Ma bête à bon Dieu

Coccinelle79
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Ma bête à bon Dieu

Message par Coccinelle79 »

C'est le premier mois sans toi.
Pas un soir sans que je ne te souhaite une bonne nuit. Puis, pas une journée sans que je te pleure, ma fille, bien que certains jours soient un peu plus ensoleillé que d'autres.
Je n'éprouve pas trop de colère, bien qu'il m'arrive d'avoir envie de hurler la vie qui t'a arraché à nous si brutalement : pourquoi nous ? Pourquoi toi ? Tu étais tellement parfaite, il m'était impossible d'imaginer un si bel enfant. Ma vie se résume au néant qui m'envahit par moments, alors je dois me ressaisir pour me rappeler ce qu'il me reste, puisqu'il ne me reste pas toi. Ton papa fait bonne figure, mais il est désemparé face à mon chagrin. Il est absolument extraordinaire, tu le sais parce que je te l'ai dit avant qu'il nous rejoigne pour te dire au revoir. Il nous le prouve au quotidien. Je l'aime, je pensais que je ne pourrais pas aimer aussi fort que je l'aime et pourtant tu es arrivée. Et aujourd'hui, je continue de l'aimer mais plus comme avant. Mon être entier lui était auparavant dévolu, aujourd'hui une partie de mon être n'est qu'à toi. Et même s'il est évident que ta décision était la bonne, chaque jour je me réveille en espérant que tout cela n'est pas réellement arrivé. Mais mon corps et mon âme me rappellent à l'ordre : tu n'es plus là, tu ne le seras jamais. Tu as bénéficié de 24h pour changer la vie de ta famille dans son intégralité, et nous avons le reste de notre vie à te pleurer. Je m'oblige à rester digne le plus possible, mais la peine finit souvent par avoir le dessus. Je me sens seule et vide de toi. 2020 devait être notre année, c'est finalement l'année du chaos. Aujourd'hui je me sens si faible, alors que je reste persuadée que dans plusieurs années je serai pourtant si forte grâce à toi et à ce que nous vivons. Je rêve si fort de pouvoir un jour avoir la chance de m'occuper de mon enfant, vu que je n'ai pas pu m'occuper de toi, et pourtant j'ai si peur de ne pas pouvoir l'aimer autant que toi. Si nous devions te donner une petite sœur, nous serions tellement embêtés à lui trouver un prénom, car seul le tien nous plaît et devait être le seul prénom qui aurait comblé notre famille. Je sais que tu aurais dû être la seule. Aujourd'hui, constatant l'horreur dans son simple appareil, je me dis que nous devrions profiter de chaque instant, mais je n'en ai pas la force. Me lever est à la fois un doigt tendu bien haut à la vie, parce que je ne veux pas me laisser abattre ; mais c'est aussi comme si je continuais ma vie sans penser à toi. Sauf que je pense à toi tout le temps. Il n'y a que moi qui t'ai connu le plus, je souffre tellement dans mes entrailles d'avoir le ventre si vide de ta présence, et le cœur si plein de ta présence. Ne m'oublie pas je t'en supplie, montre moi dès que cela est possible que tu es près de nous. Je sais que des gens s'occupent bien de toi là-haut : eux aussi je les ai pleuré mais jamais comme je te pleure toi. Je sais qu'ils te parleront de tes parents et que tu seras aussi fière que nous d'avoir été conçue par un tel amour qui unit ton papa et ta maman.
Un jour je sais que je me sentirais pleinement maman, parce que je n'ai pas l'impression d'être la tienne. Une maman donne la vie, pas la mort. Tu es ma fille, mais je ne suis pas ta maman. Quand j'irai mieux, je verrais les choses autrement, j'en suis sûre. Mais pour le moment je ne suis qu'une coquille vide. Je suis vide de toi, et pleine d'émotions qui ne me correspondent pas : je suis envieuse, jalouse, haineuse, apathique. Je pourrais tuer pour te récupérer s'il m'en était donné la possibilité. Qu'est-ce que je ne ferais pas, si nous pouvions t'avoir près de nous ? Et pourtant je suis persuadée qu'il y a des situations bien pires que la nôtre, bien que je n'arrive plus à me sentir touchée par les autres.
N'oublie jamais que dans cette terrible situation, aucune personne peut ne pas t'aimer. Toutes les personnes qui t'ont espérées t'aiment plus que tout.
Ce mois-ci, ton papa et ton tonton ont repeint et réaménagé "ta" chambre. J'entends ton papa qui enlève tous les stickers qu'on avait collé au mur. Nous avions soigneusement choisi chaque emplacement. Tu n'as jamais dormi dans cette pièce mais nous t'y avions tant imaginé... je n'arrivais pas à y entrer tant que tout n'était pas modifié. Désormais je rentre, mais je n'arrive pas à y rester.
Je suis aussi allée rendre visite au travail, j'avais besoin de remettre les pieds au Foyer pour battre le fer tant qu'il est chaud. C'était fatiguant mais je suis contente d'avoir revu toutes ces personnes que j'apprécie. Ceux que j'ai vu se comportent bien avec moi, ils me parlent de toi et ne nient pas notre vécu.
Il a fallu ce mois-ci annoncer aux retardataires que nous t'avions perdu pour toujours. Il y aura toute une période difficile où toute personne de plus en plus éloignée de nous ne sera pas informée...
C'est aussi à l'approche de tes 1 mois que j'ai entamé un suivi thérapeutique. Je n'ai fait qu'une séance, c'est le début. Ta perte provoque en moi une telle tristesse que je ne pourrais combattre seule qu'il faut m'accompagner. J'espère que ça ira "vite" mieux... tu sais que je suis impatiente... mais je sais que rien n'ira vite, car j'aurais ton absence jusqu'à la fin de ma vie et rien ne pourra rien y changer.
Je t'aime.
Alexia.
MFIU en cours d'accouchement : ma Coccinelle 2020 décédée à sa naissance. 👼🐞
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Coccinelle79
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Re: Ma bête à bon Dieu

