Post du 27 mai 2019:
Bonsoir,
Un besoin d'écrire ce soir... 20 jours après mon accouchement. Peut-être l'effet fête des mères ou le fait que ça fera 3 semaines demain, tient j'ai 30 ans ça y en fait, il est minuit passé on est le 27 mai... quel triste anniversaire, le mois de mai d'habitude j'adore! Maintenant je partage ce mois d'anniversaire avec mon bébé Arthur né sans vie. Oula oui j'ai besoin de parler ce soir !!! Je me replonge dans notre vécu... je repense à ces dernières semaines et j'ai envie de tout coucher sur "papier". Pouvoir m'en souvenir plus tard. Extérioriser. Un roman comme cadeau des 30ans...
Je vous laissais dimanche la veille de l'accouchement avec mes peurs et mes doutes et à la fois hâte de rencontrer notre petit Arthur.
Dimanche: j'ai des angoisses de mort qui arrivent inconsciemment, au téléphone je dis à ma mère que je l'aime. Mon grand de 3ans vient me voir à l'hôpital, au moment de se séparer je lui dis que je l'aime fort fort fort, que je l'aimerais toujours quoi qu'il arrive. Il sort et je m'effondre en larmes. J'ai peur de mourir demain alors que je sais très bien que les équipes médicales sont top et que ça n'arrivera pas. J'ai peur de ne pas savoir ce qu'il va se passer, si ça ira ou pas. J'ai peur d'accoucher d'un enfant sans vie. J'angoisse, j'ai besoin qu'on me rassure.
Une gyneco passe dans ma chambre et me dit que je n'accoucherais peut-être pas demain à cause de mes risques hémorragiques. Il serait plus prudent d'attendre 7jours après le foeticide. Pour moi il est hors de question ! Ça me panique. Je souhaite tellement rencontrer mon bébé, le voir, le prendre dans mes bras... j'ai si peur qu'il change trop depuis déjà 3jours qu'il est mort dans mon ventre. Les médecins en parleront au staf demain matin de 8h à 9h. À 9h on saura si dans la matinée on va en salle de naissance ou pas. Quelle incertitude... ! J'envoie un texto à la psy de la maternité pour lui exprimer mon ressenti. La sage femme passe me voir, on discute un peu, je prend un anxiolytique pour dormir, je dois être à jeun à partir de 2h du matin au cas où. Quelle nuit d'horreur, j'ai le nez bouché comme toujours depuis 2 mois, je dois respirer par la bouche, j'ai la bouche desséchée mais j'ai pas le droit de boire, j'hydrate ma bouche avec l'eau en spray régulièrement, j'ai hyper chaud toute la nuit, mais pas le droit de boire, je me réveille toutes les heures, me passe du spray sur tout le corps, j'essaie de pas réveiller mon homme. J'en peux plus.
Lundi: la sage-femme et l'AP passent faire leur tour, j'ai 39°C de température, je me sens brûlante, vaseuse, faible. Je dis à mon homme que je peux pas accoucher comme ça. À 9h j'apprend que si si je vais bien accoucher ce jour! On me met une perf de ***** qui fait vite effet. J'apprend par la suite que la psy et ma gyneco étaient au staf des médecins le matin et qu'elles ont dit qu'il était hors de question de me faire attendre plus pour accoucher, d'autant plus avec cette fièvre dont ils ne déterminent pas la cause.
10h je suis en salle de naissance, je prend le cachet
10h30 la péridurale est posée, je suis en forme, plus de fièvre et motivée. Je vois une super équipe médicale autour de moi. Une super sage femme. Nous sommes tous détendus et l'équipe est adorable avec nous. La gyneco de garde ce jour est la même qui a fait le foeticide vendredi, la douce, gentille et humaine. Ça me rassure. Le radiologue est aussi dans les parages pour amboliser l'hémorragie si besoin. Là aussi rassurée !
Bon be c'est parti on y va hein... j'ai plein de petites contractions régulières, sans douleurs, mon col se dilate à 3 assez rapidement. Je commence à saigner, c'était le risque avec mon placenta praevia ! La sage femme garde son sang froid, elle est douce et à la fois efficace dans ses décisions. Il faut pas que je saigne trop de plus car sinon on partira en césarienne d'urgence.
À 12h45 elle me dit qu'elle tente un dernier truc avant la césarienne, elle remet du produit pour la peri, elle perce la poche des eaux, les chutes du niagara, les contractions s'intensifient, je les sens bien celles là ! Ouf la peri refait vite effet. Une contraction, envie de pousser, je sens que "ça sort" je lui dis, je sais pas quoi mais c'est là, quelle drôle de sensation, en fait c'est un gros caillot de sang, les joies de l'hémorragie... une autre contraction et poussée instinctive et là c'est le cordon qui sort, vite vite vite la sage-femme a juste le temps de mettre ses gants, c'est l'accouchement express, 3eme contraction et poussée elle me dit que c'est le bébé qui est là. Elle me dit de pousser, mon homme me dit de souffler, je suis perdue, je rigole en disant que je sais plus faire ! Ce n'est qu'un détail, bébé est sorti presque tout seul

