Mon état est-il normal ?

[Coccinelle79]

Bonjour à toutes et tous.
Je viens vous voir pour évoquer avec vous un sentiment étrange qui m'habite parfois.

Cela fait maintenant 1 mois que notre fille est partie. Et il y a des jours où je sais que la situation est réelle, c'est à nous que cela arrive, mais je ne ressens aucun affect. Le fait d'en parler va me faire pleurer, mais j'ai l'impression de mettre la situation à distance et cela me fait peur. Peur de ne pas procéder au deuil correctement et qu'un jour, tout explose.

Pourtant, d'autres jours, je suis envahie par le chagrin et le sentiment d'injustice voire de culpabilité.

Avez-vous eu cet état de sidération ? L'impression de ne rien ressentir, comme si rien ne s'était passé ?

Pour info, j'ai commencé mon suivi psy lundi, je ne lui ai pas posé la question car le premier entretien était tourné autour de ce qu'il s'est passé, mais pas forcément tous mes sentiments. J'ai beaucoup pleuré lors de la séance, je sais que je peux encore ressentir des choses mais parfois mon état me paraît très étrange et je voulais le partager et savoir si cela vous est arrivé également.

Merci.

[Gigi18]

Bonjour,

Je pense que c'est normal et franchement utile d'avoir des moments où on ne ressent pas ces affects pénibles.
Pour ma part, ils sont mis à distance régulièrement et j'ai des moments de "craquages", ils étaient les pires dans les semaines qui ont suivi l'IMG et il y a des moments où c'est comme si rien ne s'était passé ou presque.

Maintenant, je me rend compte que même dans ces moments de déconnexion affective, j'étais mal parce-que je ressens très fort la différence avec mon état global actuel. Je ne me rendais simplement plus compte que j'étais mal tellement cet état était permanent avec des pics d'intensité où je le ressentais très fort.

Ce la me semble cependant être un mécanisme de défense qui m'a aidé à traverser les premiers moments sans bébé et cela me permet des prises de conscience de ce que j'ai vécu affectivement par étape.

Le moment viendra où tu arrivera à faire face à ses affects et la psy est là pour t'y aider mais prend bien le temps qu'il te faut. Le temps est important pour le deuil. pas de pression.

Gigi

[Perrinek]

Bonjour Coccinelle,

Je n’ai pas vraiment vécu cette situation, mais une amie très proche a perdu d’abord son frère d’une tumeur au cerveau après plusieurs années de rémission, puis un an plus tard sa mère diabétique de manière très brutale d’une embolie pulmonaire. Elle décrit la période qui a suivi la mort de sa mère en disant que dans un premier temps son cerveau s’est déconnecté pour pouvoir faire face à la douleur engendrée par ces deux pertes successives et la protéger.
Aujourd’hui elle a surmonté ces deuils. Ce n’est pas incompatible.
Si tu as entamé un suivi psy tu as la sécurité de pouvoir compter sur un(e) professionnel(le) pour évaluer ton état et te donner les meilleurs soins et conseils pour t’aider à traverser cette période difficile de ta vie.

Prends bien soin de toi.

[Coccinelle79]

Bonjour Gigi et Perrine,

Merci pour vos réponses.

Malgré d'autres deuils dans le passé, je n'avais jamais ressenti une telle "déconnexion", j'avais toujours des projets qui me maintenaient debout. Là, je suis en congé pour rien... alors que je ne suis pourtant actuellement pas en même de retravailler. Je ne retrouve pas mes réactions d'autrefois, c'est déstabilisant. Mais j'imagine que c'est normal, la situation est quand même très inédite...

