Bonsoir Marion.MarionDamiens a écrit : ↑28 février 2022, 14:26 Bonjour à tous et à toutes,
Cela fait plusieurs semaines que je trouve refuge sur ce forum en lisant tous vos témoignages respectifs, et je ressens maintenant l'envie et le besoin de raconter mon histoire à mon tour.
J'ai appris ma grossesse le 25 octobre 2021 et les mois qui ont suivi cette nouvelle ont été fabuleux, entre le bonheur que nous ressentions mon conjoint et moi et l'annonce à nos proches au moment de Noël. J'ai vécu un premier trimestre de grossesse "assez classique", quelques nausées, pas mal de fatigue, mais des maux qui ne gâchaient en rien ce grand bonheur attendu. J'ai été toutefois assez vite stressée car des amis ayant eu un bébé récemment avaient dû passer par l'amniocentèse suite à une hyper clarté nucale détectée au moment de la T1. Après de longues semaines d'attente, le caryotype complet du bébé n'avait montré aucune anomalie et leur petit bonhomme qui a maintenant 3 mois est en parfaite santé. C'est la 1ère fois que j'étais confrontée d'aussi près à ce genre d'évènement lors d'une grossesse, et cela s'est passé quelques mois avant que je tombe moi-même enceinte.
La 1ère fois que cela m'a traversé l'esprit pour ma propre grossesse, c'est lors d'une échographie de contrôle faite aux urgences à 9sa à la suite de saignements : j'ai eu l'impression de voir sur cette échographie une clarté nucale prononcée, alors même que je ne savais pas comment mesurer ou voir une CN sur une écho, que je n'ai aucune connaissance à ce sujet. J'ai été prise de crises d'angoisse par la suite, mon conjoint et ma sage-femme ont réussi à me raisonner et j'ai réussi à trouver un semblant de sérénité jusqu'à la T1.
A la T1, RAS, aucun commentaire inquiétant de l'échographe, elle nous parle juste du tri test à la fin de l'examen, que je m'empresse de faire juste après. Nous prenons ensuite le train pour le réveillon de Noël dans ma famille, je commence à décortiquer le compte-rendu, toutes les mesures sont effectivement bonnes, la CN à 2,3 mm est dans la fourchette haute (89ème percentile) mais reste dans la "norme". Les fêtes de Noël se passent, j'arrive à mettre mes angoisses de côté, nous sommes entourés et annonçons cet heureux évènement au reste de nos famille, je garde un très bon souvenir de ces fêtes.
Le 29 décembre, coup de fil de la sage-femme, le tri test est revenu à 1/160, elle essaye de me rassurer en me disant que ce chiffre ne veut pas dire grand chose, qu'il faut faire le DPNI pour avoir un résultat beaucoup plus fiable. Mon conjoint reste très confiant, il fait un calcul rapide dans sa tête : il y a 99,4% de chance que tout aille bien ! Il a raison mais je ne parviens pas à garder cet optimisme.
Le 5 janvier, 7 jours plus tard, nouveau coup de fil de la sage-femme, je sais avant même de décrocher ce qu'elle va nous dire et cela se confirme au son de sa voix "le DPNI est positif à la trisomie 21", à partir de ce moment là tout bascule, je m'effondre en larmes, mon conjoint pas tout de suite, car la sage-femme essaye encore une fois de nous rassurer "il faut garder espoir, il y a parfois de faux positifs, c'est arrivé récemment à une de mes patientes". On fait quelques recherches sur Internet et on comprend vite que c'est un dépistage sûr à 99%. Je n'ai plus d'espoir pour ma part.
Dans ce tourbillon, il faut quand même trouver la force d'organiser les étapes qui vont suivre, notamment l'amniocentèse. Il faudra qu'on patiente presque 3 semaines de plus pour pouvoir la réaliser, à 17sa. Pendant cette attente, on commence donc à réfléchir à notre choix si la trisomie 21 est confirmée, au début tout est clair "on ne continuera pas la grossesse", je m'immerge dans les témoignages de femmes / couples ayant vécu une IMG, j'ai besoin de comprendre comment cela se passe.
