Forum de l'association Petite Émilie

Je suis d'accord avec toi Theomom, et à vouloir tout concilier on passe parfois à côté de l'essentiel. Dans une vie il y a des temps pour tout, et je crois que le temps d'être maman est un temps à ne pas négliger. Déjà parce qu'il est hyper important pour ton enfant, et aussi parce que, aussi pénible ou difficile que ça soit parfois, je comprends aujourd'hui que c'est également un temps précieux pour nous.

Quoiqu'il en soit nos anges nous ont montré une autre facette de la vie, même si ce qui me fait mal c'est de me dire que j'ai découvert la maternité de la plus terrible des manières. J'ai passé du temps à étudier, trouver un boulot, assumer mes responsabilités, monter en grade, faire carrière ahah et maintenant je suis sans mon petit.. cette histoire de tout concilier j'en parlais encore deux semaines avant d'accoucher..

Je te lis et je me retrouve...

A 32 ans, après de longues études, on se dis qu'on veut profiter, et quand on commence à bien marcher dans le boulot, on veut des avancements, de la réussite... Deux jours avant mon hospitalisation, quand la sage femme m'a dis qu'ils donnaient un mois d'arrêt systématiquement, je lui ai dis que non, c'était trop long. Elle m'a répondu "prenez le, et si vous allez bien, la médecine du travail peut vous permettre de revenir plus tôt".

Je crois qu'elle avait compris à quel point je n'avais pas encore réalisé l'importance et la violence du choc. Car à l'issue de ce mois d'arrêt je pleurait encore chaque jour et me sentais tellement fragile, paniquée rien qu'à l'idée que les gens me disent "ça va?" C'est seulement la semaine dernière que j'ai été capable d'y retourner, soit 7 semaines après l'IMG. Et honnêtement il y a vraiment des moments difficiles,même au travail.

Je m'entends encore dire la psycologue il y a à peine 15 jours combien mes perspectives avaient changées, et la culpabilité d'avoir tant travaillé durant ma grossesse, de n'avoir pas vraiment profité de ces moments qui se sont avérés si courts. Et combien dérisoires me semblaient mon stress d'autrefois dans le travail et mes peurs liées aux enjeux professionnels. Elle m'avait alors répondu "oui, vous avez l'impression d'avoir remis chaque chose à sa place, le travail et ses enjeux après votre sentiment maternel". Et c'est exactement ça.

Bien sûr que je savais que le travail comptait moins que la famille. Mais maintenant je sais que si je foire un petit truc dans le travail, et bien ma foi, ça arrive. Je donne toujours mon max, mais cela ne remet pas en question qui je suis quand je n'arrive pas à 100%. Cela ne me défini plus autant.

Je commence seulement à réaliser que ma vie doit reprendre. Qu'il faut que je fasse à nouveau des projets, pour moi, pour mon couple, pour le travail. Et surtout que ces projets ne doivent pas uniquement être liés au fait d'être à nouveau enceinte. S'ouvrir de nouvelles perspectives, avancer...

Mais c'est dur d'avancer et de travailler sur soi quand on a le sentiment d'avoir un peu perdu la réalité des événements. J'ai l'impression qu'un voile me sépare de l'IMG comme des jours qui précédaient. Comme si mon cerveau avait occulté certains passages. A plusieurs reprises, je parlais avec ma mère, je lui disais "je suis contente de n'avoir pas su ceci ou cela avant l'IMG" ou encore "je n'avais pas anticipé telle ou telle chose avant de le vivre" et à plusieurs reprises déjà elle m'a répondu " mais si, tu me l'avais dis avant l'IMG et tu l'as oublié".

Apparemment c'est souvent le signe des vrais traumas. Lord d'un vrai choc, le cerveau maquille les souvenirs, les enfouis. Et c'est vrai que mes souvenirs semblent souvent irréels, lointains, imprécis. Pourtant je ne VEUX PAS oublier mon petit garçon. Je tente de rappeler les images à moi, de refaire le chemin de mes souvenirs. Parfois j'y arrive, et cela m'attriste car je n'ai visiblement pas encore digéré, et parfois c'est un flop qui me laisse également tellement triste...

Avez vous déjà eu ce ressenti, à un moment dans votre cheminement? Y a il quelque chose qui vous a aidé à rester dans le réel, sans entretenir la peine mais en gardant la réalité en mémoire ?

Je me dis que, peut être, cela fait partie du chemin. Mais je sais aussi que je ne veux pas enfouir ces souvenirs au risque de les voir ressortir à un moment heureux comme une autre naissance... Et mon petit mérite mieux

Bonjour Anne2017,
Je n'ai pas encore vécu cela pour Ange, mais après l'img, le décès de ma maman est ressorti et je me suis rendue compte que je n'avais que très peu de bons souvenirs d'elle, je n'avais en gros que les mauvais, sa maladie notamment. Elle est partie j'avais 13 ans, il s'en passe des choses en 13 ans quand même. Alors je travaille là dessus, je vais me faire de grosses séances photos...
Donc du coup, j'ai peur qu'il m'arrive pareil pour Ange, alors j'écris son histoire. J'ai pris un grand cahier, celui dans lequel on avait noté les préparatifs pour la chambre, les produits à acheter, etc. et du coup je raconte son histoire, mes ressentis, etc. Je prends le temps de le faire, quand je passe devant j’écris quelques trucs. Voilà je n'ai trouvé que ça...
Si ça peut t'aider...courage!