[Perrinek]

Bonjour Coccinelle,

Si tu le souhaites, quand tu auras récupéré et avec avis médical, je crois qu’il est possible d’écourter ton congé maternité.
Pour ma part je suis retournée travailler une semaine après mon IMG (à 17 SA, donc il n’y a pas du tout les mêmes conséquences physiques que dans le cas d’un accouchement à terme). C’est moi qui avais demandé à ce que mon arrêt de travail ne soit pas plus long, quitte à le faire renouveler si besoin. Mais je suis enseignant-chercheur, je peux donc moduler mon emploi du temps sauf pour les heures de cours en présentiel.
Et sur un plan plus personnel je me suis déterminée à terminer plein de choses qui étaient en suspens depuis pas mal de temps pour diverses raisons : l’aménagement de notre appartement pas encore fini depuis l’emménagement plus d’1 an plus tôt, mes travaux de recherche que l’enseignement ne me laisse jamais le temps d’achever... Ce ne sont que de petits projets à court terme mais chaque fois parvenir à terminer un élément apporte une satisfaction et c’est bon pour le moral. J’avais le projet aussi de tricoter des angelines pour les petits bébés qui comme le mien naissent bien avant terme pour cause de MFIU ou d’IMG et de les envoyer à une association qui les distribue dans les hôpitaux (je l’ai fait pour mon bébé), mais je n’en ai pas trouvé le temps. Ca peut être une idée pour s’occuper mais il faut avoir le courage de se confronter à cette activité qui nous rappelle notre histoire. C’est peut-être aussi pour cette raison que je n’ai pas réussi à m’y mettre.
Malgré tout j’ai passé un peu plus d’un mois à avoir l’impression d’être à côté de ma vie. Et puis un beau matin c’est revenu, pas à un degré extraordinaire tout d’abord, et peu à peu c’est allé de mieux en mieux, même si le chagrin est toujours là encore 5 mois après.

Je crois qu’il ne faut pas s’inquiéter tout de suite, il faut se laisser du temps et si tu en as besoin mettre en place des garde-fou : j’allais et je vais toujours régulièrement voir mon psy et dès le lendemain de l’accouchement j’ai donné son numéro de téléphone à mon mari en lui disant que s’il jugeait que je n’allais pas bien il fallait lui téléphoner pour le prévenir. De l’autre côté mon psy était au courant que mon mari avait son numéro et l’appellerait s’il s’inquiétait pour moi.

De toute façon il est certain que vivre un tel drame nous change à jamais. Il faut reconstruire un équilibre avec cette nouvelle donnée de notre histoire, ce n’est pas facile et quand je décris mon état psychique le premier mot qui me vient à l’esprit encore maintenant c’est instable.

J’espère que tu trouveras des idées pour te porter.

[Coccinelle79]

Perrine,
Merci pour ton message.

J'ai effectivement droit à l'intégralité de mon congé compte tenu que je suis allée jusqu'à l'accouchement à terme.
Je suis allée rendre visite à mes collègues et mon patron lundi, pour refaire un pas vers eux et voir comment je peux me sentir.
Physiquement, après la césarienne en urgence, je reprends juste mes capacités, mais après des journées entières hors de chez moi j'ai encore des douleurs au ventre. Donc déjà rien que pour cela, j'ai encore besoin de repos.
Ensuite, je travaille dans le médico-social, avec des adultes en situation de handicap. De fait, l'ambiance y est particulière et il faut que je garde mon professionnalisme pour assurer mes fonctions et gérer des situations qui me semblent être parfaitement ridicules par rapport à ce que je vis aujourd'hui.

Pour ces 2 raisons principales, je ne me sens pas de retourner travailler même si effectivement ça me ferait moralement du bien. Mais je ne veux pas non plus m'anesthésier au travail, je crains de retarder les étapes du deuil.
J'ai eu l'occasion de discuter avec mon patron et il a été très compréhensif, malgré le soutien sans faille de mes collègues, il préfère que je prenne tout le temps nécessaire avant de revenir.

Bref, pour le moment ce n'est pas vraiment envisageable. En revanche je suis d'accord sur le fait qu'il faut que je puisse imaginer de petits projets que je peux mener chez moi.