Message par Coccinelle79 »

Deuxième mois sans toi ma fille. Un deuxième mois très étrange, et très difficile.
Étrange parce que nous sommes en période de pandémie, tout un chacun doit rester confiné chez lui.
Difficile parce que ce confinement aurait dû se passer avec toi. Ton papa ne travaille que 2 jours par semaine, nous aurions pu passer de merveilleux moments à veiller sur toi, à t'observer grandir. Ce qui est d'autant plus difficile que nous avons eu les résultats de ton autopsie. Tu n'avais rien. Tu étais parfaite. En parfaite santé. Parfaitement parfaite. Si belle. Si bien formée. On nous dit juste "C'est la vie" pour expliquer une bradycardie inexpliquée, d'une durée inconnue.
En 1h, tu as disparu. As-tu souffert ? Personne ne peut me le dire avec exactitude, mais cela me hante.
J'enchaîne les nuits blanches qui sont si sombres pourtant, du fait de cette colère immense qui prend racine en moi et dont je n'arrive pas à me défaire. Quand je suis dans cet état, ton papa ne m'aide pas vraiment. Ce que je croyais être de la pudeur pour ne pas me rajouter de peine, je m'aperçois finalement qu'il est beaucoup plus détaché que moi dans cette histoire. Il me dit qu'il sait que là où tu es, tu ne souffres pas alors que tu aurais pu vivre avec de nombreuses séquelles. Mais là où tu aurais été le mieux, c'est dans mes bras, en bonne santé. L'injustice de la situation me ronge. Je peux passer des jours entiers sans adresser la parole à quiconque, parce qu'aucun mot n'arrive à sortir de ma gorge, même si je le voulais.
Ce que je suis habituellement, cette forteresse d'apparence impénétrable, surplombant l'océan de la vie, isolée de tout, mais remplie de forces armées, prêtes à faire face au moindre danger ; cela n'est plus. Je ne suis qu'une vieille bâtisse, attaquée par l'ennemi : la douleur, la tristesse, la peur.
Les forces ne sont plus égales. Je n'arrive plus à faire face. Je me fais détruire, la bâtisse tombe en ruines, elle s'effrite. Je m'effrite. Et quand je relève la tête, je le vois, j'imagine les soldats blessés, sidérés de l'attaque, ils errent, ne sachant où aller car peu importe où ils vont, des traces de l'attaque sont présentes. "Colosse aux pieds d'argile". Je ne suis pas forte. Je suis faible. Je suis traumatisée.
Je suis traumatisée depuis des années, colmatant petit à petit les dégâts des attaques passées de la vie. Un abandon paternel ; des deuils à répétition ; des relations toxiques aussi bien personnelles que professionnelles... Et pourtant à chaque attaque, je reviens, plus forte que jamais, je ressurgis de cet océan de la vie qui aurait voulu m'engloutir mais NON ! L'enfer c'est moi ! Jamais je ne trépasse...
... jusqu'à toi. Jusqu'à ton départ.
Comment une si petite fille peut-elle mettre à mal 27 ans de carapace ? 27 ans de douleur dont la plupart ne sait même pas comment j'en suis ressortie vivante ? La mort d'un enfant bouleverse l'ordre établi... tu as réussi à bouleverser ma vie, qui j'étais, qui je suis et qui je deviendrai.
