Forum de l'association Petite Émilie

Bonjour,

Je viens d'interrompre ma grossesse à 15 SA, car le foetus était atteint de T21 et complications (hygroma cystique important) qui auraient conduit à un pronostic vital très mauvais.

Le problème a été repéré à l'échographie il y a exactement 3 semaines, tout s'est vite enchaîné et la prise de décision a été bien évidemment très douloureuse. Les émotions jusqu'à l'interruption ont été extrêmes. Puis la décision d'arrêter m'est apparue la seule issue.

L'interruption s'est faite à l'hôpital par chirurgie sur 2 jours, par un procédé de dilatation et évacuation. Physiquement douloureux pour la préparation du col, l'opération elle-même s'est très bien passée sans douleur et sous sédation inconsciente (c'est ce qui est préconisé aux états-unis ou je vis, pas d'accouchement déclenché et tant mieux pour ma part). Le foetus est extrait et nous avons opté pour que l'hôpital l'incinére, pas de cérémonie (nous ne sommes pas religieux).

Ca fait 1 semaine que c'est fait. Je me sens plutôt bien physiquement et moralement. J'ai perdu ma grossesse, mon foetus garçon qui aurait été un petit frère pour ma fille de 3 ans qui était si contente de l'arrivée d'un bébé.

Je suis triste régulièrement, en colère aussi, jalouse fortement des autres femmes enceintes pour qui tout se déroule bien... Je m'étonne que la douleur morale ne soit pas plus intense ou violente.

Nous ne lui avons pas donné de prénom, pas de cérémonial. J'ai l'impression que lorsque nous avons appris cette tragédie, je n'étais pas complètement investie dans cette grossesse, j'avais peur de la fausse couche ou que qqch se passe mal. Du coup, je n'arrive pas à personnifier ce foetus comme mon fils. Même si je suis triste par moment.

Est-ce normal ? Devrais-je consulter qqn ? J'ai vu 2 psys différentes pendant la prise de décision mais je n'ai pas accroché, l'une avait l'air démunie devant le sujet, l'autre était informée mais pas du tout compatissante et trop subjective.

Bref, j'ai envie d'un nouveau bébé et j'ai peur de passer à autre chose trop vite et de ne pas donner l'importance nécessaire à cette perte.

Merci!
Davina

Bonjour

Tout d'abord Désolé pour cette dure épreuve que tu traverse.

J'ai moi aussi du prendre le choix de l'img pour ma petite Roxane qui était atteinte de spina bifida. J'ai appris cela le 10 février à 23sa, le 19 j'ai accouché de ma petite fille.
Les 9jours on été très dur pour moi, j'ai fais tout mon possible pour profiter de ma fille.
Une fois l'accouchement passé et que je l'avais dans mes bras toute cette tristesse à disparu et c'est transformé en joie de l'avoir rencontré.
Le week end j'étais à nouveau très triste, l'impression d'être seule, vide.
Hier mon compagnon à repris son travail, moi je suis en congés 8semaines, et comme toi je trouve que après tout ça je me sens plutôt bien, et comme toi toute ma grossesse je sentais que quelque chose n'allait pas, j'étais investie mais quelque chose me bloqué. Aujourd'hui Je pense que Roxane ma envoyer un signe.

Je sais que c'est ma fille je l'ai inscrite sur le livret de famille j'ai fais tout ce qu'il fallait pour qu'elle soit reconnue mais c'est vrai que j'ai du mal à réaliser que cest ma fille, qu'elle n'est plus la. Je regarde tous les jours les photos que j'ai faite avec elle et c'est à ces moments la que je réalise mais je ne me sens pas forcément triste j'ai ce même sentiment que le jour de l'accouchement ou j'étais heureuse de la voir.

Je pense que nous sommes toutes différentes. Certaines arrive à se sentir mieux en un mois, d'autres en plusieurs mois voir années.. Ce n'est pas parce que tu va bien que tu ne l'aime pas ou que tu n'a pas de coeur. Tu as accepté le fait que ton enfant n'aurait pas eu une belle vie.
J'ai moi aussi accepté que ma fille était malade et que c'était le meilleur choix pour elle de la laisser partir rejoindre les autres petits anges au lieu de la faire souffrir pendant des années. Et ça m'aide beaucoup je suis parfois triste surtout le matin mais je me dis que c'est malheureusement mieux ainsi, que dans ce malheur nous avons eu de la "chance" D'avoir pu lui offrir une vie sans souffrance. N'aie pas peur de tes sentiments, nous sommes toutes différentes.

