Tout est allé si vite

[Mamange d'Arthur]

Je rejoins tout à fait Anne, et j'ajouterais aussi qu'il faut en parler. Evidemment ton cas est un peu différent du mien. Toi ta grossesse était probablement connue de tous. Moi j'ai accouché à 21 SA, mais comme on a soupçonné des problèmes dès l'écho de 13 SA, très peu de gens étaient au courant: la famille proche, les amis très proches, les collègues directs. Et j'ai tout fait pour caché mon ventre le plus longtemps possible. J'ai même continué à jouer au hockey sur gazon en étant très prudente et en mettant mon coach dans la confidence, mes coéquipières ne se sont rendu compte de rien.
Ce n'est que quelques semaines après avoir repris le travail que j'ai commencé à parler de mon petit garçon parce que j'en avais cruellement besoin. Le faire exister par mon témoignage. Quand on me demandait si j'avais des enfants, je répondais: oui, je suis maman d'un petit garçon né sans vie à 5 mois de grossesse. En faisant cela, tu te rends compte que ça arrive plus souvent qu'on ne le pense. C'est juste qu'on en parle pas car le deuil périnatal est un sujet tabou. Au moins 4 amies de ma maman ont vécu la même chose et m'ont partagé leur expérience. Ce genre d'échange fait doublement du bien:
1. D'abord parce que tu te sens moins seule. Ce forum est extraordinaire, mais cela reste une solidarité "à distance". Pouvoir échanger avec des personnes dans son entourage direct est une aide précieuse aussi.
2. Ensuite parce que ces personnes ont beaucoup de recul, et sont des exemples de femmes qui ont construit une vie heureuse après cette épreuve terrible. Et ça, ça donne énormément d'espoir.
Voilà mon avis, j'espère que cela va pouvoir t'aider un peu.
Je pense bien fort à toi!

[Anne2017]

C'est vrai que, quand on commence à en parler, on se rend compte que les femmes ont eu souvent des moments pénibles que l'on ignorait.

Ne serait ce que des fausses couches, qui si elles ne sont pas comparables à proprement parler, sont quand même un moment difficile lié à la maternité...

Ma grossesse était aussi moins avancée, et du coup très peu de gens étaient au courant. En parler avec certaines amies et collègues m'a beaucoup aidé

[Steph]

C'est vrai que d'en parler me fait du bien même si raconter les circonstances est douloureux. Mais en même temps j'ai pas envie de voir les collègues et les amis car j'ai peur d'affronter leurs regards et ce qu'ils pourraient me dire, leurs maladresses.

J'envisage d'écrire un journal en m'adressant à ma fille pour lui dire tout ce que je lui aurait dit si elle était avec nous et pour exprimer le manque que je ressens. Est ce qu'il y a permis vous qui l'on fait ?

[Natange]

Je sais qu'il y a des mamans du forum qui écrivent effectivement à leur enfant à travers un journal. Pour ma part, c'est une démarche légèrement différente mais qui passe par l'écrit aussi. J'ai mis par écrit tous les détails et toutes les émotions que j'ai vécus avec mon fils avant, pendant et après mon img. Notre histoire est écrite et je compte l'imprimer sous forme d'un roman.

Il ne faut pas hésiter à faire la moindre chose qui semble pouvoir te faire du bien. J'ai appris que dans notre situation, il faut s'écouter à 100%. Tant pis si les autres ne comprennent pas. Mon compagnon trouvait que c'était me faire du mal pour rien que d'écrire l'histoire de mon fils. Mais je l'ai fait quand même car j'en ressentais le besoin. Pour le moment, je suis en train de la relire pour vérifier l'orthographe. Je la lis avec beaucoup de tendresse et d'amour pour mon fils. J'aime ça.

J'ai également mis au mur un portait de mon bébé qui a été réalisé par un illustrateur sur base d'une photo. J'ai demandé qu'il dessine les yeux comme si mon fils dormait (et pas les paupières soudées comme il les avait). Ca rend le portrait plus doux qu'une photo. Je sais qu'une collègue trouve cela bizarre. Elle a dit à ma maman qu'à ma place, elle n'aurait pas aimé avoir ce portrait au mur. Mais voilà, elle n'est pas à ma place.

Après la naissance de mon fils, j'ai vraiment eu besoin de le faire "vivre" à travers des souvenirs concrets. J'y ai passé du temps pendant mon congé. Mais ça m'a fait un bien fou.

[Steph]

Je ressens aussi ce besoin de la faire vivre. Je sais pas encore comment, un tatouage, un bijoux, le temps me le dira je pense. L'idée du portrait me plaît. On verra avec mon conjoint ce que l'on décide de faire.

