Quelques semaines après l'img
Posté : 16 janvier 2020, 16:10
Bonjour,
Cela fait plusieurs semaines que je viens sur ce forum sans avoir le courage d'y apporter mon témoignage.
Notre bébé surprise, notre petite Elena est née il y a presque un mois. Du haut de ces 27 semaines, elle était déjà bien grande, 38 cm pour 1220 gr. Certainement une revanche sur la gynécologue qui n’a cessé de dire qu’elle était petite durant toute la phase de diagnostic.
Deux mois se sont écoulés entre la découverte de la première anomalie, un kyste dans le bas du ventre, quelque chose qui devait être anodin, et le verdict… un syndrome poli-malformatif, un syndrome rare, une chance sur 32 000.
Quand j’y pense, j’ai toujours du mal à réaliser. 1 chance sur 32 000, ce chiffre me hante.
Je ne me suis pas réjoui tout de suite, la grossesse était inattendue, et pour plein de raisons, professionnelles et privées, je voulais attendre mi 2020 avant de commencer les essais bébés. J’ai réellement pris conscience de cette grossesse, me suis vraiment réjoui et investi qu’après l’échographie du 3ème mois. J’ai pleuré durant ces premières semaines, je culpabilisais beaucoup de ne pas me réjouir. La culpabilité a été d’autant plus forte lorsque le verdict est tombé. C’était ma punition, pour ne pas avoir accueilli cette grossesse avec le sourire.
Six semaines de bonheur, six semaines à se projeter, à annoncer la nouvelle et puis la descente aux enfers.
A chaque fois que nous avons vu la gynécologue spécialisée en diagnostic pré-natal, elle nous annonçait de nouvelles anomalies. J’avais l’impression qu’elle voulait absolument trouver une maladie à notre bébé. La phase de diagnostic a été compliquée. Après avoir reçu trois résultats négatifs, nous savions que si le dernier résultat était positif, ça serait une maladie très rare. Ce n’était donc pas possible. Les prochains résultats seraient forcément négatifs eux aussi. Je reste persuadée que ce n’est qu’un simple hasard, qu’elle va bien. Elle me donne des coups de pieds si fort. D’ailleurs je la sens bouger depuis l’annonce de la première anomalie. C’est forcément un signe.
Après plusieurs semaines d’attente depuis le dernier résultat négatif, j’appelle le cabinet pour savoir si les tout derniers résultats sont enfin arrivés… Elle nous annonce le diagnostic au téléphone. C’est le choc, l´incompréhension.
Après s’être effondrés, nous avons fait des recherches sur ce syndrome. La liste non exhaustive des possibles malformations m’a horrifiée. Malformation cardiaque, malformation des reins, malformations osseuses, problèmes auditif, problème de vue, problèmes de déglutitions etc. Après quatre longues heures alternées de pleurs et de recherches, je prononce enfin les mots ; je veux interrompre la grossesse.
Les jours suivants, nous avons revu la gynécologue et également une généticienne, qui nous a conforté dans notre décision. Notre bébé aura un fort handicap mental et plusieurs malformations.
Bizarrement les jours précédents l’intervention, je suis plutôt sereine, en paix avec notre décision.
Je vis en Allemagne et ici la procédure a été sensiblement différente. Nous nous sommes rendus à la clinique le mardi 17 décembre. Nous avions rdv au service gynécologique. Une autre femme enceinte attendait dans le couloir. Puis une deuxième est arrivée et une troisième. Elles ont été prise en charge avant nous. Nous avons patienté deux heures dans ce couloir avec notre valise, alors qu’aucune autre femme n’avait de valise… Elles se rendaient à leur rdv de contrôle, de suivi de grossesse. Quand le médecin nous a pris en charge, elle nous a posé plusieurs questions ; est ce qu’on veut voir notre bébé, est ce qu’on veut procéder à une autopsie etc. et elle nous a fait signer plusieurs documents. Nous sommes ressortis, nous devions attendre dans le couloir l’arrivée des autres médecins. Et là j’ai compris, ils allaient procéder à l’injection, ils allaient arrêter son petit cœur dans quelques minutes. C’est maintenant que ça allait se passer. Je m’effondre. Je m’étais imaginé à tort qu’on aurait eu un temps dans notre chambre d’hôpital avant de procéder à l’intervention. Je pensais que je pourrais m’allonger et qu’on pourrait une dernière fois communiquer avec elle. J’ai passé mes derniers instants avec elle, dans un couloir d’hôpital. Je suis très en colère. J’ai l’impression qu’on nous a volé nos derniers moments avec elle. Je ne sais même pas quand est ce que j’ai senti ces petits coups pour la dernière fois.