Désolé pour le roman je me suis un peu laché.

Merci pour ton message, d'avoir pris le temps de me répondre.

Je suis désolée pour ta fille, a 23 SA je n'ose imaginer la douleur, tu avais du t'investir déjà pas mal. Mais chacun est différent...

Hier soir j'ai complètement craqué, des pleurs à n'en plus finir. Au milieu du chagrin, on perd pied, on ne voit pas le fond, et je me demande si cette peine s'en ira.
Je me dis que la tristesse est le premier chemin vers la guérison alors je m'autorise à ressentir tout ça.

Je me disais que je l'ai abandonné et laissé tout seul, que je n'ai pas su le protéger (voilà la culpabilité je suppose). Je me sens vide aussi, mon ventre est de nouveau normal comme si je n'avais jamais été enceinte.

Dans ma peine, et même si j'assume totalement ce choix car il aurait été lourdement handicapé, voire n'aurait pas vécu du tout, j'entrevois la possibilité de lui donner un prénom, pour ne pas l'oublier peut-être... Je trouvais ça un peu morbide au début (désolée je ne veux juger personne) mais je réalise que symboliquement ça pourrait nous aider.

Il n'y aura pas d'enterrement, on n'a pas vu son corps ni de photos. J'ai gardé dans un dossier les échographies et rapports d'analyse concernant sa T21, ainsi que mes notes de grossesse. C'est tout ce que je peux faire. Y a t il d'autres choses symboliques qui ont eu un impact sur le deuil et ont aidé ? Je ne suis pas très à l'aise avec tout ça.

J'ai repris le travail ( 3j de télé travail et hop, retour). On est aux États-unis et les congés ne sont pas vraiment aidant pour les personnes qui ont besoin de souffler. Heureusement j'ai des collègues qui me soutiennent.

Et ce forum

Bonjour Davina,

Je compatis a ta douleur, quand la grossesse s'arrete trop tot ca de quoi etre destabilisant, personne n'est pret a cette eventualité.

J'ai connu 2 IMG a des stades differents, et comme toi, pour ma 1ere, qui a eu lieu a 13SA, je n'ai pas ressenti le besoin de lui donner un nom, d'organiser des funerailles ou le mettre sur livret de famille. Je pense que sur le moment, je l'ai vecu un peu comme une fausse couche.
Les diverses emotions du deuil etaient là, il y a eu cette phase de latence (que j'ai eu a chaque fois) où je me disais "je ne sais pas si c'est la phase de deni ou deja l'acceptation", mais l'impression de le vivre pas si mal. Avec le recul, j'ai compris que cette phase sert a reprendre de l'air a la surface avant la suite du parcours de deuil.

Et au fil des mois, l'idee d'un prenom m'est venu, mon conjoint ne souhaite toujours pas le prénommer, ainsi, il n'y a qu'ici et aupres de deux amies que je me permets de le faire.

Les vecus sont fluctuants, les besoins aussi.
Je vois que ca bouge aussi chez toi. Tu te demandes quoi faire d'autre. Peut etre rien, peut etre autre chose.. autorise toi a ressentir au fond de toi ce qui te permettrait de prendre soin de ta peine, de ce lien a ton bebe qui se modifie.

Si tu veux savoir, pour exemple, ce qu'on peut mettre en place, voici mes supports : un photophore dedié pour y allumer une bougie (chez moi pour Nolan ;chez moi et au cimetiere pour Paul), un bracelet (au debut un gros avec des perles dediees a chacun de mes enfants, maintenant une petite plume que j'avais choisie en pensant a Paul), a terme un tatouage mais il n'est pas mur encore. Et des instants de pensee envers eux (un melange de meditation, priere... peu importe comment on le nomme).

Je te souhaite de sentir ce qui me menera sur le chemin de l'apaisement.
Entre temps, on est toutes là pour t'ecouter, discuter, si besoin...

Alors je t'avoue que le 10 février quand on ma annoncé son spina bifida je n'avais qu'une envie c'est d'en "finir". Je la sentais bouger mais j'avais déjà l'impression qu'elle n'était plus la. Je ne voulais ni la voir, ni la mettre sur le livret de famille. Pour le prénom n'ont l'avons trouvé des le début donc il me semblait logique de lui donner.
Et deux jours après mes sentiments ont littéralement changé. J'ai commencé à mettre ma main sur son ventre quand je la sentais, à lui parler lui expliqué ce qui se passer, à m'excuser auprès d'elle de ne pas avoir pu la laisser vivre..

Quand j'ai eu le rdv avec la cadre sage femme, elle ma expliqué que je pouvais la reconnaître la mettre sur le livret de famille, m'occuper de ces obsèques, lui rapporter des doudous..

Le lendemain je suis allée acheter deux doudous, un pour moi et un pour elle, un petit doudou qui fait de la musique. Tous les soirs je dormais avec son doudou et j'écoutais la musique de l'autre doudou que je posais sur mon ventre.
Le 19 février avant le geste pour l'endormir, j'ai serré très fort le doudou contre moi et j'ai mis notre petite musique. Ca a été très dur j'ai pleurer devant tous les médecins alors que je déteste pleurer devant les gens mais la c'était nécessaire et ça m'a fait du bien je me dis que je l'ai accompagné avant ce geste..
Je l'ai vu à l'accouchement pendant 1h et le lendemain avant de partir. Je lui est laissé le doudou avec notre odeur. Je l'ai inscrit sur le livret de famille aussi.
L'hôpital nous a laissé ses empreintes, son bracelet et deux photos. Comme j'ai dis avant j'ai pris moi aussi des photos d'elle que je vais développer. Je ne me suis par contre pas occupé des obsèques. Elles sera avec les autres petits anges, elle ne sera jamais seule.
Dans mon village on a un petit lieu religieux tout fleurie , très beaux ou on peut aller allumer une bougie. J'y suis aller en rentrant de l'hôpital et je peux aller me recueillir la bas. Même si bien sûr j'irais me recueillir le jour où elle sera au cimetière.

Ce qui ma aidé, c'est que j'ai gardé avec moi le petit doudou qui fait de la musique et j'ai moi aussi le même doudou qu'elle. Tous les soirs je mets la musique et je dors avec le doudou, j'ai l'impression qu'elle est la. Je me suis aussi achetée un collier avec un bébé sur un nuage avec des ailes d'anges et son prénom. C'est des petites choses mais qui compte pour moi et ça m'aide. Bien sûr je me sens encore vide, quand quelqu'un me parle je l'ecoute mais sans vraiment être la, j'ai l'impression d'être dans une bulle. Mais surtout je laisse sortir mes sentiments, si je veux pleurer je pleure, peut importe qui soit la ou si je suis seule, j'essaye de reprendre des activités, de prendre l'air, de rigoler même dans ces moments dur il faut aussi..
Je ne me suis jamais gêner pour pleurer et je savais que en achetant ce doudou ça allait être dur d'entendre cette musique, j'ai pleurer plus d'une fois en l'écoutant mais aujourd'hui j'arrive à l'écouter sans pleurer même en étant soulagé car je sais qu'elle est la. Je pense qu'il faut passer par la tristesse, la douleurs pour ensuite aller mieux.
Peut être que tu peux aussi acheter quelque chose qui te fasse penser à lui?

Je vous remercie vraiment pour ces messages, ça me fait du bien de lire vos expériences. Avec un vécu commun on peut vraiment partager. Pour moi, même un psy qui a les outils pour nous faire avancer ne peut comprendre totalement.

Je lis le livre "quel âge aurait il aujourd'hui" du Dr Stéphane Clerget. De tres bonnes choses pour mieux comprendre, je vous le conseille si vous ne le connaissez pas déjà.

En effet, jusque la et même encore aujourd'hui j'ai l'impression que c'est un peu comme une fausse couche tardive. Mais la peine arrive par vague et le manque me fait me rendre compte que cette perte n'est pas si anodine.

Le cerveau, c'est fort possible nous protège pour ne pas plonger et ne pas "lâcher le bord".