J'ai une autre question, comment faire pour affronter le regard et les questions des personnes qui ne sont que des connaissances comme aller chez mon boulanger qui m'a vue enceinte et qui savait que j'allais pas tarder à accoucher. Que répondre à ses questions ? Je n'ose pas encore y retourner.

[Natange]

Concernant le regarde des autres, ce n'est pas toujours évident de savoir quoi faire.

Je suis institutrice maternelle et je travaille dans deux écoles. J'avais demandé aux deux directions de faire parvenir un courrier aux parents pour leur expliqué que j'avais perdu mon bébé, sans leur donner des détails. J'espérais éviter des questions de leur part. dans une école, ça a été fait mais l'autre direction a refusé de le faire. Une semaine après mon img se déroulait le carnaval dans l'école de mon aîné. C'est dans cette école que le directeur a refusé de prévenir les parents. J'avais donc très peur de leurs questions et comme je me sentais encore un peu fragile émotivement parlant, j'avais préparé une réponse toute faite à leur donner si on me questionnait. Je m'étais dit que je leur dirais que j'avais perdu mon bébé mais que je n'avais pas envie d'en parler. Je n'ai pas eu besoin de dire quoique ce soit car personne n'a jamais posé de questions.

Après, quand j'ai commencé à aller mieux, j'ai pu expliquer sans problème ce que j'avais vécu. Au début, j'étais embêtée car je savais que ça mettais les gens mal à l'aise de savoir que j'avais perdu mon bébé. Mais très vite, je me suis dit que ce n'était pas mon problème qu'ils soient mal à l'aise. Mais j'ai finalement eu très peu de questions de la part des gens.

Autre point sur lequel j'ai du réfléchir, c'est que répondre à la question du nombre d'enfants et c'est sur le forum que j'ai trouvé ce que je répondrais à cette question. J'ai un fils dans mon coeur et un autre que je peux serrer dans mes bras tous les jours.

[Steph]

C'est vrai que mettre les gens mal à l'aise ne me préocupe pas, j'ai déjà ma souffrance à gérer, je ne veux pas me préoccuper de l'ambarras des personnes que je vais croiser.
Ce qui me bloque le plus, c'est de rencontrer des personnes au courant de ma grossesse et qui vont me poser des questions. J'habite dans une petite ville et je peux facilement rencontrer des connaissances. Vendredi je suis allée à la pharmacie toute seule. Et bien de penser que je pouvais croiser n'importe qu'elle personne suceptible de ne pas être au courant de ce qui m'est arrivé m'a angoissé et j'ai été au bord des larmes jusqu'à ce que je sois chez moi. J'ai tellement peur de devoir raconter pour la énième fois ce qui s'est produit ! Du coup je ne sorts plus toute seule. Moi qui aimais avoir mes moments de solitude, je ne suis pas bien dès que je reste seule trop longtemps et j'éclate en sanglots.

[Mjjm]

Steph

Je voulais juste te rassurer sur une chose le tps passe vite dans 3 jours sa fera 10 mois que j'ai accouché de ma fille Emna presque le même prénom que ta fille.

Le tps est passé à une allure folle je vais pas te mentir au début le tps se fait sentir paraît long la douleur insurmontable mais le tps apaise la souffrance et rend la perte plus douce maintenant il me reste les bons moments partagés avec ma fille et mon mari.

Le tps pour moi à commencer à passer plus vite lorsque j'ai trouvé un travail.

J'avoue quand même que lorsque je pense au 8 octobre ça me serre le coeur mais c'est supportable.

Actuellement je ne suis pas enceinte du bébé espoir mais je sais que ce bébé viendra en tps voulue et surtout je sais que je n'ai aucun contrôle dessus alors je continue d'avancer.

[Steph]

Merci Mjjm,
Cela fait du bien de savoir qu'avec le temps la douleur s'apaise même si j'ai du mal à le concevoir pour le moment.
Il m'arrive de sourire si je regarde quelques chose de comique à la télé mais j'ai un sentiment de culpabilité qui m'envahit tout de suite comme si je ne devais pas aller mieux. C'est dure de laisser la vie suivre son cours sans ma fille, j'ai l' impression de ne plus avoir le droit d'être bien, de devoir tout le temps souffrir.

[Natange]

J'ai ressenti la même chose la première fois que j'ai pris conscience que j'allais mieux, quelques jours après mon img. J'ai finalement su me raisonner en me disant que j'avais le droit de sourire. Nous n'avons rien fait de mal qui justifierait qu'on s'auto-punisse. Dans mon cas, c'était un geste d'amour et de protection de mon enfant. Ca fera 5 mois demain que je l'ai rencontré pour la première et dernière fois, physiquement parlant, il est quotidiennement dans mes pensées, mais il y est d'une jolie manière. Je souris quand je pense à lui.

Profite des moments où tu retrouves le sourire.