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Il y a des jours comme ça...

Posté : 13 juin 2018, 16:25
par Perrine
Bonjour à tous,

Je m'appelle Perrine, maman d'un petit homme âgé de 3ans. Fin novembre 2017, j'apprenais que j'étais enceinte. Joyeuse nouvelle ! Une grossesse où toute la famille avait mis beaucoup d'espoir, ayant vécu deux décès au cours de décembre 2017. Quelle surprise, lorsque le 2 janvier, j'ai commencé à perdre du sang. Pour moi, bien que le médecin aux urgences refusait d'être affirmatif, je faisais une fausse couche. Il aura fallu attendre le 5 janvier pour qu'elle soit confirmée. Le plus dur a été d'aller à l'échographie du premier trimestre prévue la semaine suivante, pour s'assurer que tout était revenu dans l'ordre (sur les conseils du médecin...). Malgré mes 10 SA, bébé ne faisait que 2mm... Une "anomalie chromosomique" d'après ma gynécologue. Ce fut difficile pour mon mari et moi.
Alors que je ne m'y attendais pas, je suis à nouveau tombée enceinte au mois de mars. Si mon mari était tres joyeux, j'ai pour ma part vécu ce premier trimestre dans l'angoisse de faire une nouvelle fausse couche. Puis la première échographie est arrivée. J'ai cru pouvoir revivre, souffler... Jusqu'à ce qu'on m'annonce que la clarté nucale était légèrement "border line" et que les résultats des marqueurs sériques me placent dans un groupe à risque.
Dans ma tête, j'ai rapidement fait le rapprochement avec ma première fausse couche, et cette fameuse "anomalie chromosomique", mais mon petit coeur de maman avait besoin d'y croire. Et puis zut... 1/242, ca signifie 241 chances pour que tout aille bien.
DPNI. Je suis maintenant à 17 SA.
Les résultats sont tombés aujourd'hui : positif à la Trisomie21.
Et là, c'est comme si mon corps s'était résumé à un vase qu'on piétine avec acharnement.
Et là, on me parle de choix.
Dans ma tête, mon choix est presque fait. Mais mon coeur de maman est paralysé par la peur. La peur de revivre cette perte. Je suis même pas sûre d'avoir digérée la première.
Demain : échographie de contrôle.

Le monde ne s'est pas arrêté de tourner. Mon fils fait la sieste dans la chambre d'à côté. Mon mari est allé voir ses parents pour leur annoncer.

Et moi, j'apprends à vivre en apnée. J'aimerai aller piquer un somme et me réveiller l'année dernière, avant que tour ceci ne commence. On était bien, avant...

Re: Il y a des jours comme ça...

Posté : 13 juin 2018, 17:19
par Ann312
Bonjour Perrine,
Je suis vraiment désolée de te lire.
Malheureusement, le sort s'acharne parfois. J'ai vécu la même chose que toi, une fausse couche l'année dernière, en fait la découverte d'un oeuf clair à 10sa (après avoir vu un petit coeur 3 semaines plus tôt, je ne savais même pas que c'était possible..). Il a fallu que je prenne des comprimés moi-même pour "tout expulser". Après une infection et 3 mois d'essai je suis retombée enceinte de mon petit Tom qui est finalement né sans vie en mars dernier à presque 7 mois de grossesse, à cause d'une maladie génétique..
Alors je comprends ton sentiment d'injustice et ta profonde tristesse. Maintenant vous seuls pouvez prendre cette décision et ce sera la bonne à partir du moment où ce sera la votre et que vous serez en accord tous les 2 avec cette décision.
Peut-être que vous en saurez déjà plus lors de l'échographie de contrôle. Je suppose que divers rdv vont s'en suivre et qu'une amniocentèse est prévue pour confirmer le diagnostique.
Soyez soudés avec ton homme et je te souhaite beaucoup de courage dans les jours à venir.
Tendres pensées à ton loulou

Re: Il y a des jours comme ça...

Posté : 01 juillet 2018, 04:48
par Perrine
Merci Ann pour ta réponse et ton témoignage, poignant.

Je relis mon post, et j'ai l'impression que c'était il y a des mois. Et pourtant, c'était il n'y a même pas deux semaines. Comment la vie peut elle changer si brutalement en si peu de temps.

L'amniocentèse n'a pas laissé de place aux doutes, ce fichu chromosome en trop était bien là.
Avec mon mari, après avoir retourné la situation dans tous les sens avons pris la lourde décision de mettre un terme à cette grossesse. Les quelques jours qui ont séparé la prise de décision de la naissance de notre fille, Alice, ont été comme autant de couteaux plantés dans mon coeur.

Oh mon dieu comme ses petits sauts au creux de mon ventre étaient doux, agréables. Bon sang que j'ai pu rire ce soir de match avec le Brésil, lorsqu'elle s'est mise a faire des bonds après un but.