[Gigi18]

Bonjour Coccinelle,

Ce que tu as vécu est un traumatisme et un traumatisme peut susciter des réactions inattendues.

Il est possible que tu ne fasses pas face totalement mais ce sont des protections pour ne pas que tu t'effondres et je suis sûre qu'avec l'aide de professionnels, tu arriveras à faire ton deuil peu à peu.

Le fait que cet événement inattendu se soit passé si vite cause un état de choc. Laisse-toi bien le temps et surtout n'hésites jamais à te faire suivre car ce vécu est loin d'être anodin et chacun a sa manière de réagir et le temps de l’un n'est pas le temps de l'autre, même entre les parents, on voit des différences et ce n'est pas toujours évident.

J'ai aussi pris l'entièreté de mon congé maternité puisque j'étais à 29 SA et je sens que j'en avais besoin mais je comprends que certaines préfèrent reprendre plus tôt.

Plein de courage

Gigi

[Baab]

Bonjour. Comme l on dit les filles , notre cerveau est bien fait . Il se déconnecte quand pour lui la situation est trop lourd .
J en ai fait plusieurs fois l expérience.
Lors de mon accouchement, j etais sous ***** mais j avais l impression de regarder un reportage a la tv et pas du tt que ca me concernait...
ensuite au cours des mois qui ont suivi comme toi, des jours où le chagrin prenait le dessus et des jours où je me laissait porter par les rdv médicaux.
Lors de ma 2e fausse couche , j ai refait une dissociation mais à ce moment la émotionnel. J etais Bien la , je vivais la situation mais je voyais tout le monde qui s affaitait autour de moi mais je ne ressentais rien. Il y avait un interne pas doué et Je m en suis voulu de pas avoir dit qqch. Mais c est avec la psy que je me suis rendue compte que la colere etait venue aprzs , pas pendant donc pas de possibilite de me faire entendre.
C est au final un phénomène culpabilisant mais notre cerveau le fait pour notre bien.
Comme le fait que la chute du moral arrive a distance de l événement par ce quil faut que le corps soit prêt à celle ci.
Bon courage

[Coccinelle79]

Bonjour et merci Baab de ton témoignage.
Je revois la psy le 23, car ma meilleure amie m'emmène en vacances la semaine prochaine, je vais aussi lui en parler mais effectivement je pense que tout cela est inconscient et que mon cerveau me sauve...
Je ne veux juste pas que cela retarde trop le jour où tout va s'effondrer...

[Maarina]

Bonjour Coccinelle,

Je pense que ton état n'a rien d'inquiétant. Comme l'ont dit les filles, face à un drame notre cerveau nous protège.

J'ai ressenti la même chose que toi après avoir perdu ma fille. Pendant mon accouchement et la semaine d'après (pas les jours qui ont suivi), j'avais une impression bizarre. Je savais que je venais de perdre ma fille, j'avais conscience du drame que je venais de vivre mais j'avais la sensation que ça ne m'était pas vraiment arrivé. Je pense que mon cerveau m'a protégé pour éviter que je sombre. Pendant mon accouchement, j'avais l'impression d'être ailleurs et d'être spectatrice de ce qui m'arrivait.

J'ai l'impression que c'est le cas aujourd'hui aussi. Mon mari, qui est pompier, présente les symptômes du Coronavirus depuis hier. Et aujourd'hui, j'ai appris que l'une de mes amies qui se battait contre un cancer depuis un an nous a quitté samedi. Ça commence à faire beaucoup pour 2020 là. Je n'en peux plus de tout ce qui arrive mais pourtant j'ai l'impression que mon cerveau fait de nouveau barrage. Je ne réalise pas encore que je viens de perdre l'une de mes amies. Le cerveau est vraiment complexe.

En tout cas, je te souhaite beaucoup de courage.

Tendres pensées à nos bébés d'amour.