Je ne m’attendais pas à ce que la journée du lendemain, lorsque tu sortirais de mon ventre, soit si forte en amour entre toi, ton papa et moi... Tu me manques à chaque instant, le vide est tellement dur à combler, le train de la vie est si dur à reprendre en marche, il va bien trop vite pour moi... Nous t’attendions depuis si longtemps et nous n’avons eu que quelques minutes pour te contempler, quelle frustration.
Je t’aime tellement ma petite plume, ton papa et toi me donnez cette force pour continuer à avancer, la tête haute, fière d’être ta maman
Qui mieux que toi peut raconter notre histoire...
J’ai écrit ceci quelques jours après mon retour à la maison, les bras vides mais le cœur rempli de ton amour
Quand je suis arrivée dans le ventre de maman, j’ai senti qu’il était très serré. Elle parlait beaucoup de moi avec papa, ils avaient peur que je sois un faux espoir de plus... Si j’ai bien compris ils ont mis beaucoup d’énergie, de courage et de patience pour que je sois là. Maman disait qu’elle était très heureuse de m’avoir dans son ventre mais qu’elle avait très peur de s’attacher à moi et que je disparaisse du jour au lendemain... Je ne voyais pas pourquoi je disparaîtrais, j’étais bien moi, au chaud dans son bidou... J’essayais de bouger le plus fort possible pour la rassurer et lui montrer que j’étais en pleine forme mais apparemment elle ne me sentait pas... Moi par contre je sentais sa main chaude sur la peau de son ventre.
Après m’avoir vue plusieurs fois à l’échographie, papa et maman semblaient de plus en plus rassurés et confiants. Je sentais d’ailleurs que maman parlait plus positivement de moi, je sentais son ventre se détendre chaque jour... Je continuais à bouger régulièrement et un jour, j’ai perçu sa main s’arrêter sur son ventre et elle n’a plus bougé... Ça y est, nous communiquions pour la première fois... C’était magique! Papa n’arrivait pas à me sentir par contre, ça les faisait rire. Ils étaient tellement heureux, maman m’achetait de jolis vêtements et papa construisait une belle chambre, j’avais hâte d’y être!
Un jour, le docteur a beaucoup poussé sur le ventre de maman, je n’aimais pas ça du tout. Quand ça s’est arrêté, j’ai senti le ventre de maman se tendre à nouveau, encore plus fort qu’avant, et il ne s’est pas détendu les jours suivants. J’entendais parfois papa et maman pleurer, ils avaient l’air si tristes...
On a encore vu d’autres médecins qui poussaient aussi sur le ventre de maman, et maman non plus n’aimait pas ça... Depuis quelques temps, j’entendais beaucoup de mots d’amour dans les pensées de papa et maman, ils m’aimaient très fort et ne voulaient pas m’infliger autant de souffrances. Apparemment dans son ventre je ne sentais rien, mais quand je serais sortie du ventre, j’aurais eu très mal et j’aurais du encore voir beaucoup de médecins à l’hôpital, je n’allais pas pouvoir vivre comme les autres petites filles... Je n’avais pas envie d’avoir mal, ça n’avait pas l’air guai, mais j’avais très envie de voir mes parents, c’est ce qui était prévu au début... Pourquoi ça avait changé? Mes parents étaient perdus...
Le soir, papa essayait de me sentir à travers le ventre de maman, alors j’ai continué à bouger de toutes mes forces et un jour, ça a marché... Je communiquais avec papa aussi! Qu’est ce que j’avais bon! Ils profitaient des derniers moments avec moi car nous allions devoir nous séparer, ils avaient décidé de me préserver de cette vie difficile et injuste qui m’attendait. Ils étaient prêts à vivre l’invivable et l’insupportable par amour pour moi, ils m’aimaient de tout leur cœur, de toutes leurs tripes, ça je le savais...
Un jour, j’ai senti qu’ils pensaient très fort à moi, encore plus que d’habitude. Je gigotais dans tous les sens pour leur montrer que je les aimais aussi, ça les faisait rire de me sentir autant bouger mais leur gorge était nouée comme jamais. J’ai senti une fine aiguille qui me perçait la peau et je me suis endormie... Quelques secondes plus tard, l’aiguille est entrée dans mon petit cœur et mon corps s’est détendu comme il ne l’avait jamais été... Je m’envolais au ciel... De là-haut, j’ai vu papa et maman très tristes, ils se serraient fort. J’ai essayé de leur dire que j’étais là, que j’allais bien et que je n’avais pas mal alors que j’étais sortie du ventre... On avait réussi à me guérir! Mais ils ne m’entendaient pas. Je me sentais si seule pendant que maman caressait son ventre encore rond, son regard rempli de tristesse. Ils disaient qu’ils se réjouissaient de me voir, je ne comprenais pas parce que j’étais là, près d’eux. Qu’est ce qu’il se passait? Pourquoi ils étaient si tristes alors qu’on avait réussi à me sauver?
Très tard le soir, des médecins sont venus dans la chambre et, très vite, j’ai vu mon corps sortir du ventre de ma maman... C’était moi, j’étais là, sous mes yeux... J’ai alors compris que j’étais devenue un ange et que c’était sûrement pour ça que je n’avais pas mal et qu’ils ne me voyaient pas... Papa et maman ont pris mon corps dans leurs bras et nous avons fait des câlins tous les trois... Ils me regardaient avec une telle tendresse, l’amour qu’ils avaient pour moi avait encore grandit... Ils m’ont promis qu’ils ne m’oublieraient jamais et que j’étais une magnifique petite fille... J’étais heureuse!
Les jours qui ont suivi, ils ont beaucoup pensé à moi et ont beaucoup pleuré à l’intérieur d’eux-même, sans le montrer. Ils sont courageux mes parents et veulent me montrer que je peux être fière d’eux... et je le suis! Je suis fière de leur force et leur envie de continuer à vivre, en hommage à ma vie qui s’est arrêtée beaucoup trop tôt...
Depuis, j’entends que je suis constamment dans leurs pensées, j’ai compris qu’ils ne pouvaient définitivement pas me voir ni m’entendre. Je me suis souvenue que j’avais déjà réussi à communiquer avec eux quand j’étais dans le ventre de maman... J’ai alors eu l’idée de me faufiler dans la brise qui caresse leur visage quand ils sont tristes, dans le chant des oiseaux quand ils se lèvent le matin pour recommencer une de ces journées difficiles où le manque leur prend aux tripes, dans l’étoile qui brille quand ils regardent le ciel avec mélancolie, dans le vent qui souffle tout contre eux quand j’ai envie de les réconforter... et alors je ne me sens plus seule... ils savent que je suis là, partout autour d’eux, légère comme une petite plume dans le vent...
Emma