Mes deux bébés miracles

[AlisonP]

Bonjour,
je me présente : je suis Alison, maman de deux petits miracles. J'ai 38 ans.
Mon histoire est sans doute commune mais, pour me comprendre véritablement, il faut remonter à 8 ans.

Il y a 8 ans, j'ai 30 ans. Nouvellement propriétaire d'un petit appartement, j'ai obtenu avec joie la mutation dont je rêvais. Mais cela fait aussi un an que ma pilule a été retirée du marché et que je n'ai pas mes règles, même en utilisant d'autres pilules avec le même dosage. Je vais donc voir mon gynécologue. Examen clinique normal, prise de sang et, là, c'est la douche froide : "Vous êtes stérile." Je m'effondre sur le bureau. "Dites-moi que j'ai un cancer, je me battrai, mais là je fais quoi ?" Voilà ma pensée. Petite porte de l'espoir : c'est peut-être un problème hormonal. J'ai donc rendez-vous avec un endocrinologue trois mois plus tard. Mais, je ne peux plus m'arrêter de pleurer. Je prends les escaliers, espérant croiser le moins de monde possible. Seul hic : en-dessous de la gynécologie, il y a la maternité. Et là, je m'effondre par terre. Je passe 15 jours à pleurer et à bercer un bébé qui n'existera peut-être jamais. J'ai 30 ans, je suis célibataire, nouvellement propriétaire, j'ai obtenu ma mutation et mon monde s'écroule.
Trois mois plus tard, nouvelle prise de sang avec l'endocrinologue. Résultats : le labo s'est trompé. Je ne suis pas stérile. IOP (insuffisance ovarienne précoce) tout au plus. Je reprends espoir. Oui, mais, quelle est la cause ? Pas clinique et pas hormonale. On cherche du côté du caryotype. De nouveau, le monde s'effondre : j'apprends que j'ai un chromosome sexuel en trop. Je suis "triple X". Jamais entendu parler ? Moi non plus ! Beaucoup de questions et un rendez-vous avec un docteur en génétique 3 mois plus tard.
Trois mois plus tard, j'ai enfin mes réponses. Je dois me diriger de toute urgence vers un centre PMA. Nouvelle douche froide : je ne peux pas avoir d'enfant toute seule. C'est hors la loi. Je peux cryoconserver mes ovocytes seule mais je n'aurai pas non plus le droit de les utiliser seule. Ni une ni deux, je file à Bruxelles. Encore une douche froide : c'est trop cher ! Je n'ai pas les moyens ! Dépitée, je reviens en France et je me lance dans les protocoles de cryoconservation dans l'espoir que la loi change entre temps ou que je rencontre quelqu'un prêt à me suivre dans tout ça. En trois ans de temps, je subis 8 ponctions, et je monte péniblement (surtout à la fin) jusqu'à 12 ovocytes congelés avec le risque que ces derniers ne résistent pas à la décongélation... Entre temps, je rencontre quelqu'un mais c'est une relation toxique.
A 33 ans, je décide de donner un autre sens à ma vie car ça ne marche plus, je suis de nouveau célibataire, la loi n'est pas passée et je n'ai plus trop d'espoir.
A 34 ans, je rencontre une nouvelle personne. Je tombe amoureuse. Et six mois plus tard, je tombe enceinte naturellement ! La grossesse est merveilleuse et j'accouche d'une jolie petite fille. Elle a trois ans aujourd'hui.
Sur cette belle lancée, nous tentons notre chance l'année dernière. Cela ne marche pas, malheureusement. Alors, on nous prescrit tout un tas d'examens pour commencer les FIV. Juste avant mon hystérographie, on m'appelle : on ne pourra pas faire l'examen car je suis enceinte. Incroyable ! Mon taux est celui que le labo m'avait diagnostiqué lorsqu'il s'est trompé ! Je n'y crois pas. Ce n'est pas possible. Mon compagnon, lui, tout excité, commence les préparatifs. J'essaye de le freiner mais tout s'emballe. Et la première échographie, le gynécologue est pessimiste : la nuque est épaisse. Les examens s'enchaînent : tritest (1/10), DPNI (positive), amniocentèse (confirmation d'une trisomie 21). Ma deuxième petite fille est trisomique. Je m'en fiche, je l'aime, je la prends comme elle est ! Je me bats contre ma famille, mon compagnon qui veut arrêter car il ne se sent pas capable, je contacte les associations de trisomie, je rencontre une famille avec un enfant trisomique ... Et pourtant, quand ma belle-soeur m'offre à Noël un kit d'allaitement, ce dernier me brûle les mains : "Pourquoi elle m'offre ça ? Je ne vais pas accoucher." Quand l'infirmier me fait ma prise de sang et qu'il me dit "Il faut le passe pour que votre compagnon assiste à votre accouchement." Je me dis encore "Pourquoi il me parler d'accoucher ?" L'évidence est là mais je ne veux pas la voir. Trop dur, je ne veux pas me séparer de mon bébé. Mon deuxième petit miracle.

La semaine dernière, j'ai donné ma réponse : j'arrête cette grossesse. Je rends mon ange aux anges. Beaucoup de discussions avec ma psy et j'arrive à donner un sens à tout cela même si j'ai encore des doutes. Je me lance malgré tout dans la préparation de son départ. je prends le contrôle, enfin. Cette grossesse qui n'appartenait qu'au corps médical m'appartient enfin dans la douleur de la séparation. On me dit très active : langes, vêtements, prières, bijoux, cimetière, doudou ... Je prends tout en charge. J'en ai besoin. Je me reconnecte à ma fille. Je fais une séance photos maternité et je vais à la mer pour lui faire entendre la musique des vagues.
Mon IMG aura lieu cette semaine. Mon compagnon sera là les trois jours puis reprendra le travail. J'ai peur de sombrer dans la folie. J'ai peur de partir de la clinique sans elle. Et, en même temps, je veux reprendre goût à la vie, je veux croire en la Vie, je veux croire en un bébé arc-en-ciel, je veux croire en mon bébé et en ma grande fille. Avez-vous ressenti ces sentiments ambivalents ?

Désolée du pavé ...

[Gerault Anaïs]

Bonjour Alison,
Tout d'abord ton histoire est très touchante, j'admire ton courage et ta détermination a devenir mère, c'est incroyable ce qu'une femme peut accomplir.
En ce qui concerne ton IMG, il est tout a fait légitime de ressentir des sentiments contradictoires et ambivalents, tu as raison de prendre le contrôle des choses, de ta grossesse et de sa fin.
Je vais vivre mon IMG moi aussi cette semaine et je ressens une serenité qui m'a surprise au début, comme toi je prépare les vêtements je les lavent, je fais écouter de la musique a ma fille je lui parle, je profite ....Tu peux croire en la vie je suis persuadé qu'elle finit toujours par l'emporter. Nos bébés feront parti de nous à jamais, de notre histoire, elles auront leur rôle à jouer pour l'avenir.
Je te souhaite beaucoup de courage sache en tout cas que tu n'es pas seule. J'aurais une pensée pour toi et ta petite. (A t-elle un prénom ?)

[AlisonP]

Je te remercie de ton message et de tes douces pensées. Je penserai également à toi.
Mon petit ange s'appelle Marine.