grossesse, Gabriel n'est pas mon fils et ma douleur n'a assurément rien à voir avec celle de ma soeur, mais j'ai toujours mal, parce que je dois faire le deuil de mon tout-petit neveu et parce que voir ma soeur souffrir autant me fait souffrir moi-même. J'essaie d'être là tous les jours pour elle, de m'ajuster à son rythme et de trouver les mots justes pour la réconforter. Il faut aussi gérer les autres, l'entourage plus ou moins proche, ceux qui savent et qui souffrent aussi, ceux qui savent et qui veulent déjà tourner la page, ceux qui savent et qui ne comprennent pas (que les parents de Gabriel soient si tristes, que je sois encore triste...), tous ceux qui ne savent pas, à qui on n'a pas envie de le dire mais devant qui il faut faire bonne figure, et tous ceux qui ne savent pas encore mais à qui il faudra le dire et dont on ne sait pas comment ils réagiront.
Je n'en veux pas à ceux qui ne comprennent pas, à ceux qui n'arrivent pas à concevoir Gabriel comme un enfant, à ceux qui pensent qu'il suffit de vouloir tourner la page pour pouvoir le faire. Je ne leur en veux pas car chacun réagit à sa manière dans une telle épreuve. Je voudrais juste que tous ceux-là acceptent aussi ma réaction et celle de ma soeur, même si elles dépassent leur entendement.
J'espère très fort qu'il y aura bientôt une autre grossesse, qu'elle se déroulera cette fois sans encombres, que ma soeur accouchera à terme d'un beau bébé en bonne santé. Je l'espère de tout mon coeur. Je crois que cela comblera un peu le vide laissé par Gabriel. Mais j'ai conscience qu'aucun autre enfant ne le remplacera. J'espère ne jamais oublier de me souvenir de Gabriel.
A vous toutes qui me lirez et qui aurez certainement vécu une IMG ou allez vivre une IMG, je vous souhaite tout le courage du monde pour affronter cette épreuve et de trouver ensuite le chemin qui vous permettra d'aller mieux et de retrouver le goût de la vie.