Au milieu de cette allégorie de moi-même, si brute, si dure ; mon souhait le plus cher est de te pouponner. Moi qui n'ai jamais été tendre, je veux te cajoler, je veux enfouir ma tête contre ton corps si chaud, si potelé. Si parfait. Tu aurais pu me rendre tellement meilleure que je ne le suis. Un enfant bouleverse une vie. As-tu imaginé un tel bouleversement pour nous ? Suis-je réellement obligée de continuellement commencer par le pire, avant d'obtenir le meilleur ? Si oui, est-il vraiment possible d'obtenir mieux que toi ? Malgré cette sensation d'inachevé de cette grossesse, la réalité c'est que cette grossesse est achevée. Elle ne s'est pas achevée comme je le voulais. Mais elle est finie. Et retomber enceinte pour aboutir à un enfant vivant ne te fera pas revenir. Ce ne sera pas toi. C'est toi que je veux, pas un autre.
Pourtant, depuis 2 jours je vois des arc-en-ciel régulièrement. Pas dans notre ciel car il fait particulièrement beau, mais sur des photos. Auparavant je n'avais pas l'impression d'en voir si souvent... est-ce que j'y fais davantage attention ? Est-ce toi qui m'envoie un signe pour me faire comprendre que nous aussi, nous y aurons droit un jour au calme après la tempête ? Je vais m'accrocher à la 2nde option, et y repenser quand les jours seront durs. J'y crois encore plus quand j'ai trouvé une coccinelle sur le carrelage hier soir. Je sais que c'est toi.
Malgré le petit regain d'espoir des quelques derniers jours, je sais que dans 15 jours je suis censée reprendre le travail. Je ne l'imagine même pas. Comment retourner là-bas, dans ce contexte sanitaire si anxiogène ? Ai-je vraiment besoin de ça ? Je ne crois pas. Revenir et faire semblant alors que je suis dévastée ? Impossible. Revenir pour écouter aimablement les futilités des personnes accueillies ? Inenvisageable.
La forteresse vue du dessus n'est qu'un néant où tout disparaît à travers. Ta maman n'est pas celle qui devait être. Pardonne-moi de cette faiblesse, mon amour.
Je saurai te faire honneur, un jour.
Je t'aime.
Alexia.
MFIU en cours d'accouchement : ma Coccinelle 2020 décédée à sa naissance. 👼🐞
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Ma petite Aleyna
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Re: Ma bête à bon Dieu

Message par Ma petite Aleyna »

Bonjour Coccinelle,

Une douce pensée à toi et ta fille aujourd'hui.. Jour également très important à mes yeux... 2 mois sans nos bébés quelle dure réalité de la vie😔
Les journées passent et ne se ressemblent pas toutes, chacunes avec son lot de joie, de peine, de peur, d'attente... Enfin pleins de sentiments qui s'en mêlent.

Le confinement est long, l'attente de l'appel des pompes funèbres pour récupérer sa petite urne.. Ils ont beaucoup à faire certe en ces temps compliqués mais je n'ai qu'une hâte tout de même c'est d'avoir mon bébé à nos côtés.

Beaucoup de force et de courage à toi en ce 12 du mois !