notre petit Arthur

il est 12h54

l'auxiliaire l'enveloppe vite et l'emporte, nous ne voulions pas le voir tout de suite.
La sage-femme se préoccupe plus de moi qui saigne encore. La gentille et douce gynécologue arrive et lui dit de me faire directement une délivrance artificielle pour limiter les saignements. J'ai droit à une révision utérine en plusieurs fois. Je saigne moins. Ça se calme un peu.
À 14h je me ressens brûlante je refais 40°C de fièvre. J'ai des perf et des fils de partout, sur les deux bras. Je suis comateuse et si faible... tellement que parle en signe à mon mari pour qu'il me passe du spray dans la bouche et sur le corps. Je dors à moitié jusqu'à 15h.
Nous demandons à voir notre bébé. La sage femme nous l'apporte dans un berceau, il est emmitouflé dans son nid d'ange cousu maison. Je lui demande de nous le décrire. Ça me rassure beaucoup. Elle le prend dans ses bras et nous le montre. Il est tout mignon...

mon bébé... Arthur tu es si beau. Je te prend dans mes bras comme je peux avec tout mes fils et ma grosse fatigue. Avec ton Papa on pleure. On te contemple. La sage-femme nous accompagne, on regarde tes petites mains, tes petits pieds. Ils sont si petits mais déjà tout formés. Magnifique, la preuve de la vie même si tu es mort, un véritable enfant. Je te fais des bisous, touche toutes les parties de ton visage, ce nez si mignon, la peau si douce. Je ne me lasse pas...
Je continue de saigner, ça inquiète la sage-femme. La gyneco revient. Je dois te reposer, je dois prendre soin de mon corps. Papa te prends un moment dans le fauteuil. Je lui demande de faire des photos de toi avec mon téléphone. Je les regarde tout les jours

Puis inquiet pour moi il te pose délicatement dans ton berceau et revient près de moi. Ça lui fait peur de me voir toute blanche voir grise, fiévreuse avec tout mes fils de partout et qui continue de saigner. On me remet du produit dans la péridurale. J'ai droit à une autre révision utérine par la gyneco cette fois, en plusieurs fois, le produit n'a pas encore fait totalement effet, c'est douloureux, j'essaie de me détendre, me concentrer sur autre chose, mon homme me met de la musique jazz, la peri fait effet. Ouf ça va mieux. Je continue de saigner. La gynécologue me dit qu'elle tente le dernier truc avant d'appeler le radiologue pour amboliser les artères utérines. Le ballonnet de bakri. C'est un ballon qu'on gonfle avec de l'eau dans l'utérus, c'est pas douloureux, désagréable oui et très inconfortable. Je dois le garder 12h et rester encore allongée. Il est 17h. Ce ballon se colle contre la paroi utérine et fait pression pour arrêter les saignements. C'est super efficace. Je ne saigne quasiment plus. Ouf....
La photographe de souvenange vient prendre des photos d'Arthur et de nous trois. Elle est si gentille, je suis encore trop faible. Je n'en profite pas comme je voudrais. J'ai des dispositifs médicaux de partout. Il faut que je dorme.
La psy que j'adore passe nous voir aussi.
Plus tard ma maman arrive. J'ai pas trop la force de lui parler. Elle souhaite voir Arthur. Je demande à ce que ce soit dans une autre pièce. J'ai besoin de silence et de me reposer. Je n'ai pas la force de revoir mon bébé maintenant. Elle reste 30min avec lui, me raconte qu'elle l'a prit dans ses bras et lui a chanté des berceuses. Ça me met du baume au coeur qu'elle ai prit ce relais maternant comme je n'ai pas pu le faire tellement j'étais faible
Je reste toute la nuit en surveillance en salle de naissance. Je n'ai plus de fièvre. Je dors mal avec ce ballonnet de bakri, je vois les heures qui défilent jusqu'au petit matin. 6h30 je sais que Arthur part à Lyon pour son autopsie. Petit bébé. Qu'on puisse savoir ce qu'il s'est passé pour toi.
Mardi: La gentille et douce gynéco vient me l'enlever avant de finir sa garde à 9h. Au final j'ai perdu 1,2L de sang pour l'accouchement et 0,6L de sang la nuit chez moi. Je la remercie pour tout, son accompagnement pour nous et Arthur, depuis vendredi. Elle nous dit des mots qui font du bien. Comme toutes les sages-femmes et AP qui nous ont accompagné d'ailleurs. Ce matin je peux enfin manger. Le midi je retourne dans ma chambre.
Je retrouve la forme. Je me sens apaisée, sereine. Ça a été une rude épreuve pour moi vraiment, médicalement.
De mon accouchement en lui-même j'en garde un beau souvenir. Ça a été rapide, sans douleurs, très humain et doux. Et puis surtout cela nous a permit de rencontrer notre petit ange dont je garde un tout doux souvenir, si mignon
Arthur né le 6 mai 2019 à 12h54 - 1,140kg
J'ai besoin de raconter les jours suivants, extérioriser encore et encore mais là je vais dormir. Je vais essayer de ne pas avoir de grosses poches sous les yeux le matin de mes 30ans tout de même.
Je ne sais pas vous mais moi je m'endors avec son doudou en tenant ma médaille étoile et gratouillant son initiale après avoir regardé ses photos