Le 24 janvier, l'maniocentèse a lieu, c'est plus impressionnant que douloureux, je tombe sur une équipe très douce et bienveillante. Je ressens une forme de soulagement, c'est une étape supplémentaire qui est passée. On apprend aussi que nous attendons un petit garçon, on est déchiré entre le bonheur de cette nouvelle et la tristesse de la décision que l'on va devoir prendre pour lui. Les résultats FISH arrivent 3 jours après, le 27 janvier. On nous fait revenir dans le CPDPN où à eu lieu l'amniocentèse, à 1h30 de chez nous pour un RDV qui durera en tout et pour tout 5 minutes : "Les résultats FISH confirment bien la T21. Vous avez déjà réfléchi à ce que vous voulez faire ?" A peine prononce-t-on du bout des lèvres que l'on pense arrêter la grossesse qu'on nous encourage à prendre RDV pour programmer l'IMG le plus rapidement possible. C'est trop pour moi.
La semaine qui suit ces résultats, je fais énormément de recherche au sujet de la T21, je passe presque 1h au téléphone avec la présidente de l'association https://www.valentin-apac.org/ ; on fait une échographie morphologique à 18sa pour voir si des malformations sont déjà détectées à ce moment là. On cherche des éléments qui pourraient nous aider à prendre notre décision. L'échographie ne montre aucune malformation et au final cela complique encore plus notre décision. Les différents professionnels à qui on parle durant cette semaine là sont unanimes, il est très compliqué de prédire la "lourdeur" du handicap dans le cas du T21, il peut ne pas y avoir de malformations physiques, cela peut se développer plus tard dans la grossesse, ou après, ou pas du tout. Pour le handicap mental, on ne peut l'évaluer, mais je comprends que cela dépend beaucoup de l'investissement des parents, de l'entourage. Tous nous rassurent sur le fait qu'on peut encore prendre le temps pour réfléchir à notre décision mais en cas d'IMG on nous encourage à le faire avant 22sa pour ne pas rajouter la douleur de la procédure de foeticide à notre peine.
Je me sens perdue, par moment j'ai l'impression d'en être capable, et je pense ensuite à la vie d'adulte et toute la souffrance que notre petit garçon pourrait ressentir plus tard, et la notre. Au fil de notre réflexion, je me sens "prête" à le laisser partir, même si cela me déchire profondément.
On formule la demande d'IMG le 7 février, qui sera programmée le 16 février. On passe 10 jours dans notre bulle, entre des moments de profondes tristesse mais également de jolis moments à sentir bouger notre petit prince.
Le 16 février à 07h30, nous rentrons à l'hôpital, commence alors une longue attente pour l'évènement le plus triste de notre vie. Je rejoindrai la salle de naissance le 17 février à 2h et notre ange est né à 12h35, à 20+6sa. L'accouchement n'a pas été douloureux physiquement, la sage-femme qui était présente à ce moment là a été d'une douceur et d'une bienveillance sans nom.
La rencontre avec notre Pio a été un moment hors du temps, il présentait des signes de vitalité après la naissance alors que depuis le début on nous répétait que les contractions arrêteraient son petit coeur naturellement. J'ai été hantée par cela les jours suivant l'accouchement, de peur qu'il ait pu souffrir, mais je me dis maintenant qu'on a eu une chance incroyable de pouvoir l'accompagner dans ses quelques minutes de vie et qu'il ait pu partir dans nos bras... Nous sommes repartis avec une boite pleine de souvenirs dont 2 photos de Pio. Je pensais que je ne pourrai jamais regarder ces photos. Au final, je les regarde tous les jours car j'ai peur d'oublier son petit visage.
Nous avons fait le choix d'organiser les obsèques nous-même, l'hôpital pouvait s'en charger mais nous n'aurions pas pu être présent au moment de la crémation et de la répartition des cendres, ni avoir connaissance des dates. Nous n'avons pas pu nous résoudre à le laisser partir seul...