Nos petites filles sont réunies encore plus en ce jour si spécial à leurs yeux comme au notre. On les embrasse fort fort fort ! Je t'embrasse également et regarde le ciel ce soir il brillera encore plus que les autre jours^^ se seront leur petit signe pour mettre malgré tout le sourire aux lèvres😘😍❤️
Ma petite poupée Aleyna dans nos coeurs pour toujours :)
Paranges depuis le 12.02.20..
OLIVIA, bébé arc en ciel née le 26.02.21 🌈🤞😍
Coccinelle79
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Re: Ma bête à bon Dieu

Message par Coccinelle79 »

Mon bébé,
Tu as 3 mois. Ça sonne aussi la fin du déconfinement. J'aimerais y voir un signe selon lequel le fait de revivre "normalement" soit à la fois collectif, mais aussi personnel. Cette date serait-elle le point de départ pour une vie plus douce pour nous, tes parents ?
Il paraît que pour une femme, après une grossesse, il y a le "quatrième trimestre" : le voici écoulé. C'est effectivement nécessaire, rien que physiquement ! Alors, dans une telle épreuve, elle est vitale. Nous avons eu la chance d'avoir pu passer ces 3 mois tous les deux, avec ton papa. Tous les deux. Alors qu'on devrait être tous les 3. Mais tu sais ce que ton père me dit toujours : elle n'est pas là physiquement, mais elle est là tout le temps. Cela reformule à sa façon ce que Victor Hugo pouvait écrire en son temps : "Tu n'es plus là où tu étais, mais tu es partout où je suis." Et c'est vrai. Tu es la première et la dernière pensée de tellement de gens depuis ton départ. Qui de nous ne pense pas à toi en premier, quand on ouvre les yeux ? Ces yeux que toi, tu n'as jamais ouverts.
J'espère que ta présence perpétuelle dans mon cœur et au-dessus de mon épaule me permettra d'envisager un avenir plus doux. L'avenir n'est pas aussi radieux qu'il aurait dû être, puisqu'il aurait dû se dessiner avec toi. Au bout de ces 3 mois, pourtant, j'ai la sensation que mon âme est un peu moins meurtrie qu'elle ne l'a été les semaines précédentes.
Je t'imagine dans mes bras à chaque activité que je mène. J'imagine tous les jours ce à quoi tu aurais ressemblé, tant physiquement que dans ton caractère. Tu avais tout le haut de ton visage qui est celui de ton père, et le bas du mien. De grands et beaux yeux associés à une goule toujours ouverte ! Exactement ce que nous souhaitions de toi : une poupée révoltée. Et quand j'imagine tout cela, je peux ne pas pleurer. Mais, je ne suis pas dupe, je sais qu'un jour ou l'autre, le manque de toi se postera dans mon cœur inopinément et me fera retomber. Et cela ne se produira pas une fois, ni 10 fois... mais tellement de fois jusqu'à la fin de ma vie. Mais les forces que je reprends aujourd'hui sont autant de munitions pour affronter les vagues de douleurs qui reviendront.
Aujourd'hui, l'amour que je te porte mais que je ne peux pas te montrer me frustre, je perds mes repères d'avoir la sensation d'aimer sans objet. Mais je sais qu'un jour, l'amour que je te porte deviendra mon étendard pour vaincre le noir qui va essayer d'obscurcir ma vie.
Je suis plus forte que ça.
Nous sommes plus forts que ça.
Tu nous rends plus forts sans toi.
Et sois assurée que nous t'aimons aussi fort que si tu avais été là.
Alexia.
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Coccinelle79
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Re: Ma bête à bon Dieu

Message par Coccinelle79 »