Je vais réfléchir à un prénom. J'ai un petit coussin de grossesse que j'utilisais pour caler mon ventre la nuit (j'en avais un autre pour ma fille en 2016). Hier soir je l'ai serré fort, je crois que ça peut être un objet symbolique qui me rappelle ce bébé perdu.

Mon mari ne voulait pas lui donner de nom mais devant ma peine hier, il m'a dit qu'il était d'accord.

Douces pensées pour vous aussi. On n'est jamais seules.

Merci pour le Conseil du livre, j'en cherché un justement car l'hôpital ma donné un livre avec le témoignage de différent mam'ange et ça ma beaucoup aidé.

Oui je pense que le cerveau essaye de nous proteger et nous fait passer par pleins de sentiments et d'émotions très différentes.

Et puis au fond de toi, si tu as écrit sur ce Forum c'est que cette grossesse à beaucoup compter pour toi même si tu as l'impression de ne pas t'etre sentie 100% investie dedans, tu as aimé et tu aime ton petit garçon. Tu as juste du mal à réaliser tout ce qui t'arrive ce qui est tout a fait normal.
C'est très bien que tu as un petit objets que tu peux serrer fort dans tes bras ca fait toujours beaucoup de bien dans les moments dur.

Pour le prénom je trouve ça très bien que tu puisse lui en donner un. Ton mari essaye peut être aussi de se protéger. Les hommes sont moins démonstratifs que nous niveau sentiments. Mon compagnon montre beaucoup moins ses émotions, je me suis presque énervé contre lui, pendant deux semaines je pleurais non stop et lui non.
Mais ça ne veut pas dire qu'ils ne souffrent pas, juste différemment.

C'est vrai, mon mari me dit que c'est dur pour lui aussi. Il est pas démonstratif avec ses ressentis donc c'est compliqué, mais oui en effet c'est très masculin.

J'ai aussi créé une playlist sur Deezer avec des petites chansons un peu tristes. J'écoute des choses un peu nostalgiques, ça m'aide à penser à lui. Un peu comme quand j'étais ado et que je m'enfermais dans ma chambre pour écouter de la musique triste en cas de rupture amoureuse... c'est étrange de retrouver ces sensations.

Une autre question: avez vous essayé d'écrire ? A part sur le forum, plutôt un texte, un journal ou qqch qui laisserait une trace à relire dans plusieurs années pour se rappeler de ce qui s'est passé. Ca me démange d'écrire qqch, sans que ce soit larmoyant mais qui fige ces émotions sur papier.

Merci merci xxx

Pour l'écriture oui le lendemain de l'accouchement Jai commencé à écrire un tout petit texte de deux petites phrases. J'ai pas continué car c'était dans la Chambre d'hôpital et avec les sages femmes et tout j'ai pas vraiment eu le courage de continuer.
Une fois les photos développer et mis dans un cadre photo je pense mettre le texte avec, une fois fini bien sûr.
Je pense que c'est une étape en plus, mettre ses sentiments sur papiers ca ne peut que nous aider.
Pourtant je suis loin d'être une grande écrivaine mais c'est vrai que j'ai directement pensé à ca le lendemain, écrire ce que je ressens.

Pour ma part l'ecriture m'avait fait beaucoup de bien a d'autres periodes de ma vie et en essayant pour mes 2 derniers deuils, "ca ne prenait pas".. peut etre que mes essais m'ont aidé, sait-on jamais.
J'ai une amie qui a vecu aussi une IMG, qui a trouvé beaucoup d'apaisement a ecrire, enormement. Dans son temoignage, j'ai la sensation que ca a ete un grand support de son travail de reconstruction.

Ainsi, si tu sens cet appel de l'ecriture n'hesite pas : fonce ! Peut importe ce qui te viens, ca sera juste pour toi a ce moment-la.

Les chansons, j'en ai qui se sont presentee a des moments clé sur mon flow suggere par l'appli D**zer et qui m'avaient touchees en plein coeur... il y en a qui m'ont fait sortir beaucoup de larmes et que j'ecoute maintenant avec un petit sourire au coin du coeur en pensant a mes bebes.

Je vois que tu arrives bien a ecouter ton instinct.. tu es sur le bon chemin. Ne desepere pas, ce chemin est chaotique, mais le beau temps revient