J’ai ensuite pris les médicaments pour le déclenchement, j’avais des cachets à prendre toutes les 4 heures. Les médecins nous avaient dit que cela durait en moyenne entre 24 et 48 heures. Encore une fois, à tort, je m’étais imaginé qu’il ne se passerait rien durant ces premières 24h. J’ai commencé à avoir des contractions à peine une heure après la prise des premiers cachets. L’intensité des contractions était gérable, mais la cadence insupportable… toutes les 4 minutes. Après 36 heures de travail, une nuit blanche, je donne naissance à notre jolie petite fille, seule avec mon conjoint qui avait du mal à réaliser ce qui était en train de se passer et une infirmière complètement incapable, dans notre chambre d’hôpital. Les sages femme arriveront trop tard, quelques secondes après. « accouchement spontané » est inscrit sur le compte rendu.
Après avoir passés plusieurs heures avec notre fille, nous sommes rentrés chez nous en fin de journée. Nous avons ressenti le besoin de ressasser les dernières heures, cet accouchement que j’ai géré complètement seule. Mon conjoint est fier de moi et moi aussi je suis fière de moi, tout était instinctif. J’ai voulu me concentrer sur ce sentiment positif de fierté mais depuis quelque jours, à chaque fois que je ferme les yeux, je revis l’accouchement. Je me rends compte que cela reste un traumatisme et quand j’y pense, je suis en colère, les sages-femmes auraient du venir plus régulièrement pour contrôler la dilatation de mon col. J’aurais du accoucher en salle d’accouchement, entourée de professionnels.
Mon conjoint a repris le travail cette semaine. C’est difficile, d’être seule à la maison et de ressasser sans cesse les événements, de ne penser qu`à ça. J’ai parfois l’impression que je vais me réveiller et que tout cela n’était qu’un horrible cauchemar.
Par moment je regrette la décision qu’on a pris. Ce sont des regrets complètement égoïstes, je sais bien que c’était la meilleure décision pour notre fille, nous souffrons afin qu’elle n’ait pas eu à souffrir, mais la souffrance est telle et le manque si fort, que je me dis qu’il aurait été plus facile pour moi de la garder.
J’ai mon premier cours de rééducation du périnée ce soir, avec 7 autres femmes ayant elles aussi perdu leur bébé. Ce sera peut être l’occasion de discuter avec quelqu’un qui sait de quoi on parle. C’est tellement difficile de parler de ce qu’on ressent avec l’entourage. Mon conjoint allant un peu mieux depuis qu’il a repris le travail, j’ai beaucoup de mal à lui avouer que ça ne va pas.
Aurélie
Cela fait plusieurs semaines que je viens sur ce forum sans avoir le courage d'y apporter mon témoignage.
Notre bébé surprise, notre petite Elena est née il y a presque un mois. Du haut de ces 27 semaines, elle était déjà bien grande, 38 cm pour 1220 gr. Certainement une revanche sur la gynécologue qui n’a cessé de dire qu’elle était petite durant toute la phase de diagnostic.
Deux mois se sont écoulés entre la découverte de la première anomalie, un kyste dans le bas du ventre, quelque chose qui devait être anodin, et le verdict… un syndrome poli-malformatif, un syndrome rare, une chance sur 32 000.
Quand j’y pense, j’ai toujours du mal à réaliser. 1 chance sur 32 000, ce chiffre me hante.
Je ne me suis pas réjoui tout de suite, la grossesse était inattendue, et pour plein de raisons, professionnelles et privées, je voulais attendre mi 2020 avant de commencer les essais bébés. J’ai réellement pris conscience de cette grossesse, me suis vraiment réjoui et investi qu’après l’échographie du 3ème mois. J’ai pleuré durant ces premières semaines, je culpabilisais beaucoup de ne pas me réjouir. La culpabilité a été d’autant plus forte lorsque le verdict est tombé. C’était ma punition, pour ne pas avoir accueilli cette grossesse avec le sourire.
Six semaines de bonheur, six semaines à se projeter, à annoncer la nouvelle et puis la descente aux enfers.
A chaque fois que nous avons vu la gynécologue spécialisée en diagnostic pré-natal, elle nous annonçait de nouvelles anomalies. J’avais l’impression qu’elle voulait absolument trouver une maladie à notre bébé. La phase de diagnostic a été compliquée. Après avoir reçu trois résultats négatifs, nous savions que si le dernier résultat était positif, ça serait une maladie très rare. Ce n’était donc pas possible. Les prochains résultats seraient forcément négatifs eux aussi. Je reste persuadée que ce n’est qu’un simple hasard, qu’elle va bien. Elle me donne des coups de pieds si fort. D’ailleurs je la sens bouger depuis l’annonce de la première anomalie. C’est forcément un signe.
Après plusieurs semaines d’attente depuis le dernier résultat négatif, j’appelle le cabinet pour savoir si les tout derniers résultats sont enfin arrivés… Elle nous annonce le diagnostic au téléphone. C’est le choc, l´incompréhension.