Ma toute petite fille,
Tu as 4 mois maintenant.
Je pourrais déjà essayer de commencer à te donner quelques cuillerées de purée ou de compote, que ton père aurait fait rien que pour toi. Il en aurait été tellement fier. Je l'imagine lui aussi : "Regarde la belle purée de papa !", aurait-il scandé.
Comment ça se passe pour toi, là-haut ?
Es-tu avec ton petit copain, I. ?
Ici, en bas, copain Papillon est né. Il dit qu'il aurait aimé te connaître. Nous aussi, on aurait aimé ça.
Je te parle souvent à haute voix.
Heureusement que je suis seule la journée ! J'en profite pour te prier, pour te dire tout ce que j'ai besoin de te dire, que tu ne sais sûrement déjà.
Rares sont les moments où je ne me dis pas : "Et là, qu'est-ce ce qu'il serait en train de se passer si elle était là ?"
Mais en vrai, dis-moi, tu es là, n'est-ce pas ? Plus ou moins loin, tu nous observes ? Tu nous veilles ? Tu nous réconfortes ?
Mais quel enfant de ton âge, devrait observer, veiller et réconforter ses parents ? Aucun. Tu ne devrais pas. C'était à nous, tes parents, de faire cela à ton égard.
En cela, la Fête des Mères a été une épreuve.
Comment ne pas avoir l'impression de faillir à mon rôle, à mon statut, alors que tu n'es pas là ? Comment prendre conscience de sa place de maman quand nous sommes les seuls à savoir ? Car, personne ne pense vraiment à nous, sur cette journée-là... Pourtant, je suis une maman. Ta maman. A plus d'un égard. Je t'ai porté dans mon ventre, 9 mois. Je t'ai porté dans mes bras, 1 heure. Je te porte dans mon cœur, à tout jamais jusqu'à ma mort. Je suis une maman parce que depuis tes plus petites cellules, je veux te protéger, je veux t'apporter le meilleur. Je l'ai fait aussi longtemps que possible. Merci, ma fille, de m'avoir donné l'entièreté de ton développement, pour t'avoir avec moi. Mais... je regrette tellement de t'en avoir voulu de nous priver de tes babillages, de tes sourires, et même de tes vomis.
Je le sens, la vie continue, et elle s'accélère petit à petit. Pour nous, ça ne fait que 4 mois. Déjà 4 mois. Pour les autres, c'est déjà oublié. Pour nous cela ne s'oubliera jamais. Quoiqu'il advienne dans l'avenir, tu es notre plus belle union, tu nous lis, ton papa et moi, dans le monde d'après. Nous restons toujours aussi soudés dans le monde d'ici, il reste mon pilier quotidien. Je suis certaine que de là où tu es, tu nous insuffles toute la force nécessaire pour tenir. Mais pourtant, tu le vois, les jours ne se ressemblent pas, et les jours noirs reprennent leur place à cette période mensuelle terrible qui ne nous épargnera jamais. Tu me manques atrocement. Ma gorge se serre, mon cœur semble s'arrêter un instant avant de frapper fort dans ma poitrine, comme pour indiquer que je suis encore obligée de vivre un nouveau mois sans toi. Le "bang" qui sonne le début d'un nouveau mois, un nouveau chemin de croix. Et alors, un vortex semble s'ouvrir dans ma poitrine et mon corps y est aspiré au fond sans qu'il ne puisse se débattre. A-t-il vraiment envie de s'en réchapper ? Pourtant..
.. Il faut continuer. Tu sais que jamais je ne baisserai les bras : ce sont mes jambes que je compte utiliser
...Je ne peux plus continuer. Parfois, mes jambes deviennent lasses, trop faibles pour me porter.
...Je vais continuer. Je t'en supplie, alors que moi je ne te verrai jamais marcher, donne-moi encore la force d'avancer.
Chaque mois est un mois de moins à passer avant que je ne te retrouve.
À très vite, mon amour.
Maman.
Alexia.
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Coccinelle79
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Re: Ma bête à bon Dieu

Message par Coccinelle79 »

Mon amour de ma vie,
Les quelques jours qui ont entourés ton 4e anniversaire n'ont été que tristesse, morosité et chaos. Se lever avec l'envie de mourir, quel drôle de sentiment.
Puis... les jours d'après ont pris une coloration différente.
Je ne veux plus être cette maman qui se laisse aller, même si j'aurais toutes les raisons du monde de ne faire aucun effort. Mais, pour toi de là-haut et pour ton papa ici, je me dois de faire ces efforts. Je ne veux pas perdre ce que je possède encore.
Alors, je suis sortie.
Je suis allée chez le coiffeur.
J'ai bu du vin.
J'ai ai ri aux éclats.
Je t'ai apporté des fleurs.
Je suis allée en vacances.
J'ai repris mon travail.
Ma vie est sensiblement identique à avant, avec 10kgs de plus dans mes pantalons, et 3.520kg de moins dans mon ventre.
Je fais ce que j'avais projeté de faire, si tu avais été là. Ma vie ne doit pas se résumer à ta perte, sauf si celle-ci est le moteur que j'attendais. Si tu avais été là, tu aurais pris tout notre temps. Tu n'es pas là, mais tu dois prendre tout mon temps quand même. Pour te penser. Pour me panser.
Je souhaite reprendre ma vie d'avant sans être tout à fait comme avant. Je remonte doucement la pente, même si je glisse parfois. Ton papa commence à glisser davantage, il est fatigué. C'est son tour. Cette différence entre nous ne nous atteint pas; tu le sais. Si ton départ ne nous fait rien, rien ne pourra jamais nous atteindre suffisamment pour ne plus être ensemble. Si ce n'est la mort, la nôtre.
Merci pour ta force. Je fais au mieux pour que tu sois fière de moi, de nous, de là où tu te trouves.
Mais sois bien sûre que, au pire des moments, quand les ténèbres prennent possession de mon esprit, je t'aime.
Alexia.
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Coccinelle79
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Re: Ma bête à bon Dieu