Mon dieu que ces moments me manquent. Ces moments où elle était en moi, protégée de tout.

Et puis il y a eu ce cachet. Et puis les 4 suivants deux jours après. Ces violentes contractions. Cette douleur intense. J'ai cru que j'allais mourir. Et pourtant c'est elle qui s'en est allée.

Je ne regrette pas cette douleur. Non, elle m'a permis de me sentir maman encore une fois.

Puis je l'ai vu. Toute petite, enveloppé dans un petit lange blanc et une minuscule couverture en laine rose. Son bonnet. Ses yeux clos à jamais. Et son nez.... Mon dieu son nez. Elle avait le nez de son frère, et sa bouche. Cette ressemblance m'a frappé. Je n'imaginais pas qu'à ce terme je pourrais reconnaître des traits caractéristiques. Et pourtant. Elle était si belle, si parfaite. L'avoir dans mes bras, bizarrement m'a comblé de joie (ou sinon était ce la ***** qui m'avait rendu euphorique). Mais je me suis sentie rempli d'amour pour ce morceau de moi que je tenais dans les bras.
Et puis il y a eu les larmes de son père. Les miennes, aussi, mais les siennes m'ont bouleversées. Lui qui n'était pas arrivé à verser une larme depuis le début de cette histoire, ce jour là il pleurait.
J'ai demandé pardon. A Alice, à son papa. Pardon de ne pas avoir pu la protéger alors que mon ventre était celui où elle devait être en sécurité. Mais on ne gagne pas contre la nature.

J'ai demandé à revoir ma beauté le lendemain. Lui dire au revoir avant de quitter l'hôpital. Elle était toujours aussi belle. Je lui ai chanté cette berceuse que j'ai chanté à son grand frère durant ces premiers mois. Nous lui avons dit adieu... Et une dernière fois un couteau est venu se planter dans mon coeur.

Aujourd'hui encore je sens le poids de ses 240gr au creux de mes mains. Comme si je la portais encore. Je sens encore le contact de la laine sur mes doigts. Quand je ferme les yeux, je la vois. Cette vision m'effraie. Elle est belle, magnifique, parfaite... Mais vais je arriver à garder ce souvenir r intact à jamais ?

Son papa a fait le nécessaire pour que notre Alice repose prêt de chez nous. Mercredi sonnera le debut d'une nouvelle vie, celle où nous accompagnerons notre fille là où elle nous attendra jusqu'à ce que vienne notre tour.

Son grand frère a compris que Alice ne sera jamais à la maison. Qu'elle était malade et qu'elle est parti au ciel, comme papy avant elle. Il a compris qu'il n'y avait plus de bébé dans le ventre et que maman et papa étaient tristes. Mais je le sens angoissé. Il dit ces derniers temps avoir beaucoup peur, de beaucoup de choses. Est ce lié ? Je ne sais pas...

Je vais m'arrêter là pour cette nuit...

Re: Il y a des jours comme ça...

Posté : 01 juillet 2018, 10:10
par Helene0917
Perrine,
Je suis tellement désolée de t'accueillir içi. La vie est tellement injuste. On ne peut que regretter l'insouciance que l'on avait avant de vivre une épreuve comme celle ci.
Je te souhaite bcp de courage à toi et ton homme ainsi que votre grand bonhomme.
Tendres pensées à votre petite Alice

Re: Il y a des jours comme ça...

Posté : 02 juillet 2018, 15:27
par Ann312
Coucou Perrine,
Je me suis déjà faite la même réflexion. combien les choses avaient changé en si peu de temps..
Je me rappelle le jour où le généticien nous a appelé pour nous donner les résultats de l'amniocentèse.. Avant ça pendant 1 mois et demi, les statistiques se sont peu à peu inversées, en passant de 99% de chance que tout aille bien pour finir à 99% de risque que les résultats nous annoncent une mauvaise nouvelle.
Ce jour-là, le jour de l'annonce des résultats, tout à changer dans nos vies, nous sommes passés des gens qui pensent que ça n'arrive qu'aux autres, à finalement les autres c'est nous..
Mais je trouve magnifique que tu aies des souvenirs doux avec ta puce dans ton ventre. Nous y avions tenu également et avions décalé l'img d'une semaine pour avoir le temps justement de nous créer ces souvenirs. Ils sont précieux pour avancer et aident à penser avec douceur à nos loulous.
Tu parles de ta petite Alice avec tellement d'amour et je lis ton texte avec beaucoup d'émotions.
Je penserai fort à toi et à ta famille mercredi..
Tendres pensées à ta puce.. 💕

Re: Il y a des jours comme ça...