Après s’être effondrés, nous avons fait des recherches sur ce syndrome. La liste non exhaustive des possibles malformations m’a horrifiée. Malformation cardiaque, malformation des reins, malformations osseuses, problèmes auditif, problème de vue, problèmes de déglutitions etc. Après quatre longues heures alternées de pleurs et de recherches, je prononce enfin les mots ; je veux interrompre la grossesse.
Les jours suivants, nous avons revu la gynécologue et également une généticienne, qui nous a conforté dans notre décision. Notre bébé aura un fort handicap mental et plusieurs malformations.
Bizarrement les jours précédents l’intervention, je suis plutôt sereine, en paix avec notre décision.
Je vis en Allemagne et ici la procédure a été sensiblement différente. Nous nous sommes rendus à la clinique le mardi 17 décembre. Nous avions rdv au service gynécologique. Une autre femme enceinte attendait dans le couloir. Puis une deuxième est arrivée et une troisième. Elles ont été prise en charge avant nous. Nous avons patienté deux heures dans ce couloir avec notre valise, alors qu’aucune autre femme n’avait de valise… Elles se rendaient à leur rdv de contrôle, de suivi de grossesse. Quand le médecin nous a pris en charge, elle nous a posé plusieurs questions ; est ce qu’on veut voir notre bébé, est ce qu’on veut procéder à une autopsie etc. et elle nous a fait signer plusieurs documents. Nous sommes ressortis, nous devions attendre dans le couloir l’arrivée des autres médecins. Et là j’ai compris, ils allaient procéder à l’injection, ils allaient arrêter son petit cœur dans quelques minutes. C’est maintenant que ça allait se passer. Je m’effondre. Je m’étais imaginé à tort qu’on aurait eu un temps dans notre chambre d’hôpital avant de procéder à l’intervention. Je pensais que je pourrais m’allonger et qu’on pourrait une dernière fois communiquer avec elle. J’ai passé mes derniers instants avec elle, dans un couloir d’hôpital. Je suis très en colère. J’ai l’impression qu’on nous a volé nos derniers moments avec elle. Je ne sais même pas quand est ce que j’ai senti ces petits coups pour la dernière fois.
J’ai ensuite pris les médicaments pour le déclenchement, j’avais des cachets à prendre toutes les 4 heures. Les médecins nous avaient dit que cela durait en moyenne entre 24 et 48 heures. Encore une fois, à tort, je m’étais imaginé qu’il ne se passerait rien durant ces premières 24h. J’ai commencé à avoir des contractions à peine une heure après la prise des premiers cachets. L’intensité des contractions était gérable, mais la cadence insupportable… toutes les 4 minutes. Après 36 heures de travail, une nuit blanche, je donne naissance à notre jolie petite fille, seule avec mon conjoint qui avait du mal à réaliser ce qui était en train de se passer et une infirmière complètement incapable, dans notre chambre d’hôpital. Les sages femme arriveront trop tard, quelques secondes après. « accouchement spontané » est inscrit sur le compte rendu.
Après avoir passés plusieurs heures avec notre fille, nous sommes rentrés chez nous en fin de journée. Nous avons ressenti le besoin de ressasser les dernières heures, cet accouchement que j’ai géré complètement seule. Mon conjoint est fier de moi et moi aussi je suis fière de moi, tout était instinctif. J’ai voulu me concentrer sur ce sentiment positif de fierté mais depuis quelque jours, à chaque fois que je ferme les yeux, je revis l’accouchement. Je me rends compte que cela reste un traumatisme et quand j’y pense, je suis en colère, les sages-femmes auraient du venir plus régulièrement pour contrôler la dilatation de mon col. J’aurais du accoucher en salle d’accouchement, entourée de professionnels.
Mon conjoint a repris le travail cette semaine. C’est difficile, d’être seule à la maison et de ressasser sans cesse les événements, de ne penser qu`à ça. J’ai parfois l’impression que je vais me réveiller et que tout cela n’était qu’un horrible cauchemar.
Par moment je regrette la décision qu’on a pris. Ce sont des regrets complètement égoïstes, je sais bien que c’était la meilleure décision pour notre fille, nous souffrons afin qu’elle n’ait pas eu à souffrir, mais la souffrance est telle et le manque si fort, que je me dis qu’il aurait été plus facile pour moi de la garder.
J’ai mon premier cours de rééducation du périnée ce soir, avec 7 autres femmes ayant elles aussi perdu leur bébé. Ce sera peut être l’occasion de discuter avec quelqu’un qui sait de quoi on parle. C’est tellement difficile de parler de ce qu’on ressent avec l’entourage. Mon conjoint allant un peu mieux depuis qu’il a repris le travail, j’ai beaucoup de mal à lui avouer que ça ne va pas.
Aurélie