Message par Coccinelle79 »

Mon amour,
Nous fêtons tes 6 mois aujourd'hui. Voilà aussi 7 ans que je partage la vie de la meilleure personne qu'il m'ait été donnée de rencontrer, avant toi.
Déjà 6 mois. Quand je vois les "nouvelles mamans" donner juste naissance, je les envie. Je les trouve tellement plus maman que moi.
Moi qui, initialement, avait peur d'avoir des enfants, peur de ne pas savoir m'y prendre, rejetant alors l'idée d'être un jour enceinte. Aujourd'hui, je les jalouse, je les maudis, je te pleure. Je ne demande qu'à revenir en arrière, ou à accélérer le temps, pour tenir contre moi un autre enfant qui nous achèvera de bonheur, et achèvera notre statut de parents. Cet enfant aura la sœur la plus scintillante qui soit. La plus absente, aussi.
Je sais que l'âme de ce futur enfant est là, quelque part, il nous attend autant que nous l'attendons. L'attendons-nous aussi intensément que toi ?
Mais en attendant ce jour, il me faut trouver d'autres cordes pour remonter vers la lumière de la vie. Ne pas se contenter que de l'espoir d'un nouvel enfant, trouver des alternatives, se sentir vivant malgré le trou béant dans mon âme.
C'est en cela que reprendre mon activité professionnelle m'a permis d'investir mon temps et mes espoirs dans d'autres relations, dans d'autres projets. Planifier les vacances nous permet également de souffler un peu, penser à quelque chose de plus superficiel et de moins douloureux.
Ces futilités quotidiennes me permettent de jeter le voile quelques heures sur le fait que je ne serai jamais entièrement heureuse. J'ai souvent et longtemps cru que je ne l'étais déjà pas. Il a fallu que tu disparaisses, pour me faire comprendre qu'en réalité, je n'étais pas si malheureuse que ça. J'ai compris maintenant, tu peux revenir. J'aimerais que tu reviennes. Je sais que tu ne reviendras jamais.
Tu ne reviendras pas. Alors, c'est moi qui vais venir à toi, tôt ou tard.
Chaque jour qui passe me rapproche de ce que j'attends.
Je t'aime, ma demie-année.
Alexia.
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Coccinelle79
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Re: Ma bête à bon Dieu

Message par Coccinelle79 »

Mon amour,
J'ai envie de te demander comment tu vas ?
Tu sais qu'ici, les dernières semaines ont été difficiles. Alors que je pensais remonter doucement la pente, il s'est avéré que les vacances qu'on attendait tant, ton papa et moi, m'ont mises plus bas que terre.
Qui sont donc ces familles heureuses et ces enfants vivants qui ont troublés mes jours, qui m'ont agressés tant visuellement que moralement ? Nous avons écourté les vacances pour rentrer chez nous. Chez nous, pour me sentir en sécurité, pour me sentir plus près de toi, et protégée du monde extérieur.
Je sais que cette attitude a mis ton papa dans l'embarras, mais jamais il ne m'a fait de reproche. Heureusement qu'il est là, même si, je le sens, je m'en éloigne lorsque tu me manques autant. J'ai la sensation que la cicatrice s'est réouverte violemment : comment aurais-tu été ? Quel aurait été ton caractère, ton rire ? Ton absence, le manque de toi, me font me replier sur moi-même, et la colère rejaillit contre tous. Je déteste les gens. Je déteste la vie. Je me déteste.

Chaque jour est un fardeau.
Mais la reprise du travail, ce milieu où tu aurais pu atterrir si tu avais été vivante, mais fragile, me fait relativiser quant à ta disparition. Jamais je n'aurais pu tolérer que tu puisses vivre dans un endroit comme celui où j'exerce, malgré tout l'amour et la dévotion que j'accorde à mon emploi, mes collègues et mon établissement. Tu as eu raison de partir. Tu as eu raison de refuser cette vie vulnérable, chaotique. Merci de nous permettre d'être malheureux, mais soulagés. Nous t'admirons pour ce choix. Nos choix doivent pas être guidés par nos peurs, et tu n'as pas eu peur de préférer l'envol plutôt que cela.