Bonjour Anne, j'ai aussi ce sentiment, j'essaie de me souvenir de mon petit garçon dans sa couveuse mais parfois c'est comme si il s'efface.. par contre je me souviens de chaque minute de mon arrivée à la clinique, transfert en ambulance, salle d'opération, césarienne, réanimation du bébé.. bref l'horreur absolue.

Pour me souvenir de mon petit je regarde ses photos.. as tu des photos? Si ça fait trop mal tu peux aussi demander à un artiste de faire un portrait ? Je trouve que cultiver son souvenir aide beaucoup: je lui ai fait un faire part de naissance (il a vecu deux jours), j'ai fait une bougie avec son nom dessus, jai acheté un petit ange en pendentif.. écrire fait du bien pour certaines. Par contre je ne sais pas si ça rapproche de ce que tu décris mais j'ai maintenant la mémoire courte sur plein de petites choses, c'est peut être la déprime mais j'oublie certains détails du quotidien ou ce qu'on me dit. Peut-être que je n'ai juste plus envie de chercher...

Je suis aussi vraiment d'accord avec toi sur le fait que recommencer à vivre est bon aussi, je suis en vacances avec mon mari là, je bois un petit verre de vin, bref profiter un peu aussi de ce que je ferai plus enceinte. Même si parfois dans la rue je me dis que je serais normalement avec un beau landau là.. et c'est horrible.

Bonjour les filles,

Comme je vous comprends! Pour moi aussi je ressens l'envie de passer à autre chose, de franchir une nouvelle étape et d'avancer. Et comme toi Anne, je me bute à la difficulté d'y parvenir, je me trouve bien plus fatiguée qu'avant alors que je ne travaille pas, me couche plus tôt que d'habitude, prends du temps pour moi... j'ai parlé à la psy de cette impression d'être lessivée lorsque je dois réfléchir, j'ai évoqué aussi avec elle la difficulté à me concentrer ou bien à retenir les choses, à faire plusieurs fois choses en même temps et elle m'a expliqué que les 1ères étapes du deuil demandaient beaucoup d'énergie car on mentalise les choses...
Comme PoissonAnge et Theomom, j'écris (même si j'ai du mal alors que j'adorais ça jusqu'ici) et je regarde les photos. Lors de la préparation de mon accouchement avec la psy, j'avais aussi évoqué la peur d'oublier physiquement mon petitout et elle m'avait alors suggéré de prendre des photos de lui mais aussi de ses petites affaires, des cadeaux qu'on lui a laissés et même de tous les moments de l'après, comme son urne, le columbarium... J'avais trouvé cela un peu étrange sur le coup mais comme une machine à ce moment là, j'avais suivi ses conseils et aujourd'hui, ces photos nous aident un peu chaque jour selon notre ressenti...
Après, je me suis rendue compte aussi grâce à la pédopsy que je suis allée voir jeudi que je récite ce qui s'est passé comme une leçon de science lorsque j'en parle. Tout ça témoigne bien entendu de ma peur d'oublier mais aussi de la colère qui est encore là. Non pas la colère envers les médecins, non non mais la colère que ce drame nous soit arrivé à nous et si tard dans la grossesse... alors oui, je me dis que j'ai encore du chemin à faire pour m'en sortir...

Je ressent aussi cette incapacité intellectuelle... Je ne memorise rien, j'ai parfois du mal à trouver mes mots dans le contexte professionnel quand les échanges sont nourris... Je me sens un peu diminuée.

Je n'ai pas fait de photos, je n'étais vraiment pas préparée à ces événements. Je n'avais pas pensé voir mon bébé. Pas imaginé d'être tant connectée déjà à lui et me sentir si affectée par cette perte. Mais j'envisage de demander les photos à l'hôpital. J'appréhende un peu car dans mon souvenir mon bébé est magnifique, et je me demande si je ne risque pas un nouveau choc.

Je constate que j'arrive un peu plus à en parler mais j'esquive souvent quand même.

Bonjour Anne,

Je pense avant tout qu'il faut s'écouter pour surmonter les différentes étapes et y faire face. Si tu ressens l'envie de voir une photo de ton Bébé, tu peux sans doute demander à l'équipe qui t'a accompagnée et accouchée de t'y préparer en te le décrivant.
Pour moi, voir mon petit bout n'a pas été un choc mais je dois t'avouer que la photo prise par l'hôpital et remise à ma sortie nous est plus difficile à soutenir que celles que nous avons prises en noir et blanc notamment. Si tu le désires, je pourrais t'en parler davantage mais je ne voudrais pas brusquer les choses en allant trop vite...n'hésite pas!

Tu sais quand mon fils est né, vivant, j'avais peur de le voir la première fois dans sa couveuse. Puis je l'ai vu et mon dieu.. j'oubliais presque qu'il était si petit et si rouge..

Les photos font très très mal je trouve, mais il y a dans cette douleur quelque chose qui fait du bien, j'ai besoin de les voir et en même temps je souffre énormément quand je les vois. Je pense que ça fait avancer dans le deuil.. mais si tu ne le sens pas, ce n'est pas grave.

On se retrouve toutes dans cette incapacité intellectuelle je vois.. par contre je vois aussi que vous avez repris le travail ? Mon fils est décédé le 28 février et je suis en congé maternité.. je n'arrive pas à envisager de reprendre. J'ai convenu de retravailler cet été et c'est triste mais.. en ce moment j'espère retomber enceinte avant.