Posté : 06 juillet 2018, 17:31
par Mapetiteplume2017
Perrine, la façon dont tu parles de ta petite Alice est très émouvante et me rappelle bcp de sentiments, merci de nous les partager...
Je voulais rebondir sur cette peur que tu as d’oublier son doux visage avec le temps car je l’ai eue aussi, je n’ai pas une très bonne mémoire à la base... Avec le temps je t’avoue que je n’ai plus le souvenir intact de son doux visage, c’est plutôt l’image de sa photo que j’ai en tête, par contre je me souviens très précisément de ce sentiment d’amour que j’ai ressenti en la tenant dans mes bras et ce souvenir n’a pas de prix... C’était mon premier enfant donc je découvrais ce sentiment d’amour si particulier...
Je te souhaite bcp de courage pour ce deuil difficile... Douces pensées à nos petits anges d’amour ❤️

Re: Il y a des jours comme ça...

Posté : 10 juillet 2018, 15:08
par Perrine
Vous parliez, Ann et Hélène, de ce changement radical : celui de gens insouciant à celui de parents concernés. Avec mon mari nous nous sommes dit la même chose. Avant on y pense pas à ce risque, insignifiant mais existant, on vit simplement avec des œillères sans se focaliser sur ce risque. Et puis bam... Le monde change et nous aussi. Personnellement j'ai vieilli. Avant j'avais encore 20 ans dans ma tête, aujourd'hui après le choix que nous avons eu à faire... J'ai l'impression d'avoir été propulser dans un monde trop adulte.

Sophie, ton message est beau et m'apaise. Je sais que l'image que j'ai d'elle s'estompera avec le temps, mais je suis certaine de ne jamais oublier ce que j'ai ressenti ce jour là. Bizarrement beaucoup de joie d'avoir eu l'occasion de la tenir dans mes bras et de la voir.

Nous avons déposé ses cendres mercredi dernier. Nos familles étaient là. Ce fut difficile. L'agent des pompes funebres nous a proposé de lire un texte où il se faisait la voix d'Alice. J'ai du tenir 3 phrases, et je lui ai demandé d'arrêter. Il était beau... Mais ça faisait l'echo de ce que je pensais au fond de moi. Je lui ai demandé de me donner le texte pour le lire plus tard quand je serai prête.
Son texte est magnifique...

L'après funérailles a été plus compliqué. Je crois que maintenant, une fois que la pression s'est relâchée, s'ouvre une toute autre période.

Elle me manque cette petite.

Merci pour vos messages. :)

Re: Il y a des jours comme ça...

Posté : 10 juillet 2018, 21:35
par Anne2017
Pérrine,

Beaucoup de Mamange, comme toi, se souviennent de la rencontre avec leur bébé comme un magnifique moment. Je me souviens de mon fils, si petit, si magnifique, et comme ta fille, j'ai, malgré son poid plus petit encore, reconnu la bouche de son papa. Cela m'a sauté aux yeux et ému irrémédiablement. La preuve que notre fils qui était sorti de moi était l'enfant de notre amour, un magnifique mélange de nous deux.

J'ai eu peur également d'oublier le visage de mon fils. Aujourd'hui, un an et demi plus tard, je ne suis pas capable de rappeler avec autant de netteté les images de ce jour si particulier. J'ai quelques images que j'arrive à faire remonter, je me souviens avec une grande netteté du visage de mon mari, qui tente de sourire pour me détendre tout au long de cette journée interminable, mais ses yeux étaient si triste... Je me souviens de cette salle d'accouchement, froide, effrayante, un peu du visage des sages femmes qui pourtant étaient exceptionnelles. Je me souviens enfin d'une sensation terrible et belle, celle de mon enfant qui sort de mon corps, et qu'on me présente dans une magnifique couverture bleu et blanche. Mais je n'ai surtout pas oublié cette vague d'amour, et l'impression de tenir un trésor dans mes bras, mon enfant, mon fils, un petit peu de moi et un peu de mon mari. Je n'oublierai jamais l'emotion, même si les images s'estompent. Je n'oublierai jamais la chanson que j'ai chanté pour lui et qui est la sienne désormais, je n'oublierai jamais notre au-revoir même si les mots exacts se sont effacés, le sens lui reste clair. Nous n'avons fait aucune photo, et ce n'est peut-être pas plus mal. Après tout, mon fils était très petit et une photo serait peut être plus "dure", médicale, que le souvenir visuellement atténué et très doux que je garde précieusement dans mon coeur.

Effectivement j'ai trouvé la journée de la crémation de mon fils dure à vivre. Mais ensuite il y a eu des moments plus doux. Comme si l'idee que mon fils était désormais pleinement dans le vent, dans le ciel, dans les airs, et non plus reposant dans le froid anonymat d'une morgue, était finalement salutaire. C'était la fin de la période terrestre de mon fils.

J'espère que trouveras un peu de paix...