
Je referme la parenthèse pour revenir où j’en étais... Je passe mes journées à me reposer et à me promener, c’est l’automne! Ton papa n’est pas beaucoup à la maison car il travaille la journée et le soir il suit des cours, qu’est ce qu’il est courageux de faire ça depuis deux ans maintenant... Papa a un drôle de métier, il est militaire et doit partir souvent pour son travail... Depuis qu’on a décidé d’avoir un bébé, il se rend compte qu’il n’a plus du tout envie de partir, que te laisser à la maison plusieurs mois pour partir dans d’autres pays où il y a la guerre est vraiment difficile à concevoir... Alors il a décidé de recommencer des études pour pouvoir quitter l’armée et avoir un travail « comme tout le monde », je suis contente qu’il ait pris cette décision!! Donc ton papa n’est pas bcp là mais je m’occupe, je range des choses que je reporte depuis des mois et des mois, à « quand je serai enceinte et en congé », mais le reste du temps je dors bcp pcq je suis qd même fort malade, j’ai tout le temps envie de vomir et je me sens faible, j’essaye de me préparer des petits plats plein de bonnes vitamines pour que tu puisses grandir correctement...
A part mes collègues, il n’y a pas grand monde qui est au courant de ma grossesse donc je ne vois pas bcp de personnes, après tout je devrais être au travail... Le we, je me retrouve dans des situations assez cocasses, je ne peux pas boire d’alcool alors que j’avoue que d’habitude je refuse rarement un verre... Quand ton papa est là c’est assez facile, je commande une bière comme lui et je fais semblant de boire pdt qu’il descend ma bière + la sienne, il n’est pas contraire, ça le fait rire

Mais quand il n’est pas là c’est plus compliqué... Je me souviens d’une journée à la mer entre copines où elles avaient annoncé fièrement « les filles, pour une fois aucune d’entre nous n’est enceinte, on va pouvoir toutes se prendre un apéro! ». Je me liquéfie bien sûr et lève mon doigt en disant « j’ai mal au ventre, je vais plutôt boire un verre d’eau »... Pas crédible du tout! Je ne leur avais pas encore parlé de mes problèmes de fertilité et de mon parcours en pma donc je décide de sauver les meubles avec cette excuse là... une chute de tension arrive justement, le stress sûrement, et puis je suis tjs assez faible, et je leur explique que je prends un traitement pour tomber enceinte et qu’il me rend faible... Je leur explique la galère dans laquelle on est depuis plus de deux ans pour avoir un enfant et elles sont toute ouïe... Elles sont déjà toutes mamans et comprennent que ces dernières années n’ont pas été facile pour moi, je me rends compte que je suis soulagée de leur en parler, que je me libère d’un certain poids car je les ai vues toutes tomber enceinte les unes après les autres et ça n’a pas été facile... Elles prennent bien soin de moi le reste de la journée, elles sont adorables... Bref j’ai eu difficile de cacher cette grossesse mais j’usais de tous les moyens pour ne pas la révéler car j’avais très peur d’une fausse couche et j’attendais cette écho où on aurait les résultats de la prise de sang qui révélerait si tu ne souffrais pas de trisomie... Étant donné que je travaille avec des personnes trisomiques (entre autres...), j’étais consciente que ça pouvait arriver à n’importe qui, et ça me stressait énormément car je ne savais pas du tout ce que je ferais si c’était le cas... T’éviter une vie compliquée, des problèmes de santé et le risque que la trisomie soit lourde, que tu ne sois jamais autonome, que tu ne parles p-e jamais,... ou t’accueillir comme tu es, en espérant que ton handicap ne soit pas trop lourd pour toi, et tout faire pour te rendre la plus heureuse possible. J’étais intimement convaincue que c’est seulement si le cas arrivait que je pourrais prendre cette décision, je n’en avais d’ailleurs même pas vraiment discuté avec ton papa...
Avant l’écho du premier trimestre, nous avions revu la gynécologue qui nous avait montré ton joli petit corps, tout allait bien, ton cœur battait, nous prenions tout doucement confiance... Nous décidons alors de l’annoncer à nos parents respectifs, pour cela j’avais confectionné un livre photo de nos vacances en Bretagne et à la fin du livre j’avais mis une photo de l’échographie, une photo de ton papa et moi avec une tétine en bouche (« papa is the best » et « I love mum »), et j’avais écrit que c’était nos dernières vacances à deux parce que nous allions bientôt être trois... Qu’est ce que c’était chouette de partager cette nouvelle avec nos familles proches, de mon côté ils savaient par quoi nous étions passés et étaient soulagés qu’on y soit arrivé, du côté de ton papa ils n’étaient pas au courant donc nous leur avons expliqué notre parcours, ils mesuraient alors la grandeur de la nouvelle que nous leur annoncions... Nous étions très fiers... L’écho du 1er trimestre arrivait à grand pas, mais fin septembre nous avions une fête de famille avec tous mes oncles et tantes, ainsi que mes cousins et cousines... nous sommes une grande famille, nous sommes une trentaine quand nous nous réunissons, et même si je n’avais pas parlé clairement de mon parcours en pma, ils étaient au courant car j’en avais parlé à certaines cousines et l’info avait un peu fait le tour... j’avais très envie de leur annoncer car nous nous étions vu plusieurs fois, quand je cachais encore ma grossesse, et après nous ne nous voyions plus avant un certain temps donc j’aurais du l’annoncer par sms, je trouvais ça dommage... Je prends donc mon courage à deux mains, moi qui suis plutôt réservée et qui ne parle jamais en grand groupe, je frappe ma cuillère contre mon verre lors de l’apéro et ils se tournent tous vers moi et ton papa... Avec bcp de fierté, je leur annonce de vive voix que nous allons bientôt encore un peu agrandir notre famille... cris de joie, applaudissements, ils font la file pour venir nous féliciter, adorable!, et certaines de mes tantes me font des clins d’œil complices pour me faire comprendre qu’elles étaient au courant qu’on avait galéré, qu’elles me soutenaient de loin... Nous quittons cette fête heureux d’avoir partager la nouvelle, mais de retour à la maison c’est l’angoisse, je reviens les pieds sur terre et je me rends compte que je viens de l’annoncer à 30 personnes alors que l’écho du premier trimestre n’est que dans quelques jours... Je passe les jours qui nous séparent de cette écho en regrettant de l’avoir dit... et si le test pour la trisomie était positif, et si tu n’étais plus vivante, je ne te sens toujours pas après tout et mon ventre peine à sortir... Quel stress!
Cette fameuse echo du premier trimestre arrivé enfin... Je suis très stressée... J’avais fait la prise de sang quelques jours avant donc on allait savoir si la trisomie était écartée ou non... du coup on allait aussi savoir si tu étais un petit garçon ou une petite fille, mais honnêtement c’était le cadet de mes soucis! La gynécologue prend ma tension qui est étonnement assez haute et me demande si je suis stressée... Je lui réponds « oh non, ça va ». Puis je m’en veux intérieurement, qu’est ce que j’ai à toujours vouloir paraître forte, à ne pas dire ce que j’ai sur le cœur et lui répondre que « oui, évidemment que je suis stressée », mais bon je suis comme ça, je n’aime pas montrer mes émotions...
Elle nous annonce d’abord que les résultats sont bons, tu ne souffres pas de trisomie, quel énorme soulagement, on se regarde en souriant avec ton papa, les yeux brillants... Nous avons la réponse que nous voulions!! Elle nous demande si nous souhaitons connaître le sexe car elle a la réponse sous les yeux, nous lui répondons oui bien sûr et elle nous annonce que tu es une petite fille, nous sommes ravis! Nous aurions été tout autant ravis que tu sois un petit garçon, mais tout ça devenait bien concret... Je passe à l’écho, et je te vois directement bouger donc ça me rassure, elle écoute ton cœur, il bat... Elle me dit que tu es bien mise donc qu’elle va pouvoir passer en revue déjà une série d’organes, elle les cite en passant dessus et check sur sa longue liste... Elle voit ta vessie, ton cerveau et plein d’autres organes, elle les mesure et nous dit qu’a priori tout va bien, du moins pour les organes qu’elle a vu (elle ne précise pas que tu es blottie ton dos contre moi donc qu’elle ne voit que l’avant de ton corps). Elle nous programme une nouvelle écho dans quelques semaines, puis nous donne une série de rdv, l’écho morpho une semaine après l’avoir revue, puis les autres échos, la visite de la maternité et même le rdv post accouchement, ça me donne des frissons tellement cela devient concret... Nous ressortons de là le sourire aux lèvres, rassurés de toutes ces bonnes nouvelles, nous avions très peur de cette nouvelle écho et nous nous disons alors avec ton papa qu’une grosse étape était passée, qu’on allait pouvoir y croire vraiment mnt, se projeter dans cette grossesse et l’annoncer à tout le monde...