Et enfin, merci pour le cadeau que tu nous fais aujourd'hui. Tes 7 mois sont aussi la fin de mon premier trimestre de cette deuxième grossesse, ce petit frère que tu nous offres.

Je t'aime. Tu me manques.
Maman.
Alexia.
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Coccinelle79
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Re: Ma bête à bon Dieu

Message par Coccinelle79 »

Mon amour,
Déjà 8 mois sans toi.
Ce mois-ci, j'ai l'impression que cette épreuve fait partie d'une ancienne vie. Comme si quelque chose s'était amorcé en moi, un nouvel élan. Est-ce ton petit frère, que je couve, qui est à l'origine de ce regain de force ? Est-ce mon tempérament habituel, celui de se montrer exemplaire en toute situation ?
J'apprends à m'entourer, j'apprends à être encore plus exigeante pour moi-même. Je dois être ce roc, que rien n'abîme. Malgré les mers déchaînées contre mes parois, je reste, je me laisse engloutir en sachant que, quoiqu'il advienne, tout sera bientôt plus calme avant la prochaine tempête.
Ce mois d'octobre est un combat, celui de la sensibilisation au deuil périnatal, briser ce tabou qui nous entoure et qui entoure tellement de gens. Oser en parler, initier les échanges, prouver qu'il n'y a pas de honte à avoir : j'ai un enfant, il est mort. Et alors ?
Tu sais que j'adore ça, les combats. Ce qui me paraît juste me porte. Je me transcende pour ce qui me semble bon. Et faire exister nos enfants disparus me semble être un juste combat. L'épreuve que tu nous fais vivre nous impose d'être encore plus fort, de prendre une place dans la société. Je la prends cette place, rassure-toi, je suis solide.
Je suis solide... d'apparence. Mais seules certaines personnes savent que je peux m'effriter à chaque instant. "Mes enfants : ma force et ma faiblesse" mais comme c'est vrai. Je n'avais jamais pris conscience de ce que cela pouvait signifier, mais cela résonne tellement en moi. Toi qui n'est plus là, ton frère qui n'est pas encore tout à fait là. Et pourtant, ceux pour qui je ferai n'importe quoi, tout en ayant une crainte de tout.
Ma vie me semblait tellement plus simple il y a 10 ans, lorsque je ne possédais rien. Ni mari, ni enfants, ni avenir. Mourir ne me faisait pas peur. Peut-être même que j'attendais gentiment qu'elle vienne me chercher. Et puis, peu à peu, ma vie m'a donné des trésors : ton papa ; mes amis ; toi et bientôt ton frère dans mes bras.
Je n'avais rien à perdre. Je n'avais peur de rien.
Aujourd'hui, j'ai tout à perdre. J'ai une peur folle, qui m'assaille le ventre. Mais JAMAIS je ne leur montrerai cet aspect de moi. Chacun doit croire en moi comme ce rocher qui soutient la falaise.
Mais à toi, je peux te le dire tout ça, toutes mes faiblesses les plus profondes. Tu ne me juges pas. Tout comme je ne te juge pas d'avoir préféré prendre ton envol.
J'aurais pu faire le vœu de te garder, mais je préfère autant que tu prennes tes propres décisions comme je l'aurais fait moi-même. Et je t'aime tellement pour ça. Pour oser ce que je n'ose peut-être pas suffisamment.
Merci de m'avoir ouvert le chemin.
On se retrouvera au bout.
À très vite, mais pas trop vite.
Maman.
Alexia.
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Re: Ma bête à bon Dieu

Message par Coccinelle79 »

Ma chérie,
Première journée de sensibilisation au deuil périnatal pour nous. Tu m'as ouvert les yeux sur les drames du monde.
Aujourd'hui, dans 4 mois tu auras 1 an.
Aujourd'hui, ton petit frère a 4 mois dans mon ventre.
Aujourd'hui, je veux bien lâcher les vannes.
Mais demain, puisses-tu encore me donner la force de vivre un jour de plus sans toi.

Tu me manques tant.
Ma J.
Alexia.
MFIU en cours d'accouchement : ma Coccinelle 2020 décédée à sa naissance. 👼🐞
"Seigneur, fais moi un arc-en-ciel, je le ferais briller sur ma mère." : petit Scarabée 2021 🐊🌈
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