Ce fut une étape de plus, 1 semaine après l'accouchement, mon conjoint avait convié quelques proches. J'ai d'abord eu peur de devoir "affronter" nos proches pendant les obsèques, peur que les gens ne comprennent pas notre souffrance face à une décision que nous avions choisi, peur de ne pas être légitimes dans notre souffrance... Finalement, je remercie mon conjoint car notre Pio est parti entouré de nos proches, présent pour nous soutenir dans notre tristesse.
Aujourd'hui, je vous écris à J+11 après l'accouchement, il y a des jours avec et des jours sans. Nous faisons en sorte de nous en sortir, nous voyons une psy spécialisée dans le deuil périnatal, je vais également tester l'EMDR. Certains jours, en plus de la tristesse je suis rongée par la culpabilité et ces jours sont les plus compliqués. J'ai milles questions qui me viennent "et si on avait poursuivi la grossesse, y-aurait-il eu des malformations découvertes ?" "et si on avait attendu un peu plus longtemps, aurait-on changé d'avis ?" "et si on avait eu le courage d'assumer le handicap de notre petit garçon ?". Dans ces moments là, j'ai tendance à m'auto-flageller en me disant que je ne mérite plus le bonheur après avoir pris cette décision. Je ne me sens pas non plus légitime à dire que je traverse un deuil périnatal face à des parents qui ont vécu une MFIU ou une IMG pour cause de maladie / malformation létale. Je trouve du réconfort et un certain espoir à écouter des parents endeuillés raconter comment ils ont sorti la tête de l'eau ; mais parmi tous ces témoignages, il n'y en a aucun qui évoquent la T21. J'ai l'impression que le tabou autour du deuil périnatal se lève, mais que celui autour de l'IMG pour T21 est bien réel. Cela renforce encore un peu plus ce sentiment de culpabilité.
Désolée pour ce pavé, si certains ont pris le temps de le lire je vous en remercie![]()
Comment ne pas réagir à ton post ? Mon bébé s'est envolé pour les mêmes raisons quelques heures seulement avant le tien : le 16 février à 22h57. Nous en étions pratiquement au même terme puisque mon bébé est parti à 21 semaines.
Il y a quelques différences dans l'annonce de la trisomie 21 : clarté nucale à 3,8 mm ; tritest à 1/10 ; DPNI positif ; amniocentèse positive ; cardiopathie déjà détectée.
Nous avons fait la cérémonie le 25 février. J'ai eu une semaine pour tout préparer et lui exprimer tout mon amour et toute ma douleur. Nous avons fait un peu comme toi : textes, musiques, pétales de fleurs mais aussi doudou, bijoux, photos, vêtements, langes, etc. Cela a été une chance d'avoir le temps de préparer et de lui parler avant.
Cela fait 3 semaines jour pour jour que mon bébé est parti. Mon accouchement a été douloureux car mon esprit ne voulait pas la laisser partir alors qu'elle l'était déjà depuis le milieu d'après-midi.. Depuis, je viens sur sa tombe (on a fait un cavurne) tous les jours. J'ai acheté aujourd'hui un nouveau bouquet pour elle. On lui a érigé un autel provisoire (il est actuellement dans notre chambre à coucher et on compte l'installer par la suite au sein du foyer) pour lui rendre hommage avec sa boîte de naissance, ses photos, des petits anges qui m'ont été offerts pour elle, etc.
Je n'arrive plutôt à pleurer et cela m'angoisse. J'ai contacté aujourd'hui l'association AGAPA et une psychologue spécialisée dans le deuil périnatal. Je suis suivie aussi de façon médicamenteuse par une psychiatre de l'hôpital.
N'hésite pas à venir. Cela me fera plaisir de parler de mon bébé avec quelqu'un qui connaît exactement la même chose (culpabilité, douleur, etc.).
Profite bien de tes derniers moments avec ton bébé.
Bisous.